EXTRÊME DROITE

Marine Le Pen, 1er mai 2016
Chesnot/ Getty Images
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L’expression « extrême droite » hante commentaires et analyses de l'actualité politique française depuis la fin des années 1970. Elle permet de rapprocher des événements aussi dissemblables que l'attentat d'Oklahoma City commis en 1995 aux États-Unis, l'entrée en 2000 et en 2017 dans le gouvernement autrichien du parti FPÖ (Freiheitliche Partei Österreichs ou Parti libéral autrichien) dirigé par Jörg Haider puis Heinz-Christian Strache, les émeutes raciales de Burnley, Bradford et Oldham au Royaume-Uni en 2001 et le poids du Rassemblement national (RN), ex-Front national (FN), dans la vie politique française. Son ambiguïté fondamentale est qu'elle est généralement utilisée par les adversaires politiques de l'extrême droite comme une expression stigmatisante, censée renvoyer toutes les formes du nationalisme populiste et xénophobe aux expériences historiques que furent le fascisme italien et le national-socialisme allemand, ou bien, dans le cas français, à une hypothétique filiation directe avec les ligues des années 1930 et la collaboration ou le régime de Vichy. Dans la France contemporaine, il n'est pratiquement jamais assumé par ceux qui en relèvent, qui préfèrent se désigner, à l'instar du RN/FN, par les appellations de « mouvement national » ou de « droite nationale ». En 1996 déjà, le FN envoyait à la presse un communiqué protestant contre l’étiquette d’extrême droite qui lui était accolée, expliquant que l’extrême droite signifiait « le refus de la démocratie et des élections, l’appel à la violence, le racisme et la volonté d’installer le parti unique » qui, effectivement, ne figuraient pas dans son programme.
Écrivant l'histoire de la IIIe République, le militant socialiste révolutionnaire Alexandre Zévaès ne l'applique ni aux partisans du comte de Chambord, ni aux boulangistes, ni même aux ligueurs et autres manifestants du 6 février 1934. Dans cette période troublée des années 1930, la gauche préfère alors qualifier la droite antiparlementaire et souvent antirépublicaine de « fasciste » : Paul Rivet fonde le Comité de vigilance des intellectuels antifascistes ; la SFIO (ancêtre du Parti socialiste) et le Parti communiste mobilisent, le 12 février 1934, « contre le péril fasciste ». Ce n'est qu'après 1945 que le terme « extrême droite » entrera dans le langage courant, pour désigner les formations politiques nationalistes, autoritaires et xénophobes : le parti de Pierre Poujade ; le mouvement Jeune Nation et, par extension, les partisans de l'Algérie française qui choisiront la voie de l'action violente, au sein de l'Organisation de l’armée secrète (OAS). Il est utilisé dès le départ pour décrire l'idéologie du Front national, le parti fondé par Jean-Marie Le Pen en 1972. Il y avait quelque vraisemblance à cette étiquette. D’une part parce que le FN était le seul parti politique à proposer l’inversion des flux migratoires et même, à un moment, le retrait des naturalisations accordées depuis 1962. D’autre part parce que, jusqu’aux législatives de 1978 incluses, il investissait des candidats appartenant à des groupuscules nationalistes révolutionnaires et néonazis.
Comme nous le verrons, la notion d'extrême droite renvoie à des partis et mouvements idéologiquement très hétérogènes. Pourtant, la littérature scientifique s'accorde à valider l'existence d'une famille de partis d'extrême droite, dont nous tenterons dans un premier temps de cerner les contours et les filiations, et dans un second de retracer l'histoire plus immédiate pour ce qui concerne la France depuis 1945. Cette approche n'est valable que si l'on admet la représentation classique des idées politiques selon le clivage droite-gauche, et même, de manière linéaire,[...]
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Écrit par
- Jean-Yves CAMUS : codirecteur de l'Observatoire des radicalités politiques, Fondation Jean-Jaurès, senior fellow, Centre for Analysis of the Radical Right (CARR)
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Pour citer cet article
Jean-Yves CAMUS, « EXTRÊME DROITE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :
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