Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

TROUS NOIRS

Détection des trous noirs stellaires

Vue d’artiste d’une source X binaire - crédits : M.Weiss/ CXC/ NASA

Vue d’artiste d’une source X binaire

Au début des années 1970, le déploiement de détecteurs de rayonnements de hautes énergies embarqués sur des satellites a révélé l’existence de sources X binaires, à savoir des systèmes d'étoiles doubles dont l’une d’elles, optiquement invisible et très compacte, émet un flux important de rayons X. Dans ce cas, l'étoile compacte (étoile à neutrons ou trou noir stellaire) arrache l'atmosphère de sa compagne par « aspiration » gravitationnelle. Le gaz arraché est lentement entraîné par les forces centrifuges en un mouvement de spirale tourbillonnante et forme un disque d'accrétion. C'est dans ce disque plus ou moins épais que la matière gazeuse, tombant peu à peu dans le puits central, transforme une partie de sa masse en lumière, de façon analogue au principe des centrales hydroélectriques, qui convertissent l'énergie potentielle gravitationnelle d'une chute d'eau en énergie électrique.

Certaines sources X binaires émettent un rayonnement parfaitement périodique, attestant la présence d'étoiles à neutrons dont l'axe magnétique n'est pas aligné avec l'axe de rotation. D'autres, les « sursauteurs X », sont transitoires, agitées de brutales variations de leur luminosité en quelques millièmes de seconde. Ces fluctuations proviennent vraisemblablement des régions internes du disque d'accrétion, qui sont très chaudes et agitées de turbulences. Le disque forme épisodiquement des bulles de gaz chauffées à plusieurs centaines de millions de degrés qui exhalent de copieuses bouffées de rayonnement X.

Pour déceler sans ambiguïté la présence d'un trou noir dans un sursauteur X, il faut parvenir à le « peser », puisque le seul critère indiscutable permettant de trancher entre étoiles à neutrons et trous noirs est leur masse : on l’a vu, une étoile à neutrons ne peut excéder 3 MS. La pesée séparée de chacune des composantes d'un système binaire étant impossible, l'astronome doit recourir à toute une chaîne de déductions. La masse du couple se déduit de la période orbitale ; la masse de la composante visible se déduit approximativement de son type spectral et, moyennant une hypothèse sur l'inclinaison du plan orbital par rapport à la direction d'observation (fondée sur la présence ou l'absence d'éclipses), on en déduit la masse approximative de l'étoile compacte. Par exemple, dans la source X binaire V404 Cygni, quelles que soient les hypothèses faites sur la nature de l'étoile compagne et le mouvement orbital du système, on est certain que la composante compacte dépasse 7 MS, ce qui en fait un candidat trou noir idéal.

Parmi les sources X binaires inventoriées, une trentaine abritent une composante compacte plus massive que 3 MS, donc très vraisemblablement un trou noir stellaire. Le premier à avoir été identifié comme tel est Cygnus X-1, découvert en 1971 par le télescope spatial à rayons X Uhuru. Le plus proche de la Terre, surnommé « La Licorne » – du nom de la constellation dans laquelle il se trouve – et associé à l’étoile variable V723 Monocerotis, est quand même situé à 1 500 années-lumière, ce qui illustre bien la relative rareté des trous noirs dans une galaxie donnée (moins d’une étoile sur 10 000).

Jusqu’à la fin de 2015, les plus gros trous noirs stellaires connus ne dépassaient pas 16 MS. En février 2016, l’existence d’un trou noir (baptisé GW150914) d’environ 62 MS a été révélée au public, après sa découverte en septembre 2015, non pas de manière électromagnétique dans une source X binaire, mais par le biais des ondes gravitationnelles émises lors de sa formation par fusion de deux trous noirs stellaires plus petits (cf. Collisions de trous noirs et ondes gravitationnelles). Le record est aujourd’hui détenu[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS, laboratoire d'astrophysique, Marseille

