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CID LE

Le Cid Campeador (le « seigneur qui gagne les batailles ») est le surnom sous lequel s'est immortalisé Rodrigo Díaz de Bivar. Il appartient à l'histoire, mais la légende très tôt s'en est emparé. Confronter la geste épique aux documents qui nous restent sur son héros, en comparer les différentes versions, suivre sa postérité dans la littérature des temps modernes, tel est le vaste champ qui s'ouvre à l'érudit ou au lecteur curieux. Par-delà le personnage de Corneille, c'est le modèle, bien plus, c'est le type éternel qu'il faut rechercher.

Le personnage historique

Rodrigo Díaz naquit en 1043 à Bivar, un village près de Burgos dont son père était le seigneur. À vingt ans, il prend part à la bataille de Graus (1063) où Ferdinand Ier, roi de Castille et de León, son suzerain, vainc Ramire Ier, roi d'Aragon. À vingt-deux ans, le jeune roi de Castille Sanche II lui confie le commandement de ses troupes, qui écrasent celles d'Alphonse VI, son frère cadet, roi de León. Pour obscures qu'elles paraissent, ces querelles cachent de profondes divergences idéologiques. L'Aragon est un nid de guerriers pyrénéens, impatients, qui supportent mal toute souveraineté et sont jaloux du contrôle de la vallée de l'Èbre par les princes navarrais ou castillans. Sanche le Castillan est un chef de guerre à la manière franque, porté sur le pavois par une armée agressive, insoucieuse des intérêts de la communauté. Alphonse le Léonais a repris la tradition wisigothique des rois de Tolède ; souverain théocrate au cœur d'une Cour stable de grands seigneurs, il recourt à une loi romaine rigoureuse pour gouverner toutes les Espagnes et exploiter raisonnablement les vassaux de ses terres, dont la prospérité lui importe. Or Alphonse perd sa couronne, est exilé à Tolède auprès du roi musulman, et Sanche règne en Castille et en León, sauf à Zamora où domine leur sœur Urraca. Sanche, avec Rodrigo Díaz de Bivar, assiège Zamora. Il est assassiné en 1072. Alphonse revient et prend les deux couronnes. Mais le Campeador Rodrigo exige de lui le serment vexatoire de Sainte-Agathe – Santa Gadea, église de Burgos – par lequel le Léonais assure la troupe castillane outragée de sa totale innocence. C'est alors qu'est née la longue inimitié qui, leur vie durant, va opposer Alphonse, devenu empereur de toutes les Espagnes, au trop brillant vassal et maître d'armes, le Campidoctus ou Campidoctor.

Alphonse, ambitieux, ouvre le pays aux Francs et aux Bourguignons ; il les établit dans son armée, dans son église et le long de la route du pèlerinage qui mène de Roncevaux à Saint-Jacques-de-Compostelle et au Portugal. Rodrigue est banni. Avec quelques vassaux et compagnons d'aventure, il forme une « mesnie », une petite troupe, dont il monnaie les services auprès du roi musulman de Saragosse, alors harcelé par les troupes chrétiennes du roi d'Aragon et du comte de Barcelone.

Cependant, l'intolérance religieuse, les ambitions territoriales et les exigences financières d'Alphonse rendaient la situation intenable aux princes espagnols musulmans, très raffinés et cultivés, plus poètes que dévots, qui tenaient le sud et l'est du pays. Les chefs de leur opposition religieuse les contraignent à un renversement de leur politique extérieure : ils font appel aux fanatiques Almoravides, venus des confins sahariens du Maroc. Alphonse est vaincu par les Africains à Sagrajas (1086). Le Cid parvient pourtant à rétablir l'autorité de l'empereur dans la région de Valence, qui lui payait tribut. Il participe, peut-être avec trop d'ostentation, à une campagne royale sous les murs de Grenade. Le roi, jaloux, le bannit à nouveau.

Alors Rodrigue prend à son compte le protectorat du royaume espagnol musulman de Valence et sa défense contre les Africains. La ville se rend[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris, directeur de l'Institut d'études hispaniques de l'université de Paris

Classification

Pour citer cet article

Charles Vincent AUBRUN. CID LE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • POÈME DU CID (anonyme) - Fiche de lecture

    • Écrit par Bernard SESÉ
    • 1 013 mots

    Unique chanson de geste espagnole, le Poème du Cid (Cantar de mio Cid), est resté inédit jusqu'au xviiie siècle. La date de la composition originale proposée par Ramón Menéndez Pidal serait 1140 ; les recherches récentes la fixent aux environs de 1200. Per Abbat, dont la signature apparaît...

  • CASTRO GUILLÉN DE (1569-1631)

    • Écrit par Universalis
    • 183 mots

    De famille noble, Guillén de Castro y Bellvís fit tout d'abord une carrière militaire et civile à Valence et en Italie, avant de se fixer à Madrid où il fut en relation avec les plus illustres écrivains. Après avoir fait partie du groupe des dramaturges valenciens, il subit l'influence de Lope de...

  • LE CID, Pierre Corneille - Fiche de lecture

    • Écrit par Christian BIET
    • 1 276 mots
    • 1 média
    Le Cid Campeador (« seigneur qui gagne les batailles ») appartient à la légende espagnole. Rodrigue, chevalier du xie siècle (1043-1099), est l'emblème de l'histoire castillane, auréolé d'une série de romances et de chansons de geste. Corneille, qui sait l'espagnol, emprunte le canevas de sa pièce...
  • CORNEILLE PIERRE (1606-1684)

    • Écrit par Paul BÉNICHOU
    • 5 566 mots
    • 1 média
    En 1636, Le Cidle rendit célèbre, et inaugura une série de chefs-d'œuvre tragiques, Horace, Cinna, Polyeucte (1640 à 1643), puis La Mort de Pompée et Rodogune (entre 1643 et 1646), plus tard Nicomède (1651). Pendant cette période, Corneille écrivit encore une comédie, Le Menteur, puis...
  • LOYAUTÉ

    • Écrit par François BOURRICAUD
    • 3 728 mots
    ...des situations conflictuelles. Nous nous trouvons parfois en face de choix qu'on peut dire cornéliens si l'on se souvient de la situation incommode du Cid tenu de venger l'honneur de sa famille, outragé par l'insulte faite à son père, et pourtant décidé à garder l'amour de Chimène. Rodrigue entend être...

Voir aussi