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GUERRE

La guerre et le droit international

La mise hors la loi de la guerre

Au Moyen Âge prévalait la conception que la guerre était nécessairement juste d'un côté, injuste de l'autre. La « guerre juste » était une procédure légale, par laquelle une autorité compétente employait la force des armes hors de sa juridiction normale pour défendre des droits, redresser des torts ou punir des crimes.

Cette notion était admise, par Grotius, qui déclarait dans son De jure belli acpacis (1625) : « C'est le devoir de ceux qui ne sont pas engagés dans une guerre de rien faire qui puisse renforcer la puissance de qui soutient une mauvaise cause ou qui puisse entraver l'action de qui mène une juste guerre. » Il ouvrait, toutefois, la voie à la notion de neutralité en ajoutant : « Dans un cas douteux cependant, les non-belligérants doivent se montrer impartiaux à l'égard des deux camps. » Cornélius van Binkershoek, au xviiie siècle, développa la notion juridique de neutralité en partant du principe que « la question de la justice ou de l'injustice ne concerne pas les neutres » ; il introduisait ainsi dans le droit international les idées que, depuis la Renaissance, les théories sur la souveraineté avaient répandues dans la littérature politique et la pratique des États. Le souverain était réputé libre de déclencher une guerre pour « raison d'État ». La guerre était prérogative du souverain, comme le duel l'était du gentilhomme. Les non-belligérants devaient considérer la guerre comme un état de fait et rester impartiaux à l'égard des deux parties, sauf si l'une d'elles violait les droits des neutres. Cette notion légale de la guerre fut introduite dans la législation de maint État et dans les conventions de La Haye en 1907, mais elle ne fut jamais admise par l'Église catholique, qui continuait la tradition médiévale, ni par le sentiment populaire ou la propagande gouvernementale soucieuse de faire admettre la justice de sa propre cause. Au début de la Première Guerre mondiale, la déclaration du président Wilson, qui invitait les Américains à rester « impartiaux en pensée aussi bien qu'en action », fut l'objet de nombreuses critiques, bien qu'elle reprît une section du discours d'adieu de Washington et s'efforçât de trouver un fondement éthique à la théorie juridique qui prévalait à l'époque.

La théorie de Grotius redevint d'actualité : le droit international devait présupposer que l'un des belligérants était agresseur et l'autre victime. Il fallait mettre la guerre hors la loi car aussi longtemps que la guerre demeurerait respectable et jouirait d'une place reconnue dans le domaine des relations internationales, la racine du mal subsisterait. La solution consistait, en partie, à évincer la guerre de sa position privilégiée en lui déniant tout statut juridique et en mettant au ban de l'humanité tout État qui se livrerait à des hostilités contre un autre État.

Deux hommes d'État surtout se firent les champions de la renonciation à la guerre par traité : Aristide Briand, ministre français des Affaires étrangères et Frank B.  Kellogg, secrétaire d'État américain. En 1927, Briand proposa aux États-Unis de conclure un traité bilatéral conforme aux idées de ceux qui prônaient la mise hors la loi de la guerre. En réponse à cette proposition, Kellogg suggéra qu'au lieu de se contenter d'une déclaration bilatérale les deux gouvernements serviraient la paix mondiale d'une manière plus signalée en s'efforçant de concert d'obtenir l'accord d'un grand nombre de puissances.

Pacte Briand-Kellogg - crédits : Keystone/ Getty Images

Pacte Briand-Kellogg

Le projet de traité multilatéral proposé par les États-Unis le 23 juin 1928 fut rapidement accepté par quatorze autres gouvernements, signé à Paris le 27 août 1928, et ratifié ensuite par soixante-trois[...]

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Écrit par

  • : membre de l'Institut, professeur émérite à l'université de Paris-IV-Sorbonne
  • : auteur de Law in Diplomacy
  • : professeur à l'Institut universitaire de hautes études internationales, Genève
  • : emeritus professor of international law, université de Chicago

Classification

Pour citer cet article

Jean CAZENEUVE, P. E. CORBETT, Victor-Yves GHEBALI et Q. WRIGHT. GUERRE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Premiers canons - crédits : British Library/ AKG-images

Premiers canons

Destruction de l'aviation égyptienne au début de la guerre de Six Jours - crédits : Central Press/ Getty Images

Destruction de l'aviation égyptienne au début de la guerre de Six Jours

Pacte Briand-Kellogg - crédits : Keystone/ Getty Images

Pacte Briand-Kellogg

Autres références

  • BOUTHOUL GASTON (1896-1980)

    • Écrit par Hervé SAVON
    • 1 271 mots

    Juriste et sociologue, docteur en droit et docteur ès lettres, Gaston Bouthoul aurait pu s'engager dans une carrière universitaire classique qui eût été assurément brillante. Mais ce non-conformiste tranquille a craint d'aliéner ainsi une trop grande part de sa liberté. Entré au barreau (il fut notamment...

  • CALLIGRAMMES, Guillaume Apollinaire - Fiche de lecture

    • Écrit par Guy BELZANE
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    ...du recueil, signalée par son titre même, on ne saurait tenir pour secondaires les circonstances de sa rédaction, et, de fait, sa thématique centrale – la guerre – dont Apollinaire donne une vision profondément originale. À sa parution et plus encore dans les années qui ont suivi, Calligrammes n’a...
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