Classification

Pour citer cet article

Jean-Pierre LUMINET. TROUS NOIRS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Galaxie NGC 1277 - crédits : NASA/ ESA/ Andrew C. Fabian/ Remco C. E. van den Bosch (MPIA)

Galaxie NGC 1277

Puits gravitationnel créé par un trou noir - crédits : J.-P. Luminet

Puits gravitationnel créé par un trou noir

Formation de trous noirs stellaires et sursauts gamma - crédits : J.-P. Luminet

Formation de trous noirs stellaires et sursauts gamma

Autres références

  • PREMIÈRE IMAGE DU TROU NOIR DE NOTRE GALAXIE

    • Écrit par Jean-Pierre LUMINET
    • 1 695 mots
    • 2 médias

    Le 12 mai 2022, la collaboration du réseau international de radiotélescopes EHT (Event Horizon Telescope) a révélé au public l’image de Sagittarius A* (SgrA*), le trou noir supermassif situé au centre de notre Galaxie (la Voie lactée), à 27 000 années-lumière de la Terre. Avant cette date, son...

  • PREMIÈRE IMAGE TÉLESCOPIQUE D'UN TROU NOIR

    • Écrit par Jean-Pierre LUMINET
    • 1 009 mots
    • 1 média

    Prédits dans le cadre de la théorie de la relativité générale, les trous noirs sont certainement les objets les plus mystérieux du cosmos. En raison de leur nature même de pièges à matière et à lumière, ils ne sont pas directement observables. Si les effets indirects qu’ils induisent sur leur...

  • TROU NOIR DE MESSIER 87

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 363 mots
    • 1 média

    Deux cents ans après que Pierre-Simon de Laplace a imaginé l'existence d'étoiles si denses que la lumière ne peut s'en échapper, les astronomes de la N.A.S.A. présentent en 1994 des indices significatifs en faveur de la découverte d'un trou noir. Les observations de la galaxie elliptique...

  • TROU NOIR DE NGC 1365

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 363 mots
    • 1 média

    Grâce au télescope spatial NuSTAR (Nuclear Spectroscopic Telescope Array), une équipe internationale d'astronomes, conduite par Guido Risaliti, professeur à Florence (Italie), a observé la rotation extrêmement rapide du trou noir situé au centre de la galaxie NGC 1365. Ce trou noir, dont la masse...

  • ASTRE ou OBJET CÉLESTE

    • Écrit par Marc LACHIÈZE-REY
    • 1 244 mots

    Le nom d'« astre » s'applique à tout corps céleste. Pour l'astronome de l'Antiquité, il désignait l'une des quelques milliers d'étoiles suffisamment brillantes pour être visibles à l'œil nu ou l'une des sept planètes (du grec planêtes[asteres],...

  • ASTROPARTICULES

    • Écrit par Pierre BAREYRE
    • 2 125 mots
    • 1 média
    ...en évidence à haute énergie par les détecteurs au sol. Markarian 501 a présenté en 1997 des bouffées de forte intensité dans les domaines X et gamma. Les sources ont pour origine des phénomènes dans des galaxies dites à noyau actif où un trou noir central supermassif (1 milliard de masses solaires)...
  • CHANDRASEKHAR SUBRAHMANYAN (1910-1995)

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 1 022 mots
    ...l'effondrement dû aux forces gravitationnelles est le phénomène marquant de leur vieillesse. C'est ainsi qu'apparaissent naines blanches, étoiles à neutrons ou trous noirs, extraordinaires objets où les conditions physiques qui y règnent sont si extrêmes que les interactions fondamentales « habituelles » agissent...
  • EINSTEIN ET LA RELATIVITÉ GÉNÉRALE, LES CHEMINS DE L'ESPACE-TEMPS (J. Eisenstaedt)

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 961 mots

    Si les principes et les conséquences de la théorie de la relativité restreinte ont été souvent, et parfois de façon excellente, vulgarisés, la complexité mathématique de la théorie d'Einstein de la gravitation – appelée relativité générale – est telle qu'elle n'est appréciée que d'un petit nombre...

  • Afficher les 25 références

Voir aussi