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MNOUCHKINE ARIANE (1939- )

Le retour aux textes

<em>Richard II</em> de W. Shakespeare, mise en scène d'Ariane Mnouchkine - crédits : Michel Laurent/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Richard II de W. Shakespeare, mise en scène d'Ariane Mnouchkine

En 1978, Ariane Mnouchkine présente à Cannes son film sur Molière, qui avait mobilisé la troupe pendant deux ans. Plus lourds et techniquement plus complexes, les spectacles qui vont suivre se caractériseront par une redéfinition du projet de création collective, au profit d'un retour aux textes et d'une affirmation plus nette du rôle du metteur en scène. Ainsi du cycle des Shakespeare revisités aux couleurs chatoyantes de l'Orient, empruntant à la tradition du kabuki et du kathakali refusant toute psychologie au profit d'un grand travail sur les codes et les signes qui régissent la présence de l'acteur (Richard II, 1981 ; La Nuit des rois, 1982 ; Henri IV, 1984). Les longues sagas qui vont succéder ne feront qu'approfondir cette exploration, passant d'un théâtre des « maîtres » (Shakespeare, donc, mais aussi Euripide et Eschyle avec Les Atrides [1990-1993], Molière avec Tartuffe, 1995) à un théâtre écrit sur le lieu même de la représentation par Hélène Cixous, avec L'Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge (1985), que suivront L'Indiade (1988), La Ville parjure ou le Réveil des Érinyes (1994), Et soudain des nuits d'éveil (1997), et, surtout, Tambours sur la digue (1999), point d'orgue d'un mariage de l'Asie et de l'Occident tel que Brecht, Artaud ou Claudel ont pu le rêver.

Dans de tels spectacles, le souci est toujours de raconter une histoire – une fable, au sens le plus brechtien du terme – mais moins par le verbe seul que par l'entremise de tout le corps de l'acteur. Ce qui importe, c'est que la réflexion sur le travail théâtral soit prise dans un mouvement qui amène à sa concrétisation sur le plateau, jusqu'à exprimer les tensions du monde en son entier. D'où l'importance toute particulière accordée aux poses et aux attitudes, aux exercices d'improvisation, d'assouplissement et de maîtrise des muscles. D'où celle qui est réservée à la musique, composée en direct par Jean-Jacques Lemêtre, en fonction du jeu, des personnages, voire des rythmes de déplacement de chaque comédien. D'où, également, celle qui est donnée à la scénographie, métamorphosant à chaque fois les bâtiments du Théâtre du Soleil en un lieu capable de fondre la salle et la scène, l'espace public et celui de la représentation en un tout d'une harmonie parfaite, sous la houlette de Guy-Claude François (1940-2014). Ce dernier collabore avec le Théâtre du Soleil à partir de L'Âge d'or, de même qu'Erhard Stiefel, le maître des masques. Jean-Jacques Lemêtre, lui, est arrivé dans la troupe quelques années plus tard, avec l'adaptation du Méphisto de Klaus Mann, en 1979.

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Écrit par

  • : journaliste, responsable de la rubrique théâtrale à La Croix

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Pour citer cet article

Didier MÉREUZE. MNOUCHKINE ARIANE (1939- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<em>Richard II</em> de W. Shakespeare, mise en scène d'Ariane Mnouchkine - crédits : Michel Laurent/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Richard II de W. Shakespeare, mise en scène d'Ariane Mnouchkine

<em>Les Naufragés du fol espoir</em>, par le Théâtre du Soleil
 - crédits : robbie jack/ Corbis/ Corbis Entertainment/ Getty Images

Les Naufragés du fol espoir, par le Théâtre du Soleil

Autres références

  • LES ÉPHÉMÈRES (A. Mnouchkine)

    • Écrit par Didier MÉREUZE
    • 982 mots

    Les éphémères, c'est initialement le nom de petits insectes ailés, dont l'existence ne dépasse pas vingt-quatre heures, une fois qu'ils sont devenus adultes. C'est aussi le titre d'une création d'Ariane Mnouchkine et du Théâtre du Soleil, dont la première a eu...

  • MACBETH (mise en scène A. Mnouchkine)

    • Écrit par Didier MÉREUZE
    • 1 070 mots

    Le 29 mai 1964, Ariane Mnouchkine et une dizaine de comédiens et techniciens issus de l'Association théâtrale des étudiants de Paris fondaient le Théâtre du Soleil, société coopérative ouvrière de production. Quatre ans plus tard, ils investissaient la Cartoucherie de Vincennes, transformant...

  • LES NAUFRAGÉS DU FOL ESPOIR (A. Mnouchkine)

    • Écrit par Didier MÉREUZE
    • 1 097 mots
    • 1 média

    « Création collective du Théâtre du Soleil mi-écrite par Hélène Cixous sur une proposition d'Ariane Mnouchkine », comme le précise le programme, Les Naufragés du fol espoir ( Cartoucherie de Vincennes, 2010) est composé de trois histoires qui s'enchevêtrent en un jeu de construction...

  • TAMBOURS SUR LA DIGUE (A. Mnouchkine)

    • Écrit par Didier MÉREUZE
    • 868 mots

    Située dans l'Orient extrême d'il y a mille ou cinq cents ans, évoquant aussi bien l'Empire du Milieu que celui du Soleil levant, Tambours sur la digue (1999) – création du théâtre du Soleil et d'Ariane Mnouchkine – a été inspiré par les récentes inondations qui ont endeuillé...

  • 1789, Théâtre du Soleil

    • Écrit par Jean CHOLLET
    • 222 mots

    Après la création au Piccolo Teatro de Milan le 11 novembre 1970 de 1789, la Révolution doit s'arrêter à la perfection du bonheur, Ariane Mnouchkine et le Théâtre du Soleil, sans lieu fixe depuis la création de ce dernier en 1964, s'installent à la Cartoucherie de Vincennes, près de...

  • ARTS DE LA RUE

    • Écrit par Emmanuel WALLON
    • 6 872 mots
    • 2 médias
    ...groupe Octobre des frères Prévert à la veille du Front populaire, visitèrent les facultés et les usines en grève, à la façon du Théâtre du Soleil d'Ariane Mnouchkine, qui puisa dans cette expérience l'énergie pour monter 1789 sur un archipel de scènes à la Cartoucherie (1970). Le Grand...
  • CAUBÈRE PHILIPPE (1950- )

    • Écrit par Didier MÉREUZE
    • 965 mots
    • 1 média
    ... Deux ans après, la troupe monte à Paris et présente au Théâtre de la Tempête, à la Cartoucherie de Vincennes, un spectacle sur la Commune de Paris. Ariane Mnouchkine est dans la salle. Elle invite Caubère à le suivre dans sa troupe. Il sera des grands spectacles fondateurs, 1789 (1970), 1793 (1972),...
  • FRANCK MARTINE (1938-2012)

    • Écrit par Hervé LE GOFF
    • 968 mots

    Sa photographie de 1996 du monastère de Shechen au Népal est une des plus célèbres et sans doute la plus représentative de l'œuvre de Martine Franck : le voyage, la transmission du savoir, la volonté de reconnaître et de partager ce que le monde peut avoir de beau se retrouvent dans cette scène où un...

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Voir aussi