Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

CYNISME

Une morale de la subversion

L'assurance du cynique pousse des racines profondes dans l'ascèse – découverte et apprentissage de soi. Celle-ci donne sens à son prosélytisme et efficacité à son opportunisme, et le garantit de la duperie des conventions ; que celles-ci s'installent dans le rapport social ou dans la société que l'on forme avec soi-même. Il est ainsi avéré que la première des règles de vie est la prudence. C'est dire que le cynisme n'est pas complaisance narcissique quoiqu'il tire son pouvoir cathartique de l'affirmation exacerbée du moi et arrime les valeurs à la subjectivité solipsiste. Mais cet égotisme extraverti trouve son corollaire dans l'implicite reconnaissance de la pure altérité ou liberté d'autrui. C'est pourquoi le cynique fait image et modèle : la vertu réside dans les actes que l'on pose et par lesquels on est susceptible d'enseigner en édifiant ; le chemin vers la vérité est d'occasions. Il n'y a pas de science possible des conduites libres ; mais un rapport de maître à disciple où apprendre équivaut à s'exercer à l'imitation des maîtres artisans qui détiennent les tours de main et dont le secret est de persévérance. Enseignement critique et tout négatif sur le plan de la transmission d'un savoir, car ce rapport est d'abord vécu, et vécu dramatiquement, comme l'est l'autonomie de tout sujet en devenir : nature, dont la vertu éducative réside pour l'essentiel dans la subversive exemplarité.

Avatar du regard d'autrui, le cynisme témoigne de lui-même par la qualité de percussion et de résonance qu'il engendre : ses excès, qu'ils soient d'ascèse orgueilleuse, de franc-parler ou de libertinage, sont toujours polémiques ; reposoir ostentatoire et privilégié de la méditation et de la contemplation actives et militantes. À chacun d'atteindre le bien : il suffit d'imaginer pour vouloir et, pour imaginer de savoir vivre avec soi. Confiance fondée sur l'effort ferme et constant, ordonné au daimôn personnel ; et sur la tempérance de la raison abouchée avec le naturel et l'expérience : c'est pourquoi il y a une geste cynique qui scande l'histoire et modèle le misanthrope, le misologue, cet innocent monstrueux que porte et que mérite chaque époque.

— Henri WETZEL

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : agrégé de l'Université, assistant au département de philosophie de l'université de Poitiers

Classification

Pour citer cet article

Henri WETZEL. CYNISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ANTIQUITÉ - Naissance de la philosophie

    • Écrit par Pierre AUBENQUE
    • 11 137 mots
    • 8 médias
    ...socratiques. La plupart d'entre eux, encore moins soucieux que Socrate de philosopher sur la nature, ont renchéri sur sa critique de la société et des mœurs. C'est même par une protestation spectaculaire contre le conformisme que se sont signalés les plus célèbres d'entre eux, les cyniques, dont le plus connu...
  • ANTISTHÈNE (env. 440-env. 370 av. J.-C.)

    • Écrit par Pierre HADOT
    • 232 mots

    Disciple de Socrate et maître de Diogène le Cynique, Antisthène, comme le firent un peu plus tard les mégariques, considérait le langage discursif comme étant incapable de décrire adéquatement la réalité concrète des unités individuelles. On ne peut dire « un homme est bon », mais seulement « le...

  • ASCÈSE & ASCÉTISME

    • Écrit par Michel HULIN
    • 4 668 mots
    • 1 média
    ..., 64 a), c'est-à-dire que l'on s'efforce de vivre dans le seul exercice de l'intelligence, en refoulant les sensations confuses qui émanent du corps. Quant à la seconde tradition, elle se manifeste avec éclat chez les premiers représentants de l'école cynique, Antisthène et Diogène de Sinope....
  • DIOGÈNE LE CYNIQUE (413-327 av. J.-C.)

    • Écrit par Barbara CASSIN
    • 396 mots

    Diogène de Sinope, du nom de sa ville natale sur la mer Noire, est plus connu sous le sobriquet de Chien (Aristote, Rhétorique, 1411 a 24), qui le désigne comme fondateur de la secte cynique. Il mourut à Corinthe, qui lui consacra une colonne surmontée d'un chien, tandis que ses concitoyens lui élevaient...

  • Afficher les 7 références

Voir aussi