MOSCOU
Devenue capitale de l'Union soviétique au lendemain de la révolution de 1917, Moscou a retrouvé alors sa place historique au centre du monde russe et slave. Après deux siècles d'éclipse en faveur de Saint-Pétersbourg, capitale institutionnelle de l'Empire russe, Moscou redevint le lieu du pouvoir central, signe de la volonté de pérenniser l'héritage de la Russie traditionnelle, mais aussi symbole du pouvoir socialiste soviétique.
Moscou se situe dans la tradition de la ville russe classique, blottie à l'ombre de sa forteresse, le Kremlin, entourée de ses enceintes emboîtées, témoignages des développements successifs de la cité. Choisir Moscou, c'était aussi renouer avec les avantages du site et de la situation géographiques qui avaient présidé à la création de la ville et à sa croissance au cours des siècles. Moscou était née, ville fortifiée, dans une clairière placée à la confluence de plusieurs voies d'eau, au centre d'un domaine étendu de plaines, entre forêts et steppes, zone de passage des hommes et des produits entre le nord et le sud du pays.
La vie économique et politique s'était ainsi élaborée au cours des siècles au cœur de l'État russe. Un réseau dense de voies de communications drainait vers la ville les hommes, les capitaux et les activités. Rendre à Moscou sa fonction de capitale, c'était aussi recentrer celle-ci dans un pays continental, alors que Leningrad avait une position maritime périphérique. L'ancienne capitale était sentie comme un corps étranger à la vie de la Russie profonde et était considérée comme trop vulnérable par Lénine. Moscou représentait exactement le contraire.
Enfin, Moscou a été conçue dans le nouveau système comme le symbole et le modèle de la ville socialiste, à l'intérieur et à l'extérieur de l'U.R.S.S. Ce fut par excellence le lieu d'élaboration de l'« homme nouveau », le champ d'expérimentation de nouvelles formes d'organisation des espaces urbains, le centre de décision pour toute l'Union soviétique, comme la référence obligée, même avec des réserves, pour les communistes du monde entier. Moscou fut à la fois capitale de l'U.R.S.S., capitale de la R.S.F.S.R. (république socialiste fédérative soviétique de Russie) et centre d'une région urbaine dont l'importance économique et sociale est considérable. Pourtant, malgré l'accumulation exceptionnelle de ses fonctions, Moscou ne comptait que 8,6 millions d'habitants pour un État de 276 millions de citoyens en 1985 pour atteindre plus de 10 millions lors du dernier recensement de 2002. Ce n'est pas le moindre paradoxe que cette immense concentration des pouvoirs politiques, économiques et idéologiques dans une métropole somme toute assez limitée.
Histoire
Une capitale vassale des Tatars
Création du prince de Suzdal', Juri Dolgoruki, Moscou, dont le nom apparaît pour la première fois dans les documents en 1147, ne fut jusqu'au xiiie siècle, dans la Russie féodale, qu'un petit bourg, pourvu d'une fortification ou kremlin de bois, dépendant de la principauté de Vladimir-Suzdal'.
Devenue au début du xiiie siècle le centre d'une principauté autonome, Moscou fut, avec l'ensemble de la Russie, victime de l'invasion mongole. Incendiée par les Tatars en janvier 1238, elle se relève rapidement de ses ruines, et les excellents rapports qui se nouent entre le prince de Moscou et le khan des Mongols assurent l'avenir de la ville. Intermédiaires entre le khan et les princes russes pour le paiement du tribut, les princes de Moscou développent leur influence, avec la garantie des yarlyk accordés par le khan. Sous les princes Juri Danilovič (1303-1325) et Ivan Kalita (1325-1340) se constitue une Grande-Principauté de Moscou qui rassemble peu à peu les terres russes en un État centralisé.
Moscou succède à Vladimir à la fois sur le plan politique et sur le plan religieux lorsque, sous Ivan Kalita, les métropolites y fixent leur résidence. Dans la seconde moitié du xive siècle commence contre le joug tatar la lutte pour l'indépendance qui fait de Moscou une base militaire d'où partent les armées qui, sous le commandement du prince, Dmitri Donskoj (1359-1389), écrasent les Tatars à Kulikovo (1380). Moscou doit cependant se défendre longtemps encore au cours du xve siècle, contre la Horde d'Or des Tatars et contre les princes russes hostiles à la politique du grand-prince. Les années 1480 marquent, avec le rejet définitif du joug mongol, la reconnaissance du pouvoir du grand-prince sur l'ensemble des terres russes : Moscou, sous Ivan II (1462-1505), est la capitale d'un nouvel État.
À l'intérieur de l'enceinte qui protégeait le palais royal et les demeures des boyards, se forme, entre 1475 et 1509, un magnifique ensemble de palais et d'églises à coupoles, symbole de l'unité politico-religieuse de l'État, œuvre d'architectes et artisans russes dirigés par des architectes italiens : cathédrale de l'Assomption (Uspenskij sobor), où se déroulaient les cérémonies de couronnement des tsars, cathédrale de l'Archange (Arhangel'skij sobor), où les tsars furent enterrés jusqu'à Pierre le Grand, église de l'Annonciation (Blagoveščenskij sobor), où ils entendaient les offices. Ce sont, avec le Palais à facettes – le plus ancien monument d'architecture civile de Moscou –, les plus remarquables bâtiments qui ornent la place centrale du Kremlin.
Au-delà du posad des artisans et des marchands, vers l'est et vers le sud, d'où surgirent pendant deux siècles encore les raids tatars, la défense de la ville était assurée par des monastères fortifiés, Simonov, Andronikov, Novospasski, Danilov, formant un large demi-cercle, complété au xvie siècle par les monastères de Novodevičij (1524) et Donskoj (1592). Dans ces monastères s'élaborent les Chroniques inspirées par la lutte, véritable croisade, contre les Tatars ; leur décoration ainsi que celle des églises attirent à Moscou un grand nombre de peintres d'icônes, parmi lesquels le plus grand qu'ait connu la Russie : Rublëv (1370-1430). Placée à proximité des frontières toujours menacées, Moscou est essentiellement une ville militaire, dont les ateliers forgent des canons, des armures et fabriquent de la poudre, des équipements de cuir.
C'est au xvie siècle, sous Ivan le Terrible (1547-1584), lorsque se consolide l'État russe centralisé, que la conquête rapide des pays de la Volga sur le khanat de Kazan (1552) dégage la ville de Moscou vers l'est. Le caractère militaire de la capitale s'atténue. Centre du gouvernement, siège de la Douma des boyards, des administrations ou prikazy, des réunions des Assemblées territoriales (Zemskij sobor), Moscou se développe rapidement et compte environ 100 000 habitants à la fin du xvie siècle.
Le centre du royaume des Romanov
Les xvie et xviie siècles sont une période capitale de l'histoire de Moscou, dont le rôle grandit avec le développement de la puissance russe qui a noué des rapports diplomatiques avec les États d'Occident et entretient un commerce actif avec l'Angleterre, la Hollande et la Suède. Les négociants étrangers, après l'ouverture du port d'Arkhangelsk (1584), viennent à Moscou participer à des échanges à travers la Russie et en direction de l'Orient et constituent un quartier réservé, ou sloboda des « Allemands » (terme qui désigne ceux qui ne parlent pas le russe), où pénètrent plus largement les influences d'Occident.
Les victoires d'Ivan le Terrible sur les Tatars sont commémorées par la construction de l'extraordinaire église Saint-Basile (1555-1560) près du Kremlin, sur la place Rouge qui doit son nom aux beaux édifices qui l'entourent (en vieux russe, le même mot signifie à la fois « beau » et « rouge »). Après la conquête de la Sibérie, achevée en 1649, l'extension du marché intérieur jusqu'au Pacifique fait de Moscou une grande place de commerce, dont le développement est marqué par une triple enceinte concentrique sur la rive gauche du fleuve : l'ancien posad (Kitaj Gorod) est entouré d'un mur de pierre (1535-1538) ; après l'attaque des Tatars, qui incendient la ville en 1571, une deuxième enceinte est édifiée : celle du Belyj Gorod (1580-1590) ; au-delà, une levée de terre avec fossé constitue, à la fin du xvie siècle, le Zemljanoj Gorod : cette dernière enceinte se prolonge sur la rive droite du fleuve, enserrant tout un quartier de peuplement récent.
