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STIJL DE

La peinture

De Stijl fut initialement une congrégation de peintres, auxquels se sont joints ensuite des architectes ; ce sont les peintres qui ont posé les premières pierres de ce principe général. Et si, parmi eux, Mondrian fut le seul à l'avoir radicalement actualisé (lorsqu'il parvint au néo-plasticisme, en 1920), Van der Leck et Huszár travaillèrent eux aussi à son élaboration (le cas de Van Doesburg est plus complexe).

On sait que Van der Leck fut le premier à avoir su élémentariser la couleur (Mondrian lui doit ses couleurs primaires, comme il le dira lui-même dans le dernier numéro du Stijl, hommage posthume à Van Doesburg), mais il ne put jamais parvenir à l'intégration de tous les éléments de ses tableaux. Aussi abstraites qu'aient pu être certaines de ses toiles (et sous l'influence directe de Mondrian il ira presque, de 1916 à 1918, jusqu'à l'abstraction totale), il en est toujours resté à une conception illusionniste de l'espace, le fond blanc de ses tableaux se comportant comme une zone neutre, comme un réceptacle originel, antérieur en quelque sorte à l'inscription des figures. Le prétexte invoqué rétrospectivement par Van der Leck quand il quitte le groupe (la trop grande présence des architectes dans la revue) est en fait secondaire : à partir du moment où la question du fond fut réglée par les autres peintres du Stijl, il ne partagea plus leur langage (et ce n'est aucunement un hasard s'il retourne ostensiblement à la figuration en 1918, au moment de son départ).

Quant à Huszár, sa seule contribution picturale théorique au Stijl est précisément l'élémentarisation du fond ou, plutôt, de la relation figure/fond qu'il réduit à une opposition binaire (dans la plus remarquable de ces œuvres, une linogravure en noir et blanc, il est impossible de démarquer la forme du fond ; nous citerons parmi ses autres compositions la couverture de la revue De Stijl et Marteau et Scie, 1917, seule œuvre à y avoir été reproduite en couleurs, elle est conservée aujourd'hui au Gemeentemuseum de La Haye). Mais l'artiste s'est malheureusement arrêté là, incapable d'intégrer d'autres variantes dans son travail : parti de l'espace illusionniste de Van der Leck (comme en témoigne Composition II-Les Patineurs, 1917, Gemeentemuseum, La Haye), il y retourne au milieu des années 1920 avec de médiocres œuvres figuratives, trop souvent antidatées par les marchands, qui n'ont plus aucun rapport avec De Stijl.

Ayant parfaitement assimilé les leçons du cubisme lors de son premier séjour à Paris en 1912-1914, Mondrian pourra, beaucoup plus rapidement que les autres peintres, résoudre la question de l'abstraction et concentrer ses efforts sur celle de l'intégration. Son premier souci (après avoir opté pour les couleurs primaires) est d'unir la figure et le fond en un tout inséparable, mais sans se limiter à une solution binaire qui rendrait inutile le jeu de la couleur. L'évolution qui le conduira des trois tableaux de 1917 (Composition en couleur A, Composition en couleur B, Composition avec lignes, présentés d'ailleurs en triptyque lorsqu'ils furent exposés pour la première fois) au néo-plasticisme est beaucoup trop complexe pour pouvoir être analysée ici. Notons simplement que Mondrian n'est parvenu à éliminer de son vocabulaire le fond neutre, à la manière de celui de Van der Leck, qu'après avoir utilisé une grille modulaire dans neuf de ses tableaux (1918-1919). Il s'agissait pour lui d'élémentariser la division de ses toiles, c'est-à-dire de trouver un système irréductible de répartition des plans colorés, fondé sur un seul élément (d'où l'utilisation du module, de mêmes proportions que la surface du tableau qu'il divise). Très rapidement, Mondrian abandonna ce système, lui trouvant un caractère régressif ; fondé sur la répétition, il ne privilégiait[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art à l'université Harvard

Classification

Pour citer cet article

Yve-Alain BOIS. STIJL DE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • MONDRIAN / DE STIJL (expositions)

    • Écrit par Guitemie MALDONADO
    • 983 mots
    • 1 média

    La dernière exposition monographique et rétrospective consacrée en France à l'œuvre de Piet Mondrian (1872-1944) datait de 1969 ; présentée à l'Orangerie des Tuileries, elle avait également été la première dans ce pays où l'artiste, Hollandais d'origine, avait pourtant passé près de trente...

  • AFFICHE

    • Écrit par Michel WLASSIKOFF
    • 6 817 mots
    • 12 médias
    AuxPays-Bas, le mouvement De Stijl, né sous l'impulsion de Theo van Doesburg et de Vilmos Huszar, en 1917, est en lien avec Dada et s'affirme comme une autre source du constructivisme. Dans l'esprit du mouvement, Bart van der Leck crée des affiches commerciales pour les lignes maritimes...
  • AMSTERDAM

    • Écrit par Universalis, Élodie VITALE
    • 2 814 mots
    • 3 médias
    ...renaissance architecturale ne se manifeste finalement qu'au début du xxe siècle, avec le nouveau bâtiment de la Bourse, dû à l'architecte Berlage. Un peu plus tard, l'école d'art abstrait, le Stijlgroep, avec les architectes Oud et Rietveld et les peintres Mondrian, Van Doesburg et Van der Lek, connaît...
  • CONSTRUCTIVISME

    • Écrit par Andréi NAKOV
    • 3 373 mots
    • 2 médias
    ...que se constitue le premier groupe pro-constructiviste. Autour de Théo Van Dœsburg et Piet Mondrian qui, à partir de 1917, publient à Leyde la revue De Stijlsont réunis des peintres et architectes : G. T. Rietveld, Cor Van Eesteren, J. J. P.  Oud. Les idées du groupe traduisent la même volonté d'austérité...
  • DEL MARLE FÉLIX (1889-1952)

    • Écrit par Michel FRIZOT
    • 364 mots
    • 1 média

    La carrière du peintre Félix Del Marle s'organise autour de deux périodes principales, l'une futuriste, l'autre néo-plastique. Del Marle, très intéressé par le Manifeste de Marinetti publié le 20 février 1909 dans Le Figaro, fréquente à Paris les peintres futuristes Boccioni...

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Voir aussi