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ECCLÉSIOLOGIE

La fondation de l'Église

Aussi les exégètes admettent-ils généralement aujourd'hui que la constitution de la communauté primitive remonte à la personne et à l'activité de Jésus. Pour certains, il est vrai (ainsi W. G. Kümmel, R. Bultmann), ce n'est pas la personne de Jésus, mais l'action divine en lui qui est à l'origine historique de l'Église : Jésus lui-même n'aurait pas procédé à son institution ; il n'aurait fait que proclamer la bonne nouvelle aux « brebis perdues d'Israël », sans l'annoncer aux païens. Cette extension de l'annonce, d'où est résultée l'Église, serait une décision de Pierre et des Anciens qui l'ont sanctionnée au Concile de Jérusalem. Il faut admettre toutefois, avec d'autres auteurs (comme O. Cullmann, F. M. Braun, P. Benoit), que la conscience messianique de Jésus est une donnée historique bien établie, en particulier grâce aux documents que nous possédons aujourd'hui en plus grand nombre sur le judaïsme intertestamentaire (apocalypses juives, documents de la mer Morte, targoums). Le Nouveau Testament présente l'Église comme fondée le jour de Pâques, dans la mort et la résurrection du Christ. Jésus a voulu rassembler autour de lui une communauté messianique ; il a reconnu l'échec de sa prédication auprès des institutions établies ; et il a offert sa mort à la place (substitution) du grand nombre, dans l'attente de la réconciliation de tout le peuple ; il a laissé entrevoir, de sa mort à l'avènement du Royaume, un temps nouveau, non de pure attente, mais de réunion des disciples autour des douze Apôtres. Il est ressuscité et la semence de sa prédication (kérygme) a été jetée.

Si l'on admet ces données, on peut reconnaître que Jésus lui-même a voulu fonder l'Église. L'élection des douze Apôtres est particulièrement significative. Elle est historiquement bien établie, puisque Judas fut remplacé pour compléter le nombre des douze (Actes, i, 15-26) et puisque Paul rapporte la confession de foi primitive des douze Apôtres (I Cor., xv, 5). Or ce nombre symbolise les douze tribus, l'Israël total qui doit être rassemblé. De même, les paroles de Jésus le soir du jeudi saint montrent qu'il a célébré la Cène comme le mémorial de la pâque, instituant ainsi l'eucharistie et donnant ordre à ses disciples d'accomplir, alors même qu'il ne sera plus parmi eux, le rite qu'il vient d'inaugurer (« Faites ceci en mémoire de moi »). Jésus a annoncé enfin à ses disciples l'envoi d'un défenseur, l'Esprit-Saint, qui les assistera et leur enseignera ce qu'ils auront à dire, en particulier devant les tribunaux lorsqu'ils seront mis en jugement (Jean, xvi, 5-15). Tous les ordres donnés par Jésus aux disciples visent clairement des temps à venir : en particulier l'invitation faite à Pierre, revenu de sa faiblesse, de confirmer ses frères (Luc, xxii, 31) ; la mission de paître le troupeau (Jean, xxi, 15-18) ; enfin la promesse que « les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre l'Église » (Matth., xvi, 18), promesse dont le caractère sémitique et primitif est indiscutable.

Il reste que l'Église chrétienne n'a pas reçu de Jésus-Christ lui-même une constitution stable et complète, au sens où l'on parle de la constitution d'un État ou des statuts d'une société. L'institution ecclésiastique s'est élaborée au cours des temps. Elle n'est pas qu'une donnée biblique. Elle est aussi un fait de tradition.

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Écrit par

  • : directeur du Centre d'études Istina et de la revue Istina

Classification

Pour citer cet article

Bernard DUPUY. ECCLÉSIOLOGIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AUTOCÉPHALES ÉGLISES

    • Écrit par Hervé LEGRAND
    • 1 043 mots

    L'autocéphalie (du grec autoképhalos, « qui est sa propre tête ») est le régime canonique qui règle les rapports institutionnels existant entre les diverses Églises sœurs dont se compose l'Église orthodoxe. Deux traits caractérisent ce régime : le refus d'une primauté de...

  • BAPTISME

    • Écrit par Jean SÉGUY
    • 1 086 mots
    ...serait cependant erroné de leur prêter la même signification qu'aux divisions entre les grandes Églises. Dans une théologie congrégationaliste et dans le domaine de l'ecclésiologie, les baptistes sont hypercongrégationalistes : l'Assemblée locale (la paroisse si l'on veut, mais l'équivalence apparente est...
  • BULTMANN RUDOLF (1884-1976)

    • Écrit par André MALET
    • 2 316 mots
    On oublie souvent que Bultmann attache la même importance à l'ecclésiologie qu'à la christologie : l'Église est l'incarnation continuée, elle est – dit-il – « co-constituante » de l'événement du salut. Si la révélation était une réalité objective, n'importe qui...
  • CALVINISME

    • Écrit par Jean CADIER, André DUMAS
    • 4 244 mots
    • 1 média
    L'organisation ecclésiastique du calvinisme est originale. L'Église est dirigée à plusieurs échelons par des conseils composés de pasteurs et de laïcs : conseils de paroisse, colloques, synodes régionaux et nationaux. Chaque conseil élit ses délégués à l'échelon supérieur. À notre époque, les conseillers...
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Voir aussi