PARODIE, littérature
Dans un sens restreint, la parodie désigne une œuvre littéraire ou artistique qui transforme une œuvre préexistante de façon comique, ludique ou satirique. Mais l'usage populaire, ainsi que les définitions des poéticiens et des parodistes ont donné à la parodie des acceptions plus larges, souvent aussi plus confuses. Retracer l'histoire de la notion de parodie et présenter quelques manifestations significatives des pratiques qu'elle recouvre, c'est donc essayer de débrouiller cette confusion, qui est peut-être justement responsable de la séduction qu'exerce le terme.
Il faut d'abord souligner que la parodie ne se limite pas aux domaines de la littérature et de l'art, mais qu'elle fait partie de notre expérience quotidienne. Du moment qu'on considère comme parodique tout discours reprenant un autre discours avec une intention comique, ludique ou satirique, une bonne part des discours que nous tenons quotidiennement peuvent être qualifiés de parodiques. Et bien des informations que nous recevons jouent sur le détournement parodique de phrases célèbres, de formules connues ou de références culturelles, le but étant d'attirer l'attention du lecteur ou du spectateur par un alliage de familier et de nouveau, de provoquer chez lui le double plaisir de la reconnaissance et de la surprise. Les journaux, dans leurs titres, et surtout la publicité font constamment appel à la parodie. Et il est significatif que la « contre-culture pub » née aux États-Unis dans les années 1990 combatte la publicité précisément à l'aide de la parodie, retournant ses propres armes contre elle : le subvertising (mot-valise composé de subversive [subversif] et de advertising [publicité]) consiste en effet à détourner les panneaux des grandes campagnes publicitaires en parodiant les éléments qui les composent.
Une pratique mal comprise et discréditée

Le Masque des orateurs, Jean de Soudier de Richesource.
BnF, X-18739
Le Masque des orateurs, Jean de Soudier de Richesource.
Terme aux contours des plus variables, le plagiat ne s'est pas toujours réduit à l'idée de copie…
BnF, X-18739
Malgré cette expérience quotidienne de la parodie au sens précis du terme, l'usage courant continue à donner au mot « parodie » la signification péjorative de simulacre ou de mauvaise imitation : on parle ainsi de « parodie de justice » ou, en politique, de « parodie de programme ». Souvent, on assimile la parodie à des pratiques qui reposent sur la tromperie, telles que le plagiat (qui est l'appropriation de l'œuvre d'un autre) ou la supercherie (l'attribution d'une œuvre à un auteur imaginaire). Mais c'est surtout avec le pastiche qu'elle est confondue, alors que celui-ci a pour objet l'imitation stylistique : ainsi, bien des anthologies de pastiches rassemblent en fait des parodies, et quand les deux genres coexistent, c'est le pastiche qui tend à l'emporter, comme dans l'édition française de Diario minimo d'Umberto Eco, qui a été intitulée Pastiches et postiches (1988), bien que ce recueil comprenne autant de parodies que de pastiches, par exemple des « rapports de lecture » comiques des grandes œuvres de la littérature occidentale et Nonita, parodie du roman de Nabokov (si « postiches » désigne ici les parodies, c'est encore plus symptomatique...). Il est vrai qu'Umberto Eco lui-même ne distingue pas les deