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CINÉMA (Réalisation d'un film) Montage

Montage oblitéré, montage interdit

À ce montage visible s'opposent deux types de montages invisibles. Le premier, issu du « montage continu » de Griffith, est celui du cinéma hollywoodien classique, généralisé avec le parlant et devenu la norme internationale. Il n'est pas moins manipulateur que celui des Soviétiques, mais vise à effacer toute marque du travail créateur que revendiquait avec force Vertov. Aucun obstacle matériel ne doit s'opposer à l'identification du spectateur à l'imaginaire que lui propose l'usine à rêves hollywoodienne (ou autre). En revanche, ce n'est pas un effacement des traces que revendique l'école phénoménologique illustrée par Roberto Rossellini comme cinéaste et par André Bazin comme théoricien. « Les choses sont là, explique le premier, pourquoi les manipuler ? [...] Toute idéologie est un prisme. » Pour Bazin, le cinéma, pur instrument mécanique, a pour fonction de révéler la réalité ontologique du monde en dehors de tout regard humain, de toute idéologie. Le montage ne saurait être que trahison de cette vocation, dès lors qu'il suppose une intervention humaine, donc une interprétation superposée à la vérité nue du monde. Il n'a qu'une fonction logique – situer la caméra à la meilleure place, voir ce qui est important – et est frappé d'interdit lorsqu'il détruit la continuité du réel, nécessaire à la crédibilité d'une scène. Bazin reproche aux Russes de croire à l'image et non à la réalité. L'unité sémantique n'est plus ici le plan, mais la séquence, et Bazin privilégie les techniques – alors modernes – qui respectent la « robe sans couture de la réalité » : le plan-séquence et la profondeur de champ, à l'œuvre chez Rossellini, Renoir, Welles ou Wyler. Dans la foulée, Éric Rohmer, dans un article au titre significatif, « Le Cinéma, art de l'espace » (1948), rappelle : « L'art du cinéma ne se réduit pas à la technique du changement de cadre, et, même aujourd'hui, la valeur expressive des rapports de dimensions ou du déplacement des lignes à l'intérieur de la surface de l'écran peut faire l'objet d'un soin rigoureux. »

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma

Classification

Pour citer cet article

Joël MAGNY. CINÉMA (Réalisation d'un film) - Montage [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Différents plans cinématographiques - crédits : Encyclopædia Universalis France

Différents plans cinématographiques

Cinéma : montage d'un film - crédits : mixetto/ E+/ Getty Images

Cinéma : montage d'un film

Techniques de montage cinématographique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Techniques de montage cinématographique

Autres références

  • ACTEUR

    • Écrit par Dominique PAQUET
    • 6 815 mots
    • 2 médias
    Aux débuts du cinéma, l'acteur ne paraît pas un instant différent de l'acteur de théâtre. Car ce sont les mêmes qui, dans les premiers films de Méliès, interprètent les textes classiques. De même, dans le cinéma expressionniste, la technique de monstration et de dévoilement de l'expression appartient...
  • AFRICAINS CINÉMAS

    • Écrit par Jean-Louis COMOLLI
    • 1 131 mots

    L'histoire des cinémas africains se sépare difficilement de celle de la décolonisation. Il y eut d'abord des films de Blancs tournés en Afrique. Puis, à partir des années soixante, les nouveaux États africains ont été confrontés au problème de savoir quel rôle, quelle orientation, quels...

  • ALLEMAND CINÉMA

    • Écrit par Pierre GRAS, Daniel SAUVAGET
    • 10 274 mots
    • 7 médias

    Le cinéaste Volker Schlöndorff a suggéré que l'histoire du cinéma allemand était faite d'une série de ruptures esthétiques mais aussi d'une grande continuité dans le domaine de l'industrie cinématographique. L'alternance entre les phases les plus inventives, comme celles des années 1918-1933, voire...

  • AMENGUAL BARTHÉLEMY (1919-2005)

    • Écrit par Suzanne LIANDRAT-GUIGUES
    • 758 mots

    L'œuvre d'écrivain de cinéma de Barthélemy Amengual est considérable, autant par sa quantité (une douzaine d'ouvrages et une multitude d'articles) que par l'acuité de son propos. Comparable aux meilleurs analystes français de sa génération (tels André Bazin ou Henri...

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