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BOUDDHISME (Histoire) Le Buddha

La doctrine primitive

Il est très difficile de déceler ce qui, dans les milliers de « sermons » (sūtra) attribués par la tradition au Buddha, lui appartient vraiment, quelles sont ses idées et celles de ses disciples. En examinant l'ensemble des sūtra et en comparant entre elles les diverses versions, on atteint cependant un fond doctrinal commun qui doit représenter la pensée du Buddha ou, du moins, celle de ses tout premiers adeptes.

Cette doctrine primitive repose sur un double postulat : tous les êtres vivants transmigrent sans fin d'une existence à une autre, passant par les états d'homme, de dieu, d'animal, de revenant affamé et de damné. C'est en fonction de leurs actes antérieurs qu'ils transmigrent ainsi : ceux qui ont accompli de bonnes actions renaissent sous d'heureux auspices, ceux qui ont accompli de mauvaises actions sont promis à une vie pénible. Le premier postulat était accepté par presque tous les Indiens dès avant l'époque du Buddha, mais le second, qui donne au mécanisme de la rétribution automatique des actes un caractère moral, fut peut-être imaginé par le Bienheureux lui-même.

L'essence de la doctrine primitive est contenue dans les quatre « saintes Vérités » (Ārya-Satya) qui auraient été définies dans le fameux premier sermon, prononcé à Bénarès : la Vérité de la douleur ; la Vérité de l'origine de la douleur ; la Vérité de la cessation de la douleur ; la Vérité de la Voie qui mène à la cessation de la douleur.

La « douleur » (duḥkha)

Tout est douleur : la naissance, la vieillesse, la maladie, la mort, le chagrin, les tourments, l'union avec ce que l'on déteste, la séparation d'avec ce que l'on aime, le fait de ne pas obtenir ce que l'on désire. Nul être n'échappe à la douleur, même pas les innombrables dieux, dont l'existence pleine de bonheur et extrêmement longue aura, elle aussi, une fin.

Tout ce qui existe, êtres vivants et choses inanimées, est composé d'éléments de durée limitée et est vide de tout principe personnel et éternel, analogue au « soi » (ātman) du brahmanisme ou au « principe vital » (jīva) du jaïnisme. Certains indianistes s'élèvent contre l'attribution au Bienheureux de cette négation du soi, mais il est bien clair que, dès avant l'ère chrétienne, les docteurs de toutes les sectes bouddhistes s'accordaient au contraire pour en faire l'une des bases principales de l'enseignement du Buddha. De plus, tout est impermanent, apparaît un jour, déterminé par des causes multiples, se transforme sans cesse et périt inéluctablement. La douleur est étroitement liée à cette absence de soi et à cette impermanence, et c'est pourquoi elle est inhérente à toute existence. De même que l'individu est privé de principe personnel, le monde est vide d'un Dieu éternel, créateur et omnipotent, source de salut.

L'origine de la douleur

La douleur a pour origine la « soif », c'est-à-dire le désir, qui s'attache au plaisir et accompagne toute existence ; elle mène à renaître pour goûter encore des voluptés trompeuses. Cette soif est elle-même produite par un enchaînement de causes dont la première est l'ignorance, plus précisément l'ignorance de cette réalité que le Buddha a découverte et qu'il révèle à ses disciples.

La soif et l'ignorance engendrent les trois « racines du mal », qui sont la convoitise, la haine et l'erreur, d'où naissent à leur tour les vices, les passions et les opinions fausses. Tous ceux-ci poussent l'être à agir et à se laisser ainsi entraîner par le mécanisme de la rétribution des actes. Tout « acte » ( karman), bon ou mauvais, corporel, vocal ou seulement mental, s'il résulte d'une décision prise en pleine connaissance de cause, produit de lui-même, automatiquement[...]

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Écrit par

  • : professeur au Collège de France, chaire d'étude du bouddhisme

Classification

Pour citer cet article

André BAREAU. BOUDDHISME (Histoire) - Le Buddha [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

-600 à -200. Philosophes et conquérants - crédits : Encyclopædia Universalis France

-600 à -200. Philosophes et conquérants

Buddhapada. Andhra Pradesh, Inde - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Buddhapada. Andhra Pradesh, Inde

Autres références

  • ARHAT ou ARHANT

    • Écrit par Jean-Christian COPPIETERS
    • 308 mots

    Le terme arhat ou arhant (de la racine arh, mériter), que l'on peut traduire par « saint », désigne dans le bouddhisme ancien le stade le plus élevé dans la progression religieuse pour les adeptes du Petit Véhicule, stade qui fait suite aux étapes de srotaāpanna, de sakrdāgāmin et d'anāgāmin....

  • ASIE DU SUD-EST (art et archéologie) - Les grands empires

    • Écrit par Bernard Philippe GROSLIER
    • 4 138 mots
    • 5 médias
    ...comme sous le manteau de l'islam à Java. Sauf à Bali où, précisément, les beaux travaux de l'école hollandaise ressuscitent des archaïsmes fascinants. Le bouddhisme, lui, et par une curieuse symétrie inverse, fut chassé de l'Inde (sauf de Ceylan) mais est devenu en Birmanie, en Thaïlande, au Laos...
  • AVALOKITEŚVARA

    • Écrit par Marie-Thérèse de MALLMANN
    • 672 mots
    • 1 média

    Le mot « Avalokiteśvara » vient du sanskrit ava, de haut en bas ; lokita, racine lok, voir, regarder ; īśvara, seigneur, maître, donc « Seigneur qui regarde d'en haut », sous-entendu « avec commisération » ; il est appelé aussi Lokeśvara (loka, monde visible, īśvara). La...

  • BAREAU ANDRÉ (1921-1993)

    • Écrit par Bernard FRANK
    • 853 mots

    André Bareau a été la totale incarnation des vertus que requiert l'étude approfondie du bouddhisme et de celles qu'elle est susceptible d'apporter en retour. Né en 1921 à Saint-Mandé, il passa à dix-sept ans le concours de l'école normale d'Auteuil et s'y prépara au métier d'instituteur, mais son attirance...

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