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BRECHT BERTOLT (1898-1956)

Suite sans fin

La figure de Brecht retient suffisamment l'attention pour avoir inspiré, ces vingt dernières années, de monumentales biographies, en particulier la Brecht-Chronik de Werner Hecht (1997), qui suit pas à pas l'auteur dans le chaos du siècle, mois après mois. Quant à l'étude de l'œuvre, elle ne peut que tirer le meilleur parti de la Grande Édition commentée de Berlin et de Francfort (1988-1997). Outre les inédits qu'elle présente, elle regroupe dans l'ordre chronologique les fragments théoriques jusqu'alors dispersés en secteurs cloisonnés, faisant mieux apparaître au jour le jour la dynamique explosive de la pensée brechtienne, où s'entrecroisent constamment les vues linguistiques, scientifiques, épistémologiques, économiques, sociales, politiques etc., encadrant ou plutôt décadrant l'esthétique du théâtre et des autres arts. Après la chute du « communisme de caserne » en Europe, on peut rappeler que l'auteur, s'il a pu passer des compromis, s'est rarement aveuglé sur le stalinisme. Le marxisme subversif auquel il se réfère depuis la fin des années 1920 ne se boucle jamais en une vision dogmatique et achevée du monde. Critiquant la pratique sociale, il est également appelé à se laisser critiquer par elle. Quant aux tenants d'un théâtre post-dramatique qui accusent Brecht d'être resté à mi-chemin de sa réforme en continuant à parler de fable et de personnage, on leur répondra que Brecht n'en garde que ce qu'il faut pour entretenir un théâtre en relation dialectique avec les événements sociaux, se posant la question de l'agir. Redisons-le avec Roland Barthes : « Quoi qu'on décide finalement sur Brecht, il faut du moins marquer l'accord de sa pensée avec les grands thèmes progressistes de notre époque à savoir que les maux des hommes sont entre les mains des hommes eux-mêmes, c'est-à-dire que le monde est maniable ; [...] que le théâtre doit aider résolument l'Histoire en en dévoilant le procès ; que les techniques de la scène sont elles-mêmes engagées ; qu'enfin il n'y a pas une « essence » de l'art éternel, mais que chaque société doit inventer l'art qui l'accouchera au mieux de sa propre délivrance. »

— Philippe IVERNEL

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Pour citer cet article

Philippe IVERNEL. BRECHT BERTOLT (1898-1956) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<em>L'Opéra de quat'sous</em> de B. Brecht, mise en scène de Laurent Pelly - crédits : Raphael Gaillarde/ Gamma-Rapho/ Getty Images

L'Opéra de quat'sous de B. Brecht, mise en scène de Laurent Pelly

Bertolt Brecht - crédits :  Fred Stein Archive/ Archive Photos/ Getty Images

Bertolt Brecht

L'Opéra de quat' sous - crédits : AKG-images

L'Opéra de quat' sous

Autres références

  • DANS LA JUNGLE DES VILLES, Bertolt Brecht - Fiche de lecture

    • Écrit par Jean-Louis BESSON
    • 906 mots

    Cette pièce en onze tableaux de Bertolt Brecht (1898-1956) relate « l'inexplicable corps à corps de deux hommes » et « le naufrage d'une famille » dans la ville géante de Chicago. Une première version intitulée Dans la jungle, écrite en 1921-1922 (et publiée seulement en 1968),...

  • MÈRE COURAGE, Bertolt Brecht - Fiche de lecture

    • Écrit par Jean-Louis BESSON
    • 919 mots
    • 2 médias

    Cette pièce en douze tableaux de Bertolt Brecht (1898-1956), sous-titrée Chronique de la guerre de Trente Ans, et écrite en 1939, est inspirée des Aventures de Simplicius Simplicissimus (1669), « roman éducatif » de Grimmelshausen. La première représentation eut lieu à Zurich en avril 1941, avec...

  • LA VIE DE GALILÉE (mise en scène C. Stavisky)

    • Écrit par Jean CHOLLET
    • 805 mots
    • 1 média

    Lorsqu’il achève la première version de La Vie de Galiléeen 1939, au Danemark, Bertolt Brecht a quitté depuis six ans l’Allemagne, tombée sous l’emprise d’Adolf Hitler et du régime nazi. C’est le début d’un long périple qui le conduira ensuite de la Finlande aux États-Unis en 1941. La pièce,...

  • LA VIE DE GALILÉE (mise en scène J.-F. Sivadier)

    • Écrit par Didier MÉREUZE
    • 980 mots
    • 1 média

    À l’été 2002, Jean-François Sivadier triomphait au festival d’Avignon. Quelques mois seulement après l’avoir créée au Théâtre national de Bretagne, à Rennes, il présentait sa mise en scène de La Vie de Galilée. Jouée tambour battant à la manière du théâtre de tréteaux, cette œuvre...

  • L'OPÉRA DE QUAT'SOUS (B. Brecht et K. Weill)

    • Écrit par Véronique HOTTE
    • 974 mots
    • 1 média

    La version mise en scène par Thomas Ostermeier de L’Opéra de quat’sous de Bertolt Brecht et Kurt Weill a été créée au festival d’Aix-en-Provence, le 4 juillet 2023, sous la direction musicale de Maxime Pascal avec l’ensemble Le Balcon et la troupe de la Comédie-Française, dans une...

  • L'OPÉRA DE QUAT'SOUS (mise en scène R. Wilson)

    • Écrit par Didier MÉREUZE
    • 857 mots

    Comment réconcilier théâtre d'art et théâtre populaire ? Comment réinventer une œuvre qui marqua le xxe siècle en en conservant toute la violence et le pouvoir dérangeant ? C'est le pari tenu par Robert Wilson avec L'Opéra de Quat'sous programmé à Paris, à la double...

  • L'OPÉRA DE QUAT'SOUS (B. Brecht et K. Weill)

    • Écrit par Juliette GARRIGUES
    • 338 mots
    • 1 média

    Le 31 août 1928, Die Dreigroschenoper (L'Opéra de quat' sous), « pièce avec musique » en un prologue et trois actes de Kurt Weill sur un livret de Bertolt Brecht, est créé au Theater am Schiffbauerdamm de Berlin. L'Opéra de quat' sous et Grandeur et décadence de la...

  • ACTEUR

    • Écrit par Dominique PAQUET
    • 6 815 mots
    • 2 médias
    Investi d'une mission envers les spectateurs qu'il doit contribuer à éduquer, l'acteur brechtien ne cherche pas l'incarnation, mais une description intellectuelle, cérémonielle, une stylisation, un détachement que l'effet V (Verfremdungseffekt) réalise. Cet effet de ...
  • ALLEMAND THÉÂTRE

    • Écrit par Philippe IVERNEL
    • 8 394 mots
    • 2 médias
    Quant à Bertold Brecht (1888-1956) revenu d'exil à Berlin-Est à l'automne de 1948, il réaffirme dans le Petit Organon sur le théâtre les principes, peu conformes à la dramaturgie classique, de son théâtre épicodialectique : l'effet de « distanciation » vise à libérer le spectateur du...
  • ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Littérature

    • Écrit par Elisabeth ANGEL-PEREZ, Jacques DARRAS, Jean GATTÉGNO, Vanessa GUIGNERY, Christine JORDIS, Ann LECERCLE, Mario PRAZ
    • 28 170 mots
    • 30 médias
    ...favorable en Angleterre : le poids de la tradition, quelle que soit la vigueur de la révolte initiale, finit par récupérer tout, ou presque. Le sort réservé à Brecht en Angleterre est à cet égard tout à fait symptomatique : sa théorie et sa pratique y ont presque toujours été soit mal comprises, soit déformées,...
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Voir aussi