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PÉRUGIN (1448-1523)

Le plus traditionnel des peintres modernes

<em>Madone à l’enfant</em>, Pérugin
 - crédits : Courtesy National Gallery of Art, Washington

Madone à l’enfant, Pérugin

Cette absence de tension dramatique, d'émotion vraie indique la limite de Pérugin. Ce n'est pas un hasard s'il s'exprime de façon privilégiée à travers les retables. Les montages artificiels de ces grandes machines (le retable de Saint-Pierre de Pérouse ne comportait pas moins de seize éléments malheureusement dispersés) évitent la complexité d'une composition ; les colonnades rythment la narration et les personnages sont autant de coryphées, de spectateurs et de non-acteurs. Quelle que soit l'austérité du sujet, profane (Lutte d'Apollon et de Marsyas, musée du Louvre, à Paris) ou sacré, les gestes sont mesurés, les visages lisses. À partir de 1505, les formes s'assouplissent encore, la douceur devient mollesse ; le peintre fait de plus en plus appel à ses élèves (d'où les difficultés d'attribution, si fréquentes). Puisque cette forme d'art plaît au public, il « fait du Pérugin ». Jusqu'à sa mort, il multipliera les madones élégantes et les anges mélancoliques, « travaillant dans la religion pour s'enrichir », comme le dit sans nuance Élie Faure, reprenant après tant d'autres les critiques de Vasari. On en vient rapidement à faire de Pietro Vannucci un cynique athée. Certes, il ne faut pas oublier d'authentiques chefs-d'œuvre, comme la série des tableaux de Florence (Pietà du palais Pitti, Crucifixion de Santa Maria Maddalena dei Pazzi, Dernière Cène dite du Cénacle de Foligno), tous exécutés d'ailleurs vers 1495, où la luminosité des fonds agrandit le tableau à l'infini. Mais il faut constater, si l'on compare, par exemple, son Mariage de la Vierge du musée de Caen avec le même sujet traité par son disciple Raphaël, que l'œuvre de Pérugin n'est parfois que virtuosité formelle et colorée.

Après l'engouement des contemporains, c'est le silence du xviie et du xviiie siècle (en Italie, presque aucun voyageur étranger ne passe par Pérouse et ne mentionne le nom du peintre). Il est redécouvert au xixe siècle, avec les primitifs ; mais les modernes ont tendance à le juger sévèrement en fonction du développement artistique ultérieur. La peinture de Pérugin, tirée en effet jusqu'à ses ultimes conséquences, cautionne la religiosité facile de l'art « Saint-Sulpice ». On oublie alors l'éblouissante maîtrise de celui qu'on a pu assimiler à Vinci :

Leonardo da Vinci e l'PerusinoPier della Pieve, che son divin pictori.

— Noëlle de LA BLANCHARDIÈRE

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Pour citer cet article

Noëlle de LA BLANCHARDIÈRE. PÉRUGIN (1448-1523) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>Saint Sébastien</it>, Pérugin - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Saint Sébastien, Pérugin

<em>Madone à l’enfant</em>, Pérugin
 - crédits : Courtesy National Gallery of Art, Washington

Madone à l’enfant, Pérugin

Autres références

  • CARPACCIO VITTORE (1460 env.-1526)

    • Écrit par Marie-Geneviève de LA COSTE-MESSELIÈRE
    • 2 779 mots
    • 7 médias
    ...et ont donné lieu à des réactions diverses. Celle de Carpaccio s'explique mieux si l'on tient compte, selon la suggestion de P. Zampetti, d'œuvres comme La Remise des clefs à saint Pierre, peinte en 1481 par Pérugin à la chapelle Sixtine, ou Les Funérailles de saint Bernardin, de Pinturicchio, à l'église...
  • PINTURICCHIO BERNARDINO DI BETTO dit (1454-1513)

    • Écrit par Marie-Geneviève de LA COSTE-MESSELIÈRE
    • 513 mots

    Pinturicchio travaillait à Pérouse avec Pérugin, lorsque Sixte IV, en 1481, appela celui-ci à participer au décor de la chapelle Sixtine, avec Luca Signorelli, Botticelli, Ghirlandaio, et Cosimo Rosselli, assisté de Piero di Cosimo. Pinturicchio y fait ses débuts sous la direction...

  • RAPHAËL (1483-1520)

    • Écrit par Vincenzo GOLZIO
    • 3 565 mots
    • 9 médias
    ...baignant dans une lumière voilée ; les fins arbustes stylisés et délicatement calligraphiés qui se profilent contre le ciel sont traités à la manière de Pérugin. Avec ces trois Madones, Raphaël atteint à une expression parfaite de la beauté féminine ; les visages d'un pur ovale encadrés de chevelures blondes...

Voir aussi