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TROUS NOIRS

Collisions de trous noirs et ondes gravitationnelles

L'hypothèse d’une collision entre deux trous noirs peut à première vue paraître surprenante quand on sait que les trous noirs sont excessivement rares. Cependant, au moins la moitié des étoiles appartiennent à des systèmes doubles. Les couples d’étoiles initialement très massives peuvent donc parfaitement, au terme de leur évolution, former des couples de trous noirs stellaires. Selon la théorie de la relativité générale, un couple de trous noirs en orbite l'un autour de l'autre perd de l'énergie en produisant des ondes gravitationnelles et finit par fusionner. Par ailleurs, les galaxies, quand elles sont suffisamment serrées dans leurs amas, ont souvent tendance à se rencontrer. Leurs trous noirs centraux pourraient faire de même en se mettant en orbite l’un autour de l’autre, puis en fusionnant, avec production d’une copieuse émission d’ondes gravitationnelles.

Prédiction clé d'Albert Einstein dans sa théorie de la relativité générale, les ondes gravitationnelles sont de légères perturbations subies par la trame de l'espace-temps sous l'effet du déplacement à très grande vitesse d'objets de grande masse. Elles se propagent à la vitesse de la lumière et voyagent pendant des milliards d'années sans que rien ne les altère. Une preuve indirecte de leur existence avait été produite par la découverte en 1974 d'un couple d’étoiles à neutrons tournant l'une autour de l'autre à très grande vitesse, par Russell Hulse (né en 1950) et Joseph H. Taylor (né en 1941).

En raison de leur très faible amplitude (il s’agit de mesurer une variation de longueur de l’ordre de 10–18 mètres, soit 1 000 fois inférieure à la taille d’un proton), la détection directe des ondes gravitationnelles requiert une technologie si avancée qu’il a fallu attendre 2015 pour que les détecteurs interférométriques américains LIGO (Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory), puis en 2017 le détecteur européen Virgo, atteignent la sensibilité requise.

La fusion de deux trous noirs donne un trou noir unique, dont la masse est inférieure à la somme des masses des deux parents, la différence d’énergie étant évacuée précisément par les ondes gravitationnelles. Ces ondes ont été détectées pour la première fois le 14 septembre 2015 par les deux interféromètres du réseau LIGO lors de l’événement baptisé GW150914. Les ondes gravitationnelles ont été majoritairement produites à la dernière fraction de seconde avant la fusion de deux trous noirs. L'analyse des données et la comparaison avec les modèles théoriques ont permis de déterminer que ces deux trous noirs stellaires avaient fusionné il y a 1,3 milliard d'années. Ils étaient 29 et 36 fois plus massifs que le Soleil et en rotation rapide, pour un diamètre de seulement 150 kilomètres. Ils ont formé un trou noir unique de 62 MS, la différence de 3 MS étant évacuée par les ondes gravitationnelles – une énergie colossale, de l’ordre de 50 fois l’énergie lumineuse de toutes les galaxies de l’Univers observable.

Fusion de trous noirs et ondes gravitationnelles - crédits : J.-P. Luminet

Fusion de trous noirs et ondes gravitationnelles

Fusion de trous noirs - crédits : Animation created by SXS, the Simulating eXtreme Spacetimes (SXS) project/ www.black-holes.org

Fusion de trous noirs

Il s’agit là d’une preuve quasi directe de l’existence des trous noirs de type stellaire, dont on n’avait pu jusqu’à présent qu’observer des manifestations électromagnétiques indirectes.

Depuis cette première détection d’ondes gravitationnelles, LIGO et Virgo (entré en service en 2017) ont mis en évidence d’autres fusions d’astres compacts au cours de trois campagnes d’observations séparées par des phases d’améliorations techniques permettant d’augmenter la sensibilité des instruments. La troisième édition du catalogue de détections d’ondes gravitationnelles, GWTC-3 (Gravitational-Wave Transient Catalog), publié en 2021 et incluant la contribution de l’interféromètre japonais Kagra, recense près d’une centaine de signaux gravitationnels[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS, laboratoire d'astrophysique, Marseille

Classification

Pour citer cet article

Jean-Pierre LUMINET. TROUS NOIRS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Galaxie NGC 1277 - crédits : NASA/ ESA/ Andrew C. Fabian/ Remco C. E. van den Bosch (MPIA)

Galaxie NGC 1277

Puits gravitationnel créé par un trou noir - crédits : J.-P. Luminet

Puits gravitationnel créé par un trou noir

Formation de trous noirs stellaires et sursauts gamma - crédits : J.-P. Luminet

Formation de trous noirs stellaires et sursauts gamma

Autres références

  • PREMIÈRE IMAGE DU TROU NOIR DE NOTRE GALAXIE

    • Écrit par Jean-Pierre LUMINET
    • 1 695 mots
    • 2 médias

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  • PREMIÈRE IMAGE TÉLESCOPIQUE D'UN TROU NOIR

    • Écrit par Jean-Pierre LUMINET
    • 1 009 mots
    • 1 média

    Prédits dans le cadre de la théorie de la relativité générale, les trous noirs sont certainement les objets les plus mystérieux du cosmos. En raison de leur nature même de pièges à matière et à lumière, ils ne sont pas directement observables. Si les effets indirects qu’ils induisent sur leur...

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  • ASTROPARTICULES

    • Écrit par Pierre BAREYRE
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  • CHANDRASEKHAR SUBRAHMANYAN (1910-1995)

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 1 022 mots
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  • EINSTEIN ET LA RELATIVITÉ GÉNÉRALE, LES CHEMINS DE L'ESPACE-TEMPS (J. Eisenstaedt)

    • Écrit par Bernard PIRE
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    Si les principes et les conséquences de la théorie de la relativité restreinte ont été souvent, et parfois de façon excellente, vulgarisés, la complexité mathématique de la théorie d'Einstein de la gravitation – appelée relativité générale – est telle qu'elle n'est appréciée que d'un petit nombre...

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