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PICCOLO TEATRO

Créé à Milan en mai 1947 par Paolo Grassi et Giorgio Strehler, le Piccolo Teatro doit son nom à l'exiguïté du lieu dans lequel il s'installe : un cinéma désaffecté de 450 places disposant d'une scène étriquée, via Rovello. En créant cette structure, les fondateurs ont pour ambition de promouvoir un théâtre d'art tourné vers un public populaire, marquant ainsi, à l'instar de ce qu'accomplirent Jacques Copeau en France ou Max Reinhardt en Allemagne, une rupture avec la médiocrité de la scène italienne d'après guerre. Aidé par la Ville de Milan, qui apporte son soutien financier, le Piccolo devient le premier teatro stabile d'Italie, par opposition aux compagnies itinérantes qui étaient la règle de l'activité théâtrale de l'époque, avec un statut d'établissement public. Grassi et Strehler s'engagent dans un courant réformateur qui privilégie la mise en scène, en instaurant une esthétique rigoureuse fondée sur le travail de l'acteur. Comme le souligne leur manifeste, « ce n'est pas un théâtre expérimental et encore moins un théâtre d'exception », et il répond à une préoccupation d'ouverture vers les couches sociales les plus défavorisées. La qualité de leurs créations, leurs mises en rapport avec les préoccupations sociales et politiques du temps ne tardent pas à faire du Piccolo un théâtre phare de la création contemporaine italienne, puis de la scène européenne.

Giorgio Strehler réalise dans cette petite salle ses plus mémorables mises en scène : la trilogie de La Villégiature (1954) et Barouf à Chioggia de Goldoni (1964), La Cerisaie de Tchekhov, Les Géants de la montagne de Pirandello (1966), La Vie de Galilée de Brecht (1963) – un des « trois maîtres » de Strehler, avec Copeau et Jouvet –, sans oublier le mythique Arlequin serviteur de deux maîtres de Goldoni, dont il réalisera, à partir de 1947, six versions qui seront représentées pendant plusieurs décennies et connaîtront un prodigieux succès dans le monde entier. En 1968, Giorgio Strehler, victime de la contestation ambiante qui coïncide avec sa réflexion sur le fonctionnement du système théâtral, démissionne et fonde une coopérative de comédiens, le Gruppo Teatro e Azione. Il reviendra en 1972, lors du départ de Paolo Grassi – qui avait assez vite abandonné la mise en scène pour se consacrer exclusivement à l'administration –, nommé au poste de surintendant à la Scala. Son retour intervient « pour tenter à nouveau – et peut-être pour la dernière fois – de faire vivre le théâtre public comme le théâtre de la raison, de la poésie ou, si l'on préfère, de l'art, dont l'idée avait mûri en moi... » Il réalise de nouvelles créations marquantes : Le Roi Lear (1972) et La Tempête de Shakespeare (1978), L'Opéra de quat'sous de Brecht (1973), Il Campiello de Goldoni (1975). Mais si la réputation du Piccolo est très liée au statut de premier plan occupé par le metteur en scène, il saura aussi faire appel à de nombreux créateurs européens (Klaus-Michael Grüber, Ariane Mnouchkine, Antoine Vitez, Patrice Chéreau). Compte tenu de son audience et de la qualité de ses productions, le Piccolo est nommé, par décret en 1991, Théâtre de l'Europe. Mais en 1996, confronté à de graves problèmes avec la municipalité milanaise, Strehler abandonne sa direction.

S'ouvre alors une période de turbulences, durant laquelle Jack Lang se voit confier une mission de direction intérimaire, qui a pour objet d'assurer la pérennité structurelle et artistique du Piccolo, en favorisant un éventuel retour du metteur en scène. Le décès de Strehler, le 25 décembre 1997, mettra un terme à cet espoir. Le metteur en scène n'aura pas eu la possibilité d'utiliser le nouvel outil dont dispose le Piccolo à partir de janvier 1998, et pour lequel, au[...]

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Pour citer cet article

Jean CHOLLET. PICCOLO TEATRO [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • FRIGERIO EZIO (1930-2022)

    • Écrit par Jean CHOLLET
    • 680 mots

    Né le 16 juillet 1930 à Erba, commune de Lombardie située dans la province italienne de Côme, Ezio Frigerio suit une formation en architecture et en peinture à l’École polytechnique de Milan et à l’Académie des beaux-arts, avant de devenir assistant du décorateur de cinéma Mario Chiari et de débuter...

  • GRASSI PAOLO (1919-1981)

    • Écrit par Bernard DORT
    • 804 mots

    Né à Milan, le 30 octobre 1919, d'un père originaire des Pouilles, et d'une mère issue d'une famille bavaroise établie dans la région de Parme, Paolo Grassi aborde le théâtre par le biais de la critique dramatique, à l'âge de dix-sept ans, puis dirige et organise des spectacles, des tournées (la compagnie...

  • IL VENTAGLIO (mise en scène L. Ronconi)

    • Écrit par Anouchka VASAK
    • 990 mots

    Giorgio Strehler n'aimait pas L'Éventail : « Les gens du peuple, disait-il, ne sont pas comme ça. » Luca Ronconi, qui lui a succédé à la tête du Piccolo Teatro de Milan, met en scène Il Ventaglio, de Carlo Goldoni et le monte à Paris, à l'Odéon-Théâtre de l'Europe en italien surtitré,...

  • ITALIE - Langue et littérature

    • Écrit par Dominique FERNANDEZ, Angélique LEVI, Davide LUGLIO, Jean-Paul MANGANARO
    • 28 412 mots
    • 20 médias
    ...aussi manqué leur premier objectif, celui d'être une école pour les nouveaux acteurs. En fait, le tort majeur des stabili, et nous pensons surtout au Piccolo Teatro de Milan, a été de regrouper toutes leurs composantes autour d'une seule force : le metteur en scène. Maître absolu à bord, il fait et...

Voir aussi