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HISTOIRE (Domaines et champs) Histoire économique

Le déclin des années 1970-1980

Plusieurs facteurs se combinent pour rendre compte du déclin de l'histoire de type labroussien. Tout d'abord, on constate le retour de balancier idéologique des années 1970-1990, marqué par le reflux du structuralisme et du marxisme dans l'univers intellectuel des sciences sociales. Ensuite, l'histoire globale est remise en cause même par des historiens proches des Annales, au profit d'un quasi-éclatement des approches, privilégiant le local ou la micro-histoire, comme en témoignent les analyses précoces de Jean-Claude Perrot (« Rapports sociaux et villes au xviiie siècle », in Annales E.S.C., 1968) ou de Pierre Nora dans le recueil collectif Faire de l'histoire. De même, rançon des succès obtenus, les filons déjà explorés s'épuisent, notamment sur l'histoire des prix du blé aux xviiie et xixe siècles. En outre, les travaux labroussiens montrent peu d'intérêt pour le xxe siècle. De surcroît, les effets du Linguistic Turn – courant anglo-saxon qui réduit toute source aux représentations de ses auteurs et réfute ainsi l'idée même de réalité historique – mettent en doute, parfois de manière radicale, les prétendues réalités prédéfinies dans les catégories sociales ou statistiques telles que les labroussiens les utilisent. Enfin, l'histoire voit l'émergence de nouveaux objets, tels que le retour de l'événement, du fait singulier, du politique, de l'acteur et de l'individu (développement de la microstoria) ; et, aussi, les historiens manifestent un intérêt grandissant pour les marges, les groupes marginaux, les formes de mobilité sociale...

Le terrain se trouve alors occupé par d'autres formes d'histoire : la démographie historique, l'anthropologie historique, l'histoire des mentalités, des représentations, de la mémoire, puis la Gender History, l'histoire culturelle... En outre, parmi les héritiers directs de Labrousse, certains, tels Jean-Claude Perrot, Daniel Roche, Adeline Daumart, Rolande Trempé ou Yves Lequin, veulent rendre autonomes l'histoire sociale ou encore l'histoire urbaine par rapport à l'histoire économique et s'intéresser, indépendamment de toute hiérarchisation préalable, aux groupes sociaux de la modernité, aux nouvelles communautés, aux formes de sociabilités, etc.

Même au Royaume-Uni, l'histoire économique, malgré le poids de l'Economic History Society et l'impact de l'Economic History Review, connaît un certain déclin dans les années 1980, comme en témoigne l'ouvrage de David Coleman History and the Economic Past (1987). Cette vulnérabilité est sans doute accentuée par le fait que l'histoire économique est enseignée dans des départements autonomes, distincts des départements d'histoire ou de sciences économiques. Deux formes de renouvellement de l'histoire économique interviennent cependant dans les pays anglo-saxons dans les années 1960-1970 : la New Economic History et la Business History. Mais elles manifestent, tout au moins pour la première, assez rapidement leurs propres limites.

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Écrit par

  • : professeur d'histoire contemporaine à l'université de Paris-VIII

Classification

Pour citer cet article

Michel MARGAIRAZ. HISTOIRE (Domaines et champs) - Histoire économique [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Banque de France - crédits : J. Derennes/ Photo Banque de France

Banque de France

Autres références

  • HISTOIRE (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 3 161 mots

    Tandis que la physique étudie le monde sensible ou la chimie la transformation de la matière, l’histoire (mot issu d’un vocable grec signifiant « enquête ») étudie... l’histoire. La plupart des langues européennes désignent également par un même mot l’étude et l’objet de l’étude. Est-ce là une imperfection...

  • LE RÔLE SOCIAL DE L'HISTORIEN (O. Dumoulin)

    • Écrit par Bertrand MÜLLER
    • 995 mots

    Au cours de ces dernières décennies, les scènes d'intervention de l'historien se sont multipliées. Sans changer apparemment de costume, l'historien joue de nouveaux rôles : désormais requis comme témoin ou expert sur des scènes sociales – tribunaux, médias, commissions, etc. –, qui ne sont pas a priori...

  • À DISTANCE. NEUF ESSAIS SUR LE POINT DE VUE EN HISTOIRE (C. Ginzburg) - Fiche de lecture

    • Écrit par François-René MARTIN
    • 1 032 mots

    À distance. C'est sous ce titre que l'édition française de l'ouvrage de Carlo Ginzburg rassemble les neuf essais qui le composent (Gallimard, Paris, 2001). Le livre est traduit trois ans après sa publication en italien chez Giangiacomo Feltrinelli Edition sous le titre d'Occhiacci...

  • L'ÂGE DES EXTRÊMES. HISTOIRE DU COURT XXe SIÈCLE (E. Hobsbawm)

    • Écrit par Marc FERRO
    • 805 mots

    L'Âge des extrêmes (Complexe-Le Monde diplomatique, 1999) constitue le quatrième et dernier tome d'un ensemble d'ouvrages qui ont analysé le destin des sociétés depuis la fin du xviiie siècle. Le premier tome, L'Ère des révolutions, traite de la transformation du monde...

  • AGERON CHARLES-ROBERT (1923-2008)

    • Écrit par Benjamin STORA
    • 776 mots

    Historien de l'Algérie contemporaine, Charles-Robert Ageron est né le 6 novembre 1923 à Lyon. Il était issu d'une famille de petits patrons d'atelier. Son père dirigeait une modeste entreprise de mécanique. Bachelier en 1941, il s'inscrit à la faculté des lettres de Lyon où l'un de ses professeurs...

  • AGNOTOLOGIE

    • Écrit par Mathias GIREL
    • 4 992 mots
    • 2 médias

    Le terme « agnotologie » a été introduit par l’historien des sciences Robert N. Proctor (université de Stanford) pour désigner l’étude de l’ignorance et, au-delà de ce sens général, la « production culturelle de l’ignorance ». Si son usage académique semble assez circonscrit à la ...

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Voir aussi