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ALLEMAND CINÉMA

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L'âge d'or du muet

Certains n'ont pas attendu le retour de la paix pour s'affirmer : Ernst Lubitsch, qui mêle un certain esprit berlinois et une touche d'humour juif, et qui, produit par Davidson, dirige lui-même ses comédies ; Paul Wegener, acteur et metteur en scène ; Richard Oswald, Joe May, Paul Leni, le scénariste Carl Mayer. Mais le cinéma va refléter le bouillonnement artistique de la République de Weimar (1918-1933), et tirer profit de la concentration de talents propre à Berlin, dans les domaines les plus divers : théâtre, littérature, cabaret, musique de concert, arts plastiques, architecture. Il assimile aussi les nouvelles visions du monde qu'apportent la psychologie, le journalisme d'investigation, la criminologie. Richard Oswald se rend célèbre avec ses Aufklärungfilme, ou films d'éducation sexuelle, et s'expose en popularisant les thèses du sexologue Magnus Hirschfeld, avec notamment son film sur l'homosexualité, Anders als die Andern (1919), tandis que G. W. Pabst tente d'illustrer à l'écran les thèses psychanalytiques avec Les Mystères d'une âme (GeheimnisseeinerSeele, 1926).

La production se diversifiant, de nouveaux genres sont cultivés. Lubitsch abandonne ses petites comédies et met en scène, de 1919 à 1923, grands spectacles historiques et fresques monumentales : La Dubarry (Madame Dubarry), Sumurun, Anne de Boleyn (Anna Boleyn), La Femme du pharaon (DasWeib des Pharao). Immenses succès commerciaux, ces films lui valent d'être appelé à Hollywood en 1923 avec Pola Negri sa vedette de prédilection. Ludwig Berger, Paul Czinner s'illustrent dans le film à costumes et la biographie historique. Danton (1921, lointaine adaptation du drame de Büchner, La Mort de Danton), Othello (1922), Pierre le Grand (Peter der Grosse, 1922) permettent à leur réalisateur Dimitri Buchowetski de rejoindre Lubitsch à Hollywood. Un des plus grands succès du genre sur le marché allemand est Fridericus Rex (1922) d'Arzén von Cserepy. Cette fresque monarchiste, attaquée par la gauche, est à l'origine d'une série de films dont le héros est Frédéric de Prusse, toujours interprété par le même acteur, Otto Gebühr. Travaillant essentiellement en décors naturels, Arnold Fanck fonde, avec La Montagne sacrée (Der heilige Berg, 1926), un genre qui restera longtemps populaire en Allemagne, le film de montagne. Les acteurs Leni Riefenstahl et Luis Trenker lui devront leur popularité.

Nosferatu le vampire, F. W. Murnau - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Nosferatu le vampire, F. W. Murnau

Moins applaudi à sa sortie, combien plus audacieux, Le Cabinet du docteur Caligari (Das Cabinet des Dr Caligari, 1920), de Robert Wiene, sur un scénario de Carl Mayer et Hans Janowitz, apparaît comme le manifeste cinématographique de l'expressionnisme, fortement influencé par la peinture et la littérature du temps. Bien que le nombre de films véritablement expressionnistes soit restreint, cette esthétique aura une influence considérable sur le cinéma des années 1920, ses jeux de lumière, le travail des acteurs, la plastique des décors et des perspectives, la recherche d'images subjectives. Renouant avec le vieux fonds de légendes propre au romantisme, la fascination expressionniste renforce ce que Lotte Eisner a nommé dans un livre célèbre la tendance « démoniaque » au sein du cinéma allemand, illustrée notamment par de nouvelles versions du Golem (Carl Boese, 1920) et de L'Étudiant de Prague (Henrik Galeen, 1926) – toujours avec Paul Wegener –, et surtout par un foisonnement d'intrigues à caractère fantastique : Le Cabinet des figures de cire (DasWaschsfigurenkabinett, 1924), de Paul Leni, archétype du fantastique onirique et baroque, Les Mains d'Orlac(OrlacsHände, 1924), de Robert Wiene, un film d'une grande sobriété qui sera le modèle du film d'horreur de l'époque classique. Sans oublier les chefs-d'œuvre de Fritz Lang, comme [...]

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Écrit par

  • : enseignant en cinéma à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle et à l'université de Paris-VII-Denis-Diderot
  • : économiste, critique de cinéma

Classification

Pour citer cet article

Pierre GRAS et Daniel SAUVAGET. ALLEMAND CINÉMA [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 28/03/2022

Médias

Nosferatu le vampire, F. W. Murnau - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Nosferatu le vampire, F. W. Murnau

Faust, F. W. Murnau - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Faust, F. W. Murnau

Metropolis, Fritz Lang - crédits : Horst von Harbou/ Stiftung Deutsche Kinemathek/ AKG-images

Metropolis, Fritz Lang

Autres références

  • AGUIRRE, LA COLÈRE DE DIEU, film de Werner Herzog

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    • 1 054 mots

    Aguirre, la colère de dieu (Aguirre, der Zorn Gottes) est le premier long métrage de fiction réalisé par un auteur alors connu pour la qualité de ses documentaires : Signes de vie (Lebenszeichen, 1967) puis Fata Morgana (1970). Il s'agit aussi du premier grand rôle de Klaus Kinski avec...

  • LES AILES DU DÉSIR, film de Wim Wenders

    • Écrit par
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    • 1 média

    Né en 1945 à Düsseldorf, Wim Wenders devient critique de cinéma à la fin des années 1960 tout en entamant, dès 1967, un parcours de cinéaste. Après trois films remarqués L'Angoisse du gardien de but au moment du penalty (Die Angst des Tormanns beim Elfmeter, 1971), Alice dans les villes...

  • AKIN FATIH (1973- )

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    Depuis l'ours d'or attribué en 2004 à Gegen die Wand (Head On), et les succès en France de ses deux films suivants, Auf der anderen Seit (De l'autre côté) en 2007 et Soul Kitchen en 2010, Fatih Akin est devenu l'auteur-réalisateur allemand le plus connu des spectateurs français et...

  • L'ANGE BLEU, film de Josef von Sternberg

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    Josef von Sternberg (1894-1969), de son vrai nom Jonas Sternberg, est un juif viennois d'origine modeste dont la famille émigre aux États-Unis dans sa petite enfance. Il débute à Hollywood en 1912 en exerçant toutes sortes de métiers : nettoyeur et vérificateur de copies de films, monteur,...

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