Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ISLAM (La civilisation islamique) Les mathématiques et les autres sciences

« Et vous avez en ma personne le meilleur barbier de Bagdad, un médecin expérimenté, un chimiste très profond, un astrologue qui ne se trompe point, un grammairien achevé, un parfait rhétoricien, un logicien subtil, un mathématicien accompli dans la géométrie, dans l'arithmétique, dans l'astronomie et dans tous les raffinements de l'algèbre ; un historien qui sait l'histoire de tous les royaumes de l'Univers. Outre cela, je possède toutes les parties de la philosophie, j'ai dans ma mémoire toutes nos lois et toutes nos traditions, je suis poète, architecte... » Ainsi parlait le barbier dans Les Mille et Une Nuits. Non seulement les mathématiques occupent une place de choix dans l'encyclopédie du savoir populaire, mais l'algèbre y figure « en personne », avec ses raffinements. Or le barbier se fait ici l'écho de classifications des sciences bien plus savantes, celles d'al-Fārābī au xe siècle, d'Avicenne au siècle suivant, parmi bien d'autres, qui, contrairement à d'autres classifications grecques ou hellénistiques, accueillent une nouvelle discipline, indépendante, et lui confèrent un titre propre : l'algèbre. La popularité des mathématiques, leur diffusion et le rôle privilégié de l'algèbre sont donc des traits de ce que l'on convient d'appeler les mathématiques arabes : mathématiques cultivées par des savants d'origines différentes, de religions diverses, sur une période de sept siècles environ – du ixe au xvie siècle –, mais qui tous écrivaient en arabe.

Avant de retracer l'histoire de cette activité mathématique, poursuivons la genèse de ses traits principaux, et, pour cela, revenons à Bagdad au début du ixe siècle. L'entreprise de traduction des grandes compositions mathématiques hellénistiques est à son apogée ; elle présente deux caractéristiques frappantes : les traductions sont l'œuvre de mathématiciens, souvent de premier ordre, comme Thābit ibn Qurra (mort en 901), et elles sont suscitées par la recherche la plus avancée de l'époque. Cette recherche elle-même n'a pas été animée par les seuls intérêts théoriques, mais aussi par les besoins de la nouvelle société, en astronomie, en optique, en arithmétique, dans le domaine des instruments de mesure, etc. Le début du ixe siècle est donc un grand moment d'expansion en arabe des mathématiques hellénistiques. Or c'est précisément à cette période, et dans ce milieu – celui de la Maison de la sagesse à Bagdad –, que Muḥammad ibn Mūsā al-Khwārizmī rédige un livre dont le sujet et le style sont nouveaux. C'est dans ces pages, en effet, que surgit pour la première fois l'algèbre comme discipline mathématique distincte et indépendante. L'événement est crucial et fut perçu comme tel par les contemporains, tant pour le style de cette mathématique que pour l'ontologie de son objet et, plus encore, pour la richesse des possibilités qu'elle offrait désormais. Le style est à la fois algorithmique et démonstratif, et d'ores et déjà, avec cette algèbre, on entrevoit l'immense potentialité qui imprégnera les mathématiques à partir du ixe siècle : l'application des disciplines mathématiques les unes aux autres. En d'autres termes, si l'algèbre, en raison de son style et de la généralité de son objet, a rendu ces applications possibles, celles-ci, par leur nombre et par la diversité de leur nature, ne cesseront de modifier la configuration des mathématiques après le ixe siècle.

Les successeurs d'al-Khwārizmī entreprennent progressivement l'application de l'arithmétique à l'algèbre, de l'algèbre à l'arithmétique, de l'une et de l'autre à la trigonométrie, de l'algèbre à la théorie euclidienne des nombres, de l'algèbre à la géométrie, de la géométrie à l'algèbre. Ces applications[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : maître de conférences à l'université de Varsovie
  • : directeur de la recherche au C.N.R.S.
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Georges C. ANAWATI, Universalis et Roshdi RASHED. ISLAM (La civilisation islamique) - Les mathématiques et les autres sciences [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Aire des polygones - crédits : Encyclopædia Universalis France

Aire des polygones

Autres références

  • ADOPTION

    • Écrit par Pierre MURAT
    • 8 894 mots
    Concrètement, la loi française exclut désormais l'adoptiondes enfants originaires des pays musulmans, à l'exception de la Tunisie, de la Turquie et de l'Indonésie. Le verset 4 de la Sourate 33 du Coran énonce en effet « Dieu n'a pas mis deux cœurs à l'homme ; il n'a pas accordé à vos...
  • AFGHANISTAN

    • Écrit par Daniel BALLAND, Gilles DORRONSORO, Universalis, Mir Mohammad Sediq FARHANG, Pierre GENTELLE, Sayed Qassem RESHTIA, Olivier ROY, Francine TISSOT
    • 37 316 mots
    • 19 médias
    Qui sont les talibans ? Il ne s'agit pas d'un mouvement surgi subitement du désert. Leur nom signifie « étudiants en religion ». Ils sont originaires du sud de l'Afghanistan, plus particulièrement de la ceinture tribale pachtoune, parmi les confédérations Dourrani et Ghilzay. Ils ont été formés dans...
  • ‘AĪD AL-FITR

    • Écrit par Universalis
    • 141 mots

    L’‘aīd al-Fitr (en arabe, « fête de la rupture »), est la première des deux principales fêtes rituelles de l’islam. Il marque la fin du ramaān, le neuvième mois qui est consacré au jeûne chez les musulmans. Il est célébré pendant les trois premiers jours de shawwāl, le dixième...

  • ‘AĪD AL-KABĪR

    • Écrit par Universalis
    • 258 mots

    L’‘aīdal-Aḍhā (en arabe, « fête des sacrifices »), également appelé ‘aīdal-Kabīr (« grande fête »), est avec laīdal-Fitr, l’une des deux grandes fêtes musulmanes, communément appelée en France « fête du mouton ». Célébrée par les musulmans du monde entier, cette fête...

  • Afficher les 92 références

Voir aussi