Prise dans la tourmente du « temps des troubles », Moscou n'a pu, malgré ses fortifications, empêcher les Polonais d'occuper le Kremlin en 1610 ; mais elle est ensuite, à partir de 1611, un des centres de la reconquête nationale, et, sous la nouvelle dynastie des Romanov (1613), elle retrouve son rôle de capitale incontestée, groupant, vers 1700, quelque 200 000 habitants. Elle est à la fois centre politique et cité religieuse. La multitude des églises à bulbes étincelants frappe les voyageurs. Chapelles, icônes le long des rues et aux carrefours, sonneries de cloches qui marquent les heures et annoncent les manifestations publiques (processions, entrées d'ambassadeurs étrangers, déplacements du souverain), travail rythmé par les règlements de l'Église, fêtes religieuses, toute l'activité de Moscou baigne dans une atmosphère sacrée.
La ville est une ruche d'artisans et de boutiquiers. En son centre, le commerce de détail s'effectue dans une centaine de rjady ou rangées de magasins formant bazar. Les métiers s'exercent dans des slobody (quartiers spécialisés). Moscou occupe la première place en Russie pour le travail de l'or et de l'argent, pour celui des fourrures, venues de Sibérie, et celui des armes, qui font la renommée de la cour des Canons (Pušečnij dvor). Le palais des Armures (Oružejnaja palata), où étaient rassemblés les ouvrages les plus remarquables des artisans de la métallurgie, devint au xviie siècle une véritable école d'art.
La population de Moscou est très composite, et pour moitié formée de gens des posads, petits commerçants et artisans, installés sur les domaines du tsar, sur ceux des monastères, et sur ceux des boyards dont la plupart ne vivent qu'occasionnellement dans la cité où ils possèdent cependant le cinquième des terres. Fonctionnaires, moines, prêtres, soldats composent une partie importante de la population : à eux seuls les trente slobody militaires (archers, canonniers) groupent, avec leurs familles, vingt mille personnes. En dépit de la puissance étatique et du conformisme religieux, la nature féodale des rapports entre ces groupes sociaux entretient une tension qui se manifeste par des troubles périodiques : les gens des posads se sont soulevés en 1648, et la révolte de Stenka Razine, bien qu'elle eût son centre très au sud du pays, a trouvé un écho parmi eux. La ville n'est d'ailleurs pas peuplée que de « citadins ». Nombreux y sont les paysans attachés à leur communauté rurale voisine, et les serfs des domaines, aux occupations les plus diverses, dont beaucoup travaillent la terre dans les usad'ba des nobles, fréquentes à l'intérieur même des enceintes. Par cette imbrication de la ville et de la campagne, Moscou est peu différente des autres villes de la Russie à cette époque. Seul son rôle de capitale avec la présence de tout un appareil gouvernemental et administratif lui donne un caractère plus urbain.
Il en va de même de la fonction culturelle liée à ce rôle. Moscou prend le relais de Novgorod déchue, de Kiev qui, cependant, lui fournit encore une partie de son clergé. La densité des établissements religieux a pour corollaire le nombre important des écoles : le quart de la population des posads sait lire et écrire, proportion très exceptionnelle dans la Russie du temps. Moscou était centre de publication d'ouvrages ecclésiastiques et laïcs, de traductions de livres étrangers, grâce à son imprimerie officielle : le Pečatnyj dvor. En 1687 fut créée une académie slavo-gréco-latine, établissement ecclésiastique d'enseignement supérieur qui fonctionna à vrai dire surtout comme institution de censure.
Déclin politique (XVIIIe-XIXe s.)
Au début du xviiie siècle, la création, par Pierre le Grand, de la nouvelle capitale, Pétersbourg (1703), où sont transférés Cour et gouvernement, relégua soudain Moscou au rang d'une grande ville de province et ralentit momentanément son développement.
Son domaine d'activité commerciale s'étend cependant, au cours du siècle, vers les rives de la mer Noire, conquises sur les Tatars de Crimée sous le règne de Catherine II (1774). Ses marchands apparaissent sur toutes les foires de l'Ukraine, des pays de la Volga (la foire de Saint-Macaire se transportera en 1817 à Nijni-Novgorod), de Sibérie (Irbit). Manufactures et ateliers se multiplient. On compte, en 1725, trente-deux manufactures, dont vingt-trois travaillent la laine, le lin, la soie, et parmi elles la plus importante, la cour des Draps (Sukonnyj dvor), occupe quinze cents ouvriers.
