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STÉNON, STENONIS NICOLAS ou STEENSEN NIELS (1638-1686)

Une vie consacrée à Dieu

Toute sa vie, Sténon sera, comme il le dit lui-même, « à la recherche de la vérité ». Cette exigence de certitude, son attachement à la philosophie de Descartes mais aussi le protestantisme auquel il est confronté aux Pays-Bas l’éloignent progressivement de sa foi luthérienne. Dans une lettre à Johannes Sylvius, Sténon explique son rapprochement avec le catholicisme par le mode de vie et de pensée de ses amis catholiques rencontrés au cours de ses premiers voyages aux Pays-Bas, en France et en Italie, leur douceur, leur charité, etc., ainsi que leurs longues conversations sur la religion. D’autres sources montrent une réalité plus complexe menant à sa conversion. La liberté religieuse qui prévaut à Amsterdam le conduit à opposer un christianisme originel, dont dérive le catholicisme, à des variantes plus tardives, marquées par les personnalités de leurs fondateurs. Par ailleurs, la difficulté qu’il éprouve à maîtriser ses pulsions le pousse à adhérer à une religion qu’il juge plus conciliante. Il se convertit au catholicisme en novembre 1667 et reçoit le sacrement de confirmation du nonce apostolique le 8 décembre 1667, le jour même où il reçoit l’ordre du roi Frédéric III de rentrer au Danemark. Il ne part qu’à l’automne 1668, après la rédaction de De solido intra solidum, s’attarde dans les Alpes et en Europe centrale, craint des persécutions au Danemark, retourne à Amsterdam où d’autres discussions le décident en 1670 à consacrer sa vie à ramener d’autres croyants à la foi catholique. Il obtient finalement un poste d’anatomiste royal à Copenhague en 1672. Pourtant, sans avenir dans ce très protestant Danemark, il quitte Copenhague en 1674 pour retourner à Florence.

À partir de 1673, il n’écrit plus que des textes théologiques et il entre dans les ordres en 1675. Deux ans plus tard, en 1677, alors qu’il attend à Rome sa nomination comme évêque, il rencontre le mathématicien Tschirnhaus qu’il tente de convertir au catholicisme. Dans ce contexte, Tschirnhaus lui donne un manuscrit de l’Éthique de Spinoza. Le 4 septembre 1677, Sténon remet ce manuscrit à l’Inquisition, accompagné d’une lettre de dénonciation auprès du Saint-Office. En conséquence, l’Éthique sera mis à l’index en 1679. Ironie de l’histoire, le manuscrit, conservé par l’Inquisition, est retrouvé à la Cité du Vatican en 2010, et est la seule copie manuscrite (mais non autographe) de l’Éthique antérieure à sa publication posthume de 1677.

Nicolas Sténon - crédits : Zapf/ Ullstein Bild/ Getty Images

Nicolas Sténon

Enfin nommé évêque et vicaire apostolique des missions du Nord, Sténon choisit de se consacrer aux pauvres et mène une vie ascétique. Son apostolat le conduit à Hanovre où il rencontre Leibniz (1646-1716), qu’il influencera considérablement pour sa géologie. Cependant Leibniz, admiratif de Sténon scientifique, dira de lui : « Il était grand anatomiste, et fort versé dans la connaissance de la nature, mais il en abandonna malheureusement la recherche, et d’un grand physicien il devint un théologien médiocre. »

Sténon quitte Hanovre pour Münster, puis Hambourg et Schwerin où il meurt le 25 novembre 1686.

Pour son esprit d’ouverture et de dialogue, ses mœurs exemplaires et sa vie de sainteté, il est déclaré bienheureux le 23 octobre 1988 par le pape Jean-Paul II.

— Françoise DREYER

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Écrit par

  • : docteure en épistémologie et histoire des sciences, chercheuse associée au Centre François Viète, université de Nantes

Classification

Pour citer cet article

Françoise DREYER. STÉNON, STENONIS NICOLAS ou STEENSEN NIELS (1638-1686) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Tête de requin, Nicolas Sténon (1667) - crédits : BIU Santé Médecine, Paris, cote : 05530

Tête de requin, Nicolas Sténon (1667)

Nicolas Sténon - crédits : Zapf/ Ullstein Bild/ Getty Images

Nicolas Sténon

Autres références

  • STÉNON INVENTE LA STRATIGRAPHIE

    • Écrit par Florence DANIEL
    • 254 mots
    • 1 média

    Dès 1667, le savant danois Niels Steensen (1638-1686) – en français Nicolas Sténon – introduit dans un ouvrage d'anatomie les notions et les termes de « strates » et de « sédiments ». Selon lui, les couches du sous-sol sont d'anciens sédiments qui se sont peu à peu déposés au fond de l'eau et indurés,...

  • ÂGE DE LA TERRE

    • Écrit par Pascal RICHET
    • 5 143 mots
    • 5 médias
    ...arguments en faveur d’une origine organique ne manquaient pas, comme l’avaient déjà avancé Bernard Palissy (~1510-1590) et d’autres observateurs avisés. Anatomiste danois au service du duc de Toscane, Nicolas Sténon (1638-1686) le démontra rigoureusement après qu’on lui eût demandé un jour d’examiner...
  • DANEMARK

    • Écrit par Marc AUCHET, Frederik Julius BILLESKOV-JANSEN, Jean Maurice BIZIÈRE, Régis BOYER, Georges CHABOT, Universalis, Lucien MUSSET, Claude NORDMANN
    • 19 519 mots
    • 14 médias
    ...représentants les plus remarquables, il faut citer : Tycho Brahe (1546-1601), astronome de renommée universelle et auteur d'excellentes poésies latines ; Nicolas Stenon (ou Stenonis, 1638-1686), génial homme de science et ascète chrétien, digne contemporain de Pascal ; la princesse Leonora Christina (1621-1698),...
  • GÉOLOGIE - Histoire

    • Écrit par François ELLENBERGER
    • 6 554 mots
    • 5 médias
    Le Danois Niels Stensen (Nicolas Sténon, 1638-1686), anatomiste réputé, publie en 1669 le Prodromus d'une dissertation « Sur un solide contenu naturellement dans un solide ». Ce court ouvrage pose de façon géniale les bases définitives de la géologie moderne, fondée sur une rigoureuse axiomatique....
  • MATIÈRE (physique) - États de la matière

    • Écrit par Vincent FLEURY
    • 5 805 mots
    • 4 médias
    ...réflexions sur le passage de l'état liquide à l'état solide étaient largement motivées par des considérations médicales. Un exemple frappant nous est donné par Sténon, anatomiste danois vivant à Florence, qui comprend en 1669 comment se forment les roches, par une lente accumulation de petites parties transportées...

Voir aussi