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STIJL DE

L'intérieur

L'importance accordée à l'intérieur par les artistes du Stijl repose à la fois sur leur interrogation au sujet de la notion de limite et sur leur défiance à l'égard de tout art appliqué (l'opinion reçue faisant du Stijl un mouvement appliquant une solution formelle à la sphère de ce que l'on nomme le design est erronée, l'art décoratif n'ayant jamais intéressé les artistes du Stijl – à une exception près qui fut d'ailleurs de courte durée et qualifiée d'ignominieuse par Rietveld : l'art du vitrail). Selon le principe du Stijl, les arts ne doivent pas s'appliquer les uns sur les autres, mais peuvent éventuellement s'allier les uns aux autres dans la constitution d'une unité indivisible : tel est le fondement de l'intérieur abstrait du Stijl, conçu comme un art hybride, situé entre la peinture et l'architecture, sans que l'une des composantes ne prenne le pas sur l'autre. L'enjeu était de taille, et presque toutes les disputes internes au mouvement proviennent d'un affrontement entre peintres et architectes, tant l'invention de cet art hybride était problématique. Elle se fit en deux temps, en deux mouvements théoriques.

Premier mouvement : ce n'est que lorsqu'il a tracé les limites de son champ, visé à un maximum d'autonomie et trouvé quels sont ses moyens spécifiques, bref, ce n'est que lorsqu'il s'est défini lui-même (par différence avec les autres pratiques artistiques) que chaque art peut percevoir le dénominateur qu'il a en commun avec l'art auquel il veut s'allier. Seul ce dénominateur peut permettre l'articulation entre les différents arts et leur intégration. Ainsi de l'architecture et de la peinture : ces deux arts peuvent aujourd'hui travailler de concert parce qu'ils ont un élément fondamental en commun, celui de la planéité (du mur, de la surface du tableau). « C'est désormais à la surface plane de transmettre la continuité de l'espace », écrit Van der Leck, en mars 1918, poursuivant ainsi : « La peinture est aujourd'hui architecturale parce qu'en elle-même et par ses moyens propres elle dessert le même concept que l'architecture – l'espace et le plan – et donc exprime « la même chose », mais d'une manière différente » (et l'on peut trouver des déclarations similaires à la même époque dans des écrits de Van Doesburg et de Mondrian mais aussi dans un texte de Oud publié dans le premier numéro du Stijl). De ce premier mouvement découle la totalité des projets colorés de Van der Leck (la plupart non réalisés), les premiers intérieurs de Huszár, l'atelier de Mondrian à Paris et son Projet de salon pour Madame B., de 1926. Toutes ces œuvres ont en commun une conception statique de l'architecture, chaque pièce étant considérée comme une somme de murs, comme une boîte à six faces, ce qui s'explique peut-être par le fait qu'il s'agissait à chaque fois d'animer une architecture déjà existante.

Le deuxième mouvement est la conséquence d'une collaboration qui échoua (ce fut d'ailleurs le premier échec au sein du Stijl) entre un peintre et un architecte : celle de Van Doesburg et Oud pour la maison de vacances De Vonk, à Noordwijkerhout, en 1917, puis pour les blocs d'habitation Spangen à Rotterdam en 1918. Si cette collaboration conduisit à une rupture entre le peintre et l'architecte, Oud refusant les derniers projets colorés de Van Doesburg, c'est parce que, en dépit des efforts remarquables de ce dernier pour intégrer la couleur aux éléments architecturaux (les portes et les fenêtres de tout le bâtiment – à l'intérieur comme à l'extérieur – sont prises dans une séquence colorée), la médiocrité de l'architecture elle-même conduira le peintre à vouloir nier[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art à l'université Harvard

Classification

Pour citer cet article

Yve-Alain BOIS. STIJL DE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • MONDRIAN / DE STIJL (expositions)

    • Écrit par Guitemie MALDONADO
    • 983 mots
    • 1 média

    La dernière exposition monographique et rétrospective consacrée en France à l'œuvre de Piet Mondrian (1872-1944) datait de 1969 ; présentée à l'Orangerie des Tuileries, elle avait également été la première dans ce pays où l'artiste, Hollandais d'origine, avait pourtant passé près de trente...

  • AFFICHE

    • Écrit par Michel WLASSIKOFF
    • 6 817 mots
    • 12 médias
    AuxPays-Bas, le mouvement De Stijl, né sous l'impulsion de Theo van Doesburg et de Vilmos Huszar, en 1917, est en lien avec Dada et s'affirme comme une autre source du constructivisme. Dans l'esprit du mouvement, Bart van der Leck crée des affiches commerciales pour les lignes maritimes...
  • AMSTERDAM

    • Écrit par Universalis, Élodie VITALE
    • 2 814 mots
    • 3 médias
    ...renaissance architecturale ne se manifeste finalement qu'au début du xxe siècle, avec le nouveau bâtiment de la Bourse, dû à l'architecte Berlage. Un peu plus tard, l'école d'art abstrait, le Stijlgroep, avec les architectes Oud et Rietveld et les peintres Mondrian, Van Doesburg et Van der Lek, connaît...
  • CONSTRUCTIVISME

    • Écrit par Andréi NAKOV
    • 3 373 mots
    • 2 médias
    ...que se constitue le premier groupe pro-constructiviste. Autour de Théo Van Dœsburg et Piet Mondrian qui, à partir de 1917, publient à Leyde la revue De Stijlsont réunis des peintres et architectes : G. T. Rietveld, Cor Van Eesteren, J. J. P.  Oud. Les idées du groupe traduisent la même volonté d'austérité...
  • DEL MARLE FÉLIX (1889-1952)

    • Écrit par Michel FRIZOT
    • 364 mots
    • 1 média

    La carrière du peintre Félix Del Marle s'organise autour de deux périodes principales, l'une futuriste, l'autre néo-plastique. Del Marle, très intéressé par le Manifeste de Marinetti publié le 20 février 1909 dans Le Figaro, fréquente à Paris les peintres futuristes Boccioni...

  • Afficher les 21 références

Voir aussi