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SCÉNOGRAPHIE

Créer l'espace nécessaire à la représentation dramatique, évoquer les lieux de son action ou en prolonger le sens, par la voie de l'illusion, de l'illustration, du symbolisme, du naturalisme ou de l'abstraction. Déterminer une spatialité nécessaire au jeu du comédien et à son rapport avec les spectateurs. Autant d'entreprises qui relèvent de la fonction majeure de la scénographie. À partir du théâtre antique, puis sous l'influence de Vitruve et Serlio à la Renaissance, des théories d'Appia et Craig au xixe siècle, ses mises en formes et ses esthétiques accompagnent les évolutions majeures du théâtre occidental. Elle a conditionné le spectacle de telle manière qu'analyser la dramaturgie d'une époque renvoie forcément à l'étude d'une scénographie d'une forme donnée.

Naissance de l'illusion scénique

Cette pratique artistique trouve sa source dans l'Antiquité et le théâtre grec. Elle prend la forme de panneaux peints appliqués sur la façade de la maison des acteurs, ou skênê, élevée lors des fêtes en l'honneur de Dionysos, et devant laquelle se déroulait le drame. À partir du ve siècle avant J.-C., son expression fut notamment repérable dans les représentations d'œuvres d'Eschyle et de Sophocle. Tragédies et comédies suscitent des expressions spécifiques et des adaptations de la skênographia, qui contribue aux côtés du texte, de la musique et des costumes, à la notion de spectacle total, inauguré par le théâtre grec de cette époque. Plus tard, à Rome, la skênê grecque est remplacée par le mur de scène (frons scenae) percé de trois baies. Dans un premier temps, il est décoré de toiles peintes associant le trompe-l'œil de l'illusion à des images plus naturalistes. Au ier siècle avant J.-C., les constructions scéniques intègrent des éléments architecturaux de type décoratif : colonnes, frontons, statues, dont la présence limite l'utilisation de toiles montées sur tourniquets, réservées aux illustrations des lieux traversés par l'action dramatique.

Quelques siècles plus tard, une évolution notable des concepts scénographiques s'exprime dans le théâtre médiéval. Le Moyen Âge ne construit pas de lieu spécifique destiné à la représentation. Il investit des bâtiments destinés à d'autres fins, églises ou palais, consacrés aux drames liturgiques, ou encore aménage sur les places publiques des structures de bois éphémères, employées surtout pour les mystères. Si, pour les premiers, l'organisation des espaces s'appuie sur un symbolisme religieux, les seconds suscitent des aires de jeu circulaires ou frontales bordées de parties indépendantes du décor (mansions) correspondant à chacun des épisodes évoqués. Avec loges et gradins, cet ordonnancement spatial conforte une relation de proximité entre acteurs et spectateurs, encore accentuée dans le théâtre profane, par des scènes de tréteaux rudimentaires face à un public qui se tient debout.

En Angleterre, à partir de la seconde moitié du xvie siècle, le théâtre élisabéthain introduit une vraie rupture par rapport au système médiéval. Sa complexité entraîne un bouleversement de l'espace théâtral, qui associe intimement architecture et scénographie. De forme ronde ou polygonale (comme le théâtre du Globe, de Shakespeare), il est construit en bois et entouré sur trois côtés par trois étages qui accueillent des spectateurs. L'espace scénique comporte trois aires de jeu : une scène en éperon dotée d'une trappe en avancée sur le parterre, une scène intermédiaire couverte par un toit de chaume sur deux piliers, et une arrière-scène également couverte, à deux niveaux, le premier utilisable pour le jeu, le second pouvant accueillir des musiciens. Ce dispositif, dans sa pluralité d'espaces et de variation de plans, offrait diverses potentialités[...]

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Pour citer cet article

Jean CHOLLET. SCÉNOGRAPHIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Claude Régy - crédits : Eric Feferberg/ AFP

Claude Régy

<it>Armide</it> de Lully, dessin de J. Berain pour les décors - crédits : AKG-images

Armide de Lully, dessin de J. Berain pour les décors

<em>Intérieur</em>, de Maurice Maeterlinck. - crédits : K. Miura/ Festival d'Automne à Paris, 2014

Intérieur, de Maurice Maeterlinck.

Autres références

  • AILLAUD GILLES (1928-2005)

    • Écrit par Jean JOURDHEUIL
    • 790 mots

    Né en 1928 à Paris, le peintre Gilles Aillaud, fils de l'architecte Émile Aillaud, étudia la philosophie après guerre, puis revint à la peinture qu'il avait pratiquée avec assiduité durant son adolescence. Son devenir-peintre n'eut pas lieu dans une école des Beaux-Arts mais silencieusement, dans un...

  • APPIA ADOLPHE (1862-1928)

    • Écrit par André VEINSTEIN
    • 1 272 mots
    ...l'acteur a trois dimensions, son utilisation devant un décor à deux dimensions est contestable. Au décor peint doit se substituer – toujours selon Appia – un dispositif construit, architecturé, constitué d'escaliers et de plates-formes donnant aux mouvements de l'acteur tout leur pouvoir d'expression. Dans...
  • BAUSCH PHILIPPINE dite PINA (1940-2009)

    • Écrit par Chantal AUBRY
    • 1 736 mots
    • 1 média
    Personne, en effet, n'a su comme elle lancer ses danseurs dans des diagonales irrésistibles ou des avancées frontales conquérantes. Personne avant elle n'a su utiliser de manière plus significative les objets les plus hétéroclites, les musiques les plus hardiment populaires, les défroques les plus provocantes,...
  • BEAUMARCHAIS PIERRE-AUGUSTIN CARON DE (1732-1799)

    • Écrit par Pierre FRANTZ
    • 4 172 mots
    • 1 média
    ...l'ensemble de la structure dramatique. C'est « une révolution théâtrale profonde, et si bien intégrée qu'elle est à présent à peine perçue » (A. Ubersfeld). Beaumarchais tire les leçons de l'évolution de la scène en France et des possiblités décoratives nouvelles qui permettent d'absorber la scène dans le ...
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Voir aussi