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TROUS NOIRS

Les trous noirs, énormes concentrations de matière et d’énergie dont rien ne peut s’échapper, pas même la lumière, sont certainement les astres les plus étranges de l’Univers. Ils sont par définition invisibles et leur existence est une conséquence incontournable de la théorie de la relativité générale énoncée par Albert Einstein en 1915. D’abord purement conceptuels, ces objets sont progressivement devenus crédibles dès lors que des processus astrophysiques bien réels ont pu, d’une part, expliquer leur formation et, d’autre part, prédire leurs manifestations observables.

Des trous noirs de toutes tailles et de toutes masses peuvent en principe exister dans l’Univers, depuis des trous noirs microscopiques engendrés lors du big bang jusqu’aux trous noirs géants (massifs et supermassifs) situés au centre de la plupart des galaxies, en passant par les trous noirs stellaires issus de l’effondrement du cœur des étoiles les plus massives sous l’effet de leur propre gravité.

La surface d’un trou noir, appelée horizon des événements, n’est pas matérielle et se caractérise par une taille proportionnelle à sa masse. Un trou noir stellaire ne mesure que quelques kilomètres, mais un trou noir supermassif peut être aussi gros que notre système solaire. L’intérieur d’un trou noir pose des questions de physique fondamentale non résolues ; on ne sait pas, par exemple, si son centre est un point de densité infinie où toute l’énergie est concentrée (ce que les mathématiciens appellent singularité), ou bien s’il offre une porte de passage vers d'autres univers sous forme d’un hypothétique « trou de ver ».

Depuis les premiers modèles astrophysiques de trous noirs, élaborés dans les années 1970, des progrès décisifs ont été accomplis pour les détecter indirectement, grâce à l’observation du rayonnement électromagnétique de la matière qui y tombe. Depuis 2015, des signatures plus directes de leur présence proviennent de la détection d’ondes gravitationnelles, infimes vibrations de l’espace-temps provoquées dans ce cas par la fusion de deux trous noirs stellaires. Enfin, en 2019, la première image télescopique directe d’un trou noir supermassif situé au centre de la galaxie M87 a apporté la preuve définitive de la réalité physique de ces objets célestes.

Qu’est-ce qu’un trou noir ?

L'existence d’astres invisibles, appelés depuis 1968 « trous noirs », a été imaginée dès la fin du xviiie siècle par le Britannique John Michell (1724-1793) et par le Français Pierre Simon de Laplace (1749-1827) dans le cadre de la théorie de la gravitation universelle d’Isaac Newton (1642-1727). Par quelques calculs simples fondés sur la vitesse de libération (vitesse minimale à partir de laquelle un objet peut définitivement se défaire de l’attraction gravitationnelle d’un astre), ils montraient qu'il pourrait exister dans l'Univers des corps célestes tellement massifs que même la lumière ne pourrait pas s'en échapper. Ils en concluaient que ces astres seraient invisibles. Cette brillante hypothèse, qui n'a pas suscité d'intérêt à l'époque, a resurgi quelque cent cinquante ans plus tard dans le cadre d'une autre théorie de la gravitation, la relativité générale, développée par Albert Einstein.

Puits gravitationnel créé par un trou noir - crédits : J.-P. Luminet

Puits gravitationnel créé par un trou noir

Ce qu'on entend désormais par « trou noir » possède des propriétés non newtoniennes que seule la gravitation relativiste d’Einstein permet de modéliser. Le trou noir doit se comprendre non pas comme une masse qui attire tout avec une force irrésistible, mais comme une déformation extrême de la géométrie de l'espace-temps. Selon la théorie de la relativité générale, la gravitation courbe l'espace et dévie les trajectoires des rayons lumineux. Il est possible de visualiser cette déformation par un puits gravitationnel, creusé par les corps dans[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS, laboratoire d'astrophysique, Marseille

Classification

Pour citer cet article

Jean-Pierre LUMINET. TROUS NOIRS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Galaxie NGC 1277 - crédits : NASA/ ESA/ Andrew C. Fabian/ Remco C. E. van den Bosch (MPIA)

Galaxie NGC 1277

Puits gravitationnel créé par un trou noir - crédits : J.-P. Luminet

Puits gravitationnel créé par un trou noir

Formation de trous noirs stellaires et sursauts gamma - crédits : J.-P. Luminet

Formation de trous noirs stellaires et sursauts gamma

Autres références

  • PREMIÈRE IMAGE DU TROU NOIR DE NOTRE GALAXIE

    • Écrit par Jean-Pierre LUMINET
    • 1 695 mots
    • 2 médias

    Le 12 mai 2022, la collaboration du réseau international de radiotélescopes EHT (Event Horizon Telescope) a révélé au public l’image de Sagittarius A* (SgrA*), le trou noir supermassif situé au centre de notre Galaxie (la Voie lactée), à 27 000 années-lumière de la Terre. Avant cette date, son...

  • PREMIÈRE IMAGE TÉLESCOPIQUE D'UN TROU NOIR

    • Écrit par Jean-Pierre LUMINET
    • 1 009 mots
    • 1 média

    Prédits dans le cadre de la théorie de la relativité générale, les trous noirs sont certainement les objets les plus mystérieux du cosmos. En raison de leur nature même de pièges à matière et à lumière, ils ne sont pas directement observables. Si les effets indirects qu’ils induisent sur leur...

  • TROU NOIR DE MESSIER 87

    • Écrit par Bernard PIRE
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    Deux cents ans après que Pierre-Simon de Laplace a imaginé l'existence d'étoiles si denses que la lumière ne peut s'en échapper, les astronomes de la N.A.S.A. présentent en 1994 des indices significatifs en faveur de la découverte d'un trou noir. Les observations de la galaxie elliptique...

  • TROU NOIR DE NGC 1365

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 363 mots
    • 1 média

    Grâce au télescope spatial NuSTAR (Nuclear Spectroscopic Telescope Array), une équipe internationale d'astronomes, conduite par Guido Risaliti, professeur à Florence (Italie), a observé la rotation extrêmement rapide du trou noir situé au centre de la galaxie NGC 1365. Ce trou noir, dont la masse...

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    Le nom d'« astre » s'applique à tout corps céleste. Pour l'astronome de l'Antiquité, il désignait l'une des quelques milliers d'étoiles suffisamment brillantes pour être visibles à l'œil nu ou l'une des sept planètes (du grec planêtes[asteres],...

  • ASTROPARTICULES

    • Écrit par Pierre BAREYRE
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  • CHANDRASEKHAR SUBRAHMANYAN (1910-1995)

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    • 1 022 mots
    ...l'effondrement dû aux forces gravitationnelles est le phénomène marquant de leur vieillesse. C'est ainsi qu'apparaissent naines blanches, étoiles à neutrons ou trous noirs, extraordinaires objets où les conditions physiques qui y règnent sont si extrêmes que les interactions fondamentales « habituelles » agissent...
  • EINSTEIN ET LA RELATIVITÉ GÉNÉRALE, LES CHEMINS DE L'ESPACE-TEMPS (J. Eisenstaedt)

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 961 mots

    Si les principes et les conséquences de la théorie de la relativité restreinte ont été souvent, et parfois de façon excellente, vulgarisés, la complexité mathématique de la théorie d'Einstein de la gravitation – appelée relativité générale – est telle qu'elle n'est appréciée que d'un petit nombre...

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