De ce développement naît une bourgeoisie urbaine et, en 1785, la ville reçoit une organisation municipale qui consacre cette évolution par un statut resté en vigueur jusqu'en 1862. Lorsqu'en 1762 la noblesse fut dispensée de l'obligation de servir, Moscou vit réapparaître de nombreux membres de la petite et moyenne aristocratie. Les grandes familles, les Šeremetev, les Galitzin, les Jusupov, dont les immenses domaines se trouvaient en Russie centrale, firent bien construire dans les environs de Moscou de luxueux palais comme les châteaux de Kuskovo, le « Versailles moscovite », d'Ostankino, d'Arhangelskoe, mais leur vie habituelle se poursuivait à la Cour. À Moscou même, les résidences de l'aristocratie n'étaient pas habitées en permanence. La ville de Moscou a alors une population flottante suivant les saisons : nobles regagnant leurs gentilhommières, ouvriers-paysans quittant l'atelier pour participer aux travaux des champs dans leurs villages ; en été, Moscou se vide d'un bon quart de ses habitants. Le lien entre la ville et la campagne subsiste.
Le xviiie siècle a vu cependant le début d'une politique d'urbanisation réglementant la construction des rues « en alignement » ; en 1739 est établi, par l'architecte I. F. Mičurin, le premier plan de la ville. Un grand nombre d'églises et, surtout, de bâtiments civils de style classique russe sont édifiés, œuvres des architectes moscovites V. I. Bajenov et M. F. Kazakov. Le pittoresque de Moscou vient des résidences seigneuriales, donnant sur des jardins et flanquées de dépendances, à la fois monumentales et élégantes ; ainsi les maisons Barychkin, Demidov, Razumovski. En dépit de l'accroissement des activités industrielles et commerciales, Moscou garde, à la fin du xviiie siècle, des traits traditionnels : sa population, qui atteint 175 000 habitants, comprend 115 000 paysans, libres ou serfs, dont une partie, il est vrai, a d'autres occupations que l'agriculture.
Mais son rôle intellectuel n'a pas diminué. Sous Pierre le Grand déjà y étaient installées une école de navigation et une école de médecine et chirurgie. En 1755, sur l'initiative du savant Lomonosov y fut créée la première université russe, et auprès d'elle un établissement d'enseignement secondaire. Moscou a une vie théâtrale intense ; l'œuvre d'un grand nombre d'écrivains, tels que Novikov, est liée à son nom.
Plus solidaire, par sa position géographique, de la vie nationale que Pétersbourg, excentrique, Moscou est plus sensible aux événements qui frappent le pays. Elle connaît même, en raison de la situation misérable des serfs et des ouvriers qui y résident et des difficultés d'existence de ses artisans, des troubles sociaux périodiques. Le Sukonnyj dvor a été le théâtre de grèves en 1737-1739, 1742, 1749, 1762 et, en 1771, le petit peuple s'est soulevé au cours de la famine qui accompagna la terrible épidémie de peste, faisant des dizaines de milliers de victimes dans le seul gouvernement de Moscou. C'est sur la place Rouge que, pour l'exemple, fut exécuté, le 15 janvier 1775, le Cosaque Pugačëv dont la révolte avait menacé quelque temps le trône de Catherine II.
L'occupation française et l'incendie d'octobre 1812 marquèrent une étape dans l'histoire de Moscou. Ne restaient intacts que le Kremlin, les églises, monastères et palais construits en maçonnerie ; le reste n'était que décombres. Mais dix ans plus tard, la ville s'était relevée de ses ruines et participait à l'essor économique général des années 1820-1840. Moscou se rebâtit suivant un plan nouveau. L'université est reconstruite (1817) ainsi que le Grand Théâtre (1824). Le style Empire, uniforme et austère, se prolonge jusqu'au milieu du règne de Nicolas Ier (1828-1855). Mais ce qui est le plus nouveau, c'est la place que prend Moscou dans une partie de l'opinion éclairée.
Développement économique (XIXe s.)
Au même moment, le rôle économique de Moscou s'affirme dans le développement d'un précapitalisme qui a précédé la suppression du servage (1861). Si, en 1814, Moscou comptait 253 établissements industriels occupant 27 300 ouvriers, elle en a, en 1853, 443 avec un effectif de 46 000 ouvriers, dont 80 p. 100 employés dans les textiles, le reste dans des entreprises d'industries alimentaires, chimiques, métallurgiques. Tandis que sur le plan technique la fabrique succédait à la manufacture et que l'artisanat déclinait, la population ouvrière se recrutait de plus en plus par contrat, qu'il s'agisse de serfs ou de paysans libres, formant une ébauche de prolétariat. La bourgeoisie moscovite prenait de l'importance, opérant en Bourse (le bâtiment lui-même fut construit en 1837) et organisant les premières expositions de produits manufacturés (en 1831, 1835, 1853).
La suppression du servage qui rendit plus mobile la paysannerie et plus aisée l'embauche de main-d'œuvre, mais surtout l'établissement d'un réseau ferré qui se développa en étoile à partir de Moscou, atteignant les limites de la Russie européenne – la première ligne construite, de Moscou à Pétersbourg, fut inaugurée en 1851 –, et fut complété, à la fin du siècle, par le Transsibérien, accélérèrent l'évolution d'une « Moscou capitaliste » rivalisant, par son rôle économique, avec la capitale. Le nombre des entreprises industrielles double de 1853 à 1890 ; de quelque 800 à cette dernière date, il atteint le millier en 1913. Pendant la période de forte industrialisation des années 1890 et à la suite de la crise économique du début du xxe siècle, s'opère une concentration des usines dont certaines ont de gros effectifs, telle l'usine de textiles des Trois Montagnes, qui appartient aux Prohorov, avec 7 000 ouvriers.
La population de Moscou augmente rapidement.
Son accroissement, dans les années 1880-1890, est dû, pour les trois quarts, à l'immigration des paysans venus des gouvernements voisins y chercher du travail. Beaucoup ont rompu définitivement leur lien avec la terre mais gardent une mentalité paysanne, et d'ailleurs ne participent pas à la gestion de la ville. Au début du xxe siècle encore, Moscou étonne par le contraste entre le modernisme de ses activités et son aspect resté campagnard. Au-delà du centre, bâti en pierre, la ville, pour moitié, est faite de maisons de bois, la plupart ne comportant qu'un rez-de-chaussée ou un étage. L'afflux des nouveaux résidents a provoqué une surpopulation qui se traduit par le fait que le tiers des Moscovites vit en « ménages associés » avec cuisine commune.
Le centre seul a l'aspect d'une ville, associant les bâtiments de style pseudo-russe ancien, construits dans la seconde moitié du xixe siècle et surtout au xxe siècle, et les maisons sobres et uniformes à plusieurs étages ; dans cet ensemble disparate se détachent les constructions officielles plus anciennes et quelques charmantes résidences de bois entourées de jardins.
Le développement d'une bourgeoisie d'affaires a conduit le gouvernement à procéder, en 1862, à une réorganisation municipale (modifiée en 1870 et 1892). La Douma, ou assemblée urbaine, était élue par une infime minorité de la population (3 p. 100 en 1870, réduite à 0,5 p. 100 en 1892), composée de propriétaires de biens immeubles, de fabricants et de négociants. À la forte différenciation sociale qui caractérise la population moscovite, correspond une image contrastée des quartiers de riches commerçants et des faubourgs misérables, si bien évoqués par Gorki dans Les Bas-Fonds.
L'histoire de Moscou, à l'aube du xxe siècle, n'est pas seulement celle d'une ville de marchands et de manufacturiers, mais aussi celle d'une lutte de classes qui, en deux étapes, aboutit à un changement de régime. En 1905, Moscou a connu la guerre civile : un soviet ouvrier y a eu une existence éphémère. Des barricades se sont élevées dans ses rues au cours de dix jours d'une insurrection armée (8-18 décembre 1905). Après la répression, une opposition illégale subsiste, et à la veille de la Première Guerre mondiale, entre 1912 et 1914, se développent des mouvements de grève qui touchent des dizaines de milliers d'ouvriers. Pendant la guerre elle-même, l'agitation ouvrière n'a pas cessé (grèves de 1915, de 1916 affectant 130 000 ouvriers). L'annonce des événements de janvier 1917 à Petrograd a un écho immédiat : en mars se constituaient à Moscou des soviets de députés ouvriers et soldats ; à l'automne les ouvriers participaient à l'insurrection armée proclamée dans la capitale.
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Écrit par
- Galia BURGEL : chercheur au laboratoire de géographie urbaine de l'université de Paris-X
- Catherine GOUSSEFF : chercheur au C.N.R.S., directrice du Centre d'études des mondes russe, caucasien et centre-européen (C.N.R.S. - École des hautes études en sciences sociales)
- Roger PORTAL : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
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