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AVALOKITEŚVARA

Le mot « Avalokiteśvara » vient du sanskrit ava, de haut en bas ; lokita, racine lok, voir, regarder ; īśvara, seigneur, maître, donc « Seigneur qui regarde d'en haut », sous-entendu « avec commisération » ; il est appelé aussi Lokeśvara (loka, monde visible, īśvara). La traduction du terme varie selon les pays asiatiques ; en Chine, Kouan (che) yin, Kouan-tseu-ts'ai ; au Japon, Kwannon, Kannon ; au Vietnam, Quan An ; au Tibet, Chenresi.

Avalokiteśvara apparaît dans les textes et les documents figurés vers les débuts de l'ère chrétienne. Les plus anciens recueils qui le mentionnent – les deux Sukhāvatīvyūha, « Développement sur l'Heureuse » (nom du paradis d'Amitābha) et l'Amitāyur-buddhānusmṛti, « Souvenir sur le bouddha Amitāyus » – auraient été traduits du sanskrit en chinois soit vers les iie-iiie siècles, soit plus probablement au ve ; Avalokiteśvara y est déjà associé au bouddha de l'Ouest, Amitābha ou Amitāyus (c'est pourquoi certains auteurs modernes lui supposent une origine iranienne, contestée par ceux qui voient en lui un reflet de notions purement indiennes). Le célèbre « Lotus de la Bonne Loi » (Saddharmapunḍarīka) contient un chapitre, « Exposé des transformations d'Avalokiteśvara », nommé « Qui fait face à tout », peut-être interpolé, mais qui figure pourtant dans les traductions chinoises dès le ve siècle. On y trouve entre autres les « litanies » d'Avalokiteśvara dont le nom invoqué libère de tous dangers, et l'affirmation qu'Avalokiteśvara peut revêtir n'importe quel aspect pour convertir les êtres. Avalokiteśvara détient et enseigne la « formule en six syllabes » oṃ maṇi padme hūṃ, par laquelle il est encore invoqué aujourd'hui. Les Sādhana, textes d'évocation (viie-xie siècles), exaltent souvent cette même formule et renferment des descriptions d'Avalokiteśvara ; son iconographie révèle parfois une influence çivaïte.

Avalokitesvara, E. Haas - crédits : Ernst Haas/ Getty Images

Avalokitesvara, E. Haas

En iconographie, les caractéristiques principales d'Avalokiteśvara sont la présence, dans sa coiffure, d'un bouddha, généralement en méditation, et de la fleur de lotus, nelumbium (padma), que porte sa main gauche, et qui lui vaut le surnom de Padmapāṇi (« main au lotus »). Il revêt des formes innombrables, la plus simple étant celle à une face et deux bras, la main droite faisant un geste soit de sauvegarde, soit de don, la main gauche tenant le lotus ; il peut alors être entouré d'assistants, ou encadré par les « périls » dont il délivre ses fidèles. La forme la plus complexe illustre plastiquement l'épithète « Qui fait face à tout » : elle comprend onze visages correspondant aux onze directions (points cardinaux, collatéraux, zénith, nadir, centre) et (symboliquement) mille bras dont la plupart sont disposés en auréole et dont chaque paume de main est marquée d'un œil, dénotant le geste qui secourt, dès que le regard a vu la détresse à secourir. Très répandue au Népal et au Tibet, cette forme y a reçu une interprétation ésotérique. En Chine, peut-être par contamination avec une déesse mère, Avalokiteśvara est souvent représenté sous l'aspect féminin de la Kouan-yin, donneuse d'enfants.

— Marie-Thérèse de MALLMANN

Bibliographie

C. Bautze-Picron, « Some Aspects of the iconography of Avalokiteśvara in the “Pāla-Sena” stone sculpture », in South Asian Archaelogy 1985, Leyde, 1989

B. Bhattacharyya éd., Sâdhanamâlâ, vol. I (Gaekwad's Oriental Series, XXVI), Baroda, 1925

N. Chutivongs, The Iconography of Avalokiteśvara in Mainland South-East Asia, Bangkok, 1982

M. T. de Mallmann, Introduction à l'étude d'Avalokiteśvara, Paris, 1948 ; « Un point d'iconographie indo-javanaise : Khasarpana et Amoghapasa », in Art. Asiae, 1948 ; « Notes sur les[...]

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Avalokitesvara, E. Haas - crédits : Ernst Haas/ Getty Images

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