BIBLE Bible et archéologie

Textes juifs et chrétiens d'époque hellénistique et romaine et archéologie

Les manuscrits de la mer Morte

La découverte des manuscrits de la mer Morte – et les fouilles archéologiques menées sur le site de Qumrān et ses environs dans l'immédiat après-guerre – constitue la trouvaille majeure du xxe siècle. Elle éclaire d'un jour nouveau le judaïsme de la période hellénistique, qui va de la conquête du Proche-Orient par Alexandre (333-330) à celle de la Syrie et du pays de la Bible par Pompée en 63 av. J.-C., laquelle inaugure la période romaine en cette partie du monde. Les textes, qui ont fait la renommée mondiale du site et de la région de la mer Morte, datent du début du iie siècle av. J.-C. jusque vers 68 de notre ère. Certains sont donc contemporains de Jésus et de la première génération chrétienne et permettent de situer Jésus et le mouvement chrétien dans leur contexte historique et religieux. C'est pourquoi la découverte connut un retentissement considérable. Intervenant dans le contexte politique de guerre et de terreur qui présida à la naissance de l'État d'Israël, la mise en vente sur le marché des antiquités par les Bédouins Ta'amireh de sept manuscrits en deux lots puis les fouilles du site de Qumrān suscitèrent d'énormes enjeux politiques et religieux de tous ordres. Au moment même où l'État moderne d'Israël prenait naissance en vertu du « droit de la lance » sortait de terre une documentation inédite témoignant de l'histoire ancienne de l'État juif qui avait prospéré dans le pays entre le milieu du iie siècle av. J.-C. et le début de l'ère chrétienne. Se posant comme l'unique héritier légitime du patrimoine juif de l'Antiquité, l'État d'Israël mit tout en œuvre pour s'approprier les sept manuscrits. Ce fut fait en 1954. Pour accueillir ce lot et l'exposer au public fut bâti un musée dont le nom est révélateur de l'importance accordée à ces manuscrits : le Sanctuaire du Livre. Dès 1947, les manuscrits de la mer Morte furent instrumentés par l'État d'Israël pour légitimer les revendications nationales et justifier la colonisation du pays au nom d'un passé sacralisé.

Site de  Qumran

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Le nom de Qumran a été rendu universellement célèbre par les manuscrits qui y ont été découverts,…

Le lieu de trouvaille des premiers manuscrits fut long à obtenir des Bédouins, soucieux de protéger la source de leur richesse fort relative. Ce n'est que fin janvier 1949 que les archéologues pénétrèrent dans la première grotte de Qumrān. Son exploration fut confiée à G. Lankester Harding, directeur du service des Antiquités de Jordanie. Il confia la direction du chantier au père Roland de Vaux, directeur de l'École biblique et archéologique française de Jérusalem, lequel avait dirigé précédemment des fouilles archéologiques qui lui avaient valu l'estime de ses pairs. Une chasse au trésor s'engagea entre Bédouins et archéologues, qui s'acheva en 1956. Onze grottes recélant quelque neuf cents manuscrits, fragmentaires pour la plupart, furent mises au jour. Les Bédouins découvrirent les six grottes les plus riches en matériel.

En 1950-1951, les premières publications scientifiques des textes firent sensation. Une documentation exceptionnelle et inédite pour l'histoire de la Bible et du judaïsme apparaissait au grand jour. En outre, quatre des sept manuscrits de la grotte 1 semblaient être l'œuvre des esséniens, une secte juive admirée dans l'Antiquité pour sa piété et sa rigueur morale, mais disparue sans laisser de traces. André Dupont-Sommer, professeur d'histoire ancienne du Proche-Orient à la Sorbonne, ajouta encore à l'excitation – et à la confusion – en parlant de « l'Église essénienne » et en affirmant que les esséniens seraient les précurseurs des premiers chrétiens. Il soulignait les ressemblances entre certaines[...]

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Pierre BORDREUIL, Arnaud SÉRANDOUR, « BIBLE - Bible et archéologie », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

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Site de  Qumran

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Autres références

  • LA BIBLE DÉVOILÉE (I. Finkelstein et N. A. Silberman)

    • Écrit par André LEMAIRE
    • 858 mots

    Ce livre, traduit de l'anglais The Bible Unearthed par Patrice Ghirardi (La Bible dévoilée. Les nouvelles révélations de l'archéologie, Bayard, Paris, 2002), présente un essai à la fois audacieux et tonique des apports de l'archéologie des cinquante dernières années à la compréhension...

  • LA BIBLE (trad. 2001)

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    L'événement de la première rentrée littéraire française du xxi e siècle a accompli la prédiction d'André Malraux : il a été d'ordre spirituel. Après six ans de travail, l'équipe de vingt écrivains et vingt-sept exégètes réunie par les éditions Bayard autour des Français Frédéric...

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    On ne sait guère d'où vient le nom d'Aaron, peut-être d'Égypte comme celui de Moïse, dont, selon la Bible, Aaron aurait été le frère. Les traditions le concernant doivent être soumises à la critique et bien discernées l'une par rapport à l'autre. La figure postexilique...

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  • ÂGE ET PÉRIODE

    • Écrit par Jean-Paul DEMOULE
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    Si le temps de la Bible, qui compresse en six millénaires la durée de toute l'histoire du monde, s'impose durant le Moyen Âge occidental, ce mythe d'origine perd peu à peu sa crédibilité pendant les siècles suivants (même si toute lecture non littérale des livres saints reste passible...
  • ÂME

    • Écrit par Pierre CLAIR, Henri Dominique SAFFREY
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    La Bible présente constamment l'homme comme composé de trois éléments : la néfesh, le basar et la ruah. La néfesh, c'est la gorge, l'organe de la respiration, qui en est venu rapidement à désigner tout appétit et désir et finalement à recouvrir tout le moi. La néfesh, c'est...
  • ADAM

    • Écrit par André-Marie DUBARLE
    • 1 547 mots
    Dans la Genèse, un récit plus ancien, bien que placé en second lieu (Gen., ii, 4-25), décrit la formation de l'homme, modelé avec la glaise du sol, puis animé par le souffle de Dieu, qui en fait un être vivant, placé alors dans un jardin divin planté d'arbres fruitiers luxuriants. Dieu lui interdit...
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