Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

PIERRE Ier LE GRAND (1672-1725)

Une politique extérieure belliqueuse

La recherche de débouchés maritimes

<em>La Bataille de Lesnaya</em>, J.-M. Nattier - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

La Bataille de Lesnaya, J.-M. Nattier

Le règne de Pierre est placé, tout entier, sous le signe de la guerre. Relégué hors de la Cour sous la régente Sophie, il avait reçu une éducation exceptionnellement libérale, en dehors de toute surveillance officielle ; fréquentant les étrangers du faubourg « allemand » de Moscou, rassemblant autour de lui les têtes chaudes de l'aristocratie, il avait constitué, pour des jeux militaires, deux compagnies d'« amuseurs », qui devinrent le noyau d'une véritable armée, et fournirent à son désir d'action un domaine d'utiles expériences. Lorsqu'il exerce effectivement le pouvoir (1689), il hérite d'une tradition de politique extérieure agressive à l'égard des trois voisins occidentaux et méridionaux de la Russie, la Suède qui tient les rives de la Baltique, la Pologne qui a dû céder, au traité de 1686, la Russie blanche avec Smolensk et une partie de l'Ukraine avec Kiev, et le khanat de Crimée soutenu par l'Empire ottoman, dont les commandos menaçants sont progressivement refoulés vers le sud avec l'aide des communautés cosaques du Dniepr et du Don. L'alliance polonaise de 1686, qui peu à peu au cours du règne se transforma en un protectorat de fait sur la Pologne, imposa d'abord une politique antiturque, marquée par la prise d'Azov (1696). Cette demi-victoire ne donna pas à la Russie un accès direct à la mer Noire, mais la libéra, à la suite du traité de Constantinople (1700), de tout danger d'invasion par le Sud. Le problème essentiel restait celui d'un débouché maritime sur la Baltique. Aussi bien la guerre contre la Suède, préparée soigneusement par le tsar, a-t-elle absorbé tous ses efforts pendant plus de vingt ans (1700-1721) et déterminé même les caractères de sa politique intérieure. Ses débuts malheureux (échec devant Narva, 1700), loin de décourager le tsar, ont permis à celui-ci de faire la preuve de sa ténacité et de sa volonté de puissance. Les mesures militaires prises dès 1701 entraînent des succès ; dès 1703, l'Ingrie est aux mains des Russes, et Pierre choisit l'emplacement de sa future capitale, Pétersbourg. La guerre se déroule en partie hors du territoire russe, en Pologne, puis en Ukraine où le roi de Suède Charles XII est écrasé à Poltava (1709). À la veille de l'engagement, Pierre avait adressé à ses troupes une proclamation d'un contenu patriotique très moderne : « le moment est venu où le sort de la patrie va se décider. Vous ne devez pas penser que c'est pour Pierre que vous vous battez, mais pour l'Empire confié à Pierre, pour vos familles, pour la Patrie ». La victoire de Poltava eut un énorme retentissement dans toute l'Europe ; la Russie, sortant de l'obscurité, était désormais reconnue comme la puissance principale de l'Europe orientale. Le déclin de la Pologne et de la Suède lui donnait le contrôle de la Baltique. Par la paix de Nystad (1721) elle annexait l'Ingrie, l'Estonie, la Livonie, une partie de la Carélie avec Vyborg et les îles de Osel et de Dagœ. Au cours de la période comprise entre 1709 et 1721, l'action diplomatique et militaire à laquelle sont mêlés l'Angleterre, le Danemark, la Prusse, et même la France (projet avorté d'alliance en 1717), en dépit d'une intervention turque (1711) qui obligea le tsar à rendre Azov au sultan (traité d'Andrinople, 1713), confirme cette promotion, qui permit au tsar, en 1721, de prendre le titre impérial.

Par cette « fenêtre » ouverte sur la Baltique, la Russie échappait en partie à son destin de pays continental, dont l'expansion se traduisait par une lente colonisation paysanne intérieure vers le sud et vers l'est. Les conquêtes de Pierre le Grand ont fait de la Russie un État maritime, lié plus étroitement aux[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris

Classification

Pour citer cet article

Roger PORTAL. PIERRE Ier LE GRAND (1672-1725) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Pierre le Grand (1672-1725) - crédits : G. Dagli Orti/ De Agostini/ Getty Images

Pierre le Grand (1672-1725)

1700 à 1800. L'âge des Lumières - crédits : Encyclopædia Universalis France

1700 à 1800. L'âge des Lumières

<em>La Bataille de Lesnaya</em>, J.-M. Nattier - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

La Bataille de Lesnaya, J.-M. Nattier

Autres références

  • PIERRE Ier LE GRAND (tsar de Russie)

    • Écrit par Sylvain VENAYRE
    • 202 mots
    • 1 média

    Pierre, le petit-fils de Michel Romanov, est couronné tsar, en 1682, en même temps que son demi-frère Ivan V. Après avoir éliminé, en 1689, la régente et Ivan, il dirige seul la Russie de façon autocratique, s'appuyant sur la police et l'armée, sur une stricte application du principe du servage...

  • ACADÉMIE DES SCIENCES DE RUSSIE

    • Écrit par Jérôme PIERREL
    • 1 282 mots

    Créée par le tsar Pierre le Grand (1672-1725) en 1724 – oukase (décret) du 8 février nouveau style –, l’Académie des sciences et des arts de Saint-Pétersbourg a été ouverte à la fin de l’année suivante, par l’impératrice Catherine Ire (oukase du 18 décembre). Sa première...

  • CATHERINE Ire (1684-1727) impératrice de Russie (1725-1727)

    • Écrit par Pierre KOVALEWSKY
    • 500 mots

    Quand les Russes mettent Marienbourg à sac en 1702, Marthe Skavronskaïa fait partie du butin. Les témoignages postérieurs auront beau jeu, connaissant l'origine modeste de l'impératrice, de dénigrer sa taille « petite et ramassée », son teint « fort basané », son maintien « sans air ni grâce ». Il...

  • CHARLES XII (1682-1718) roi de Suède (1697-1718)

    • Écrit par Claude NORDMANN
    • 2 352 mots
    • 1 média
    ...« Barbares de l'Est » ; sûr de ses carolins comme de lui-même, il méconnaît la force de résistance, le courage patriotique de l'adversaire. Pourtant, Pierre Ier à déjà reconstitué ses armées et profité de l'absence de Charles XII pour conquérir les provinces baltiques, fonder Saint-Pétersbourg...
  • ESTONIE

    • Écrit par Céline BAYOU, Suzanne CHAMPONNOIS, Universalis, Jean-Luc MOREAU
    • 9 133 mots
    • 4 médias
    L'occupation suédoise en Estlandie et en Livonie faisait obstacle aux ambitions du nouveau tsar de RussiePierre Ier le Grand qui voulait donner à son pays, à l'instar de ses prédécesseurs, un accès à la Baltique. La guerre inévitable contre la Suède se prolongea pendant dix ans avec des succès divers...
  • Afficher les 21 références

Voir aussi