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LE DERNIER MONET (expositions)

L'installation de Monet à Giverny, dans l'Eure, en 1883, aurait pu n'être que temporaire, mais elle devint définitive avec l'achat de sa maison, en 1890, dont il agrandit le jardin, à partir de 1893, par un bassin aux nymphéas. Il lui restait plus de trente ans à vivre (il meurt en 1926), mais, curieusement, cette période où il va « au-delà de l'impressionnisme » n'avait pas vraiment fait l'objet, jusqu'à présent, d'études ou d'analyses très poussées. C'est donc une découverte et une profonde réappréciation qu'ont provoquées deux manifestations tenues coup sur coup, Monet in the 20th Century (présentée d'abord au Museum of Fine Arts de Boston du 20 septembre au 27 décembre 1998, puis à la Royal Academy of Arts de Londres du 23 janvier au 18 avril 1999) et Monet, le cycle des Nymphéas tenue à Paris, au Musée national de l'Orangerie (du 6 mai au 16 août 1999).

Si plusieurs œuvres ont été présentées à l'une et à l'autre de ces expositions, dont le propos se recoupait partiellement, chacune n'en avait pas moins sa logique propre et son originalité. La première, Monet in the 20th Century, avait été organisée sous la direction de Paul Tucker, éminent spécialiste du peintre. Elle voulait offrir une synthèse sur l'activité de Monet dans le dernier quart de sa vie, selon une perspective à la fois chronologique et thématique, qui ne s'en tenait pas uniquement aux Nymphéas. Des salles étaient ainsi consacrées aux vues du jardin dans son ensemble, ou aux séries peintes à Londres (1899-1904) et à Venise (1908-1912). Le sommet de l'exposition était incontestablement le rassemblement de près de la moitié des peintures exposées par Monet chez Durand-Ruel en 1909, où la nouvelle orientation prise par son travail depuis plus de dix ans fut dévoilée au public et aux critiques. Monet in the 20th Century redonnait ainsi leur logique à vingt-cinq ans de création.

L'autre aspect que Paul Tucker et son équipe cherchaient à mettre en valeur, le fait que Monet est, pleinement, un peintre du xxe siècle, était sans doute moins sensible dans l'exposition elle-même que dans le remarquable catalogue. Là, on trouvera la discussion de ce problème, et d'autres qui lui sont connexes, notamment la postérité de Monet dans la peinture décorative et murale en France entre 1920 et 1950 ou les échos qu'il a trouvés dans la peinture américaine, l'influence qu'il a exercée sur l'école de New York et l'expressionnisme abstrait des années 1950 et 1960.

Il manquait cependant à Monet in the 20th Century l'aboutissement du travail du peintre à Giverny : les deux salles de Nymphéas du Musée national de l'Orangerie à Paris, auxquelles l'artiste avait pensé, sans destination précise, dès 1897, et qui donnent à sa tâche toute sa logique, ainsi que l'a montré Pierre Georgel, directeur du Musée et commissaire de l'exposition Monet, le cycle des Nymphéas. Là réside sans aucun doute la profonde originalité du peintre : originalité du sujet, bien sûr, puisqu'il dépasse ici les catégories traditionnelles de la peinture de paysage, sans pourtant basculer totalement du côté de l'abstraction ; originalité formelle ; originalité enfin du dispositif lui-même dans lequel le visiteur est invité à se perdre. Monet avait sans doute imaginé comme destination, en débutant son travail, une salle à manger, un salon, en tout cas un lieu privé. La donation à l'État, à l'occasion de la victoire, en 1918, manifeste toute la portée de son entreprise. Elle permet également d'associer aux Nymphéas le nom de Georges Clemenceau, ami de longue date du peintre, qui joua un rôle majeur et dans ce don et dans une réalisation qui ne s'acheva qu'à la mort du peintre.

Il ne s'agit[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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Barthélémy JOBERT. LE DERNIER MONET (expositions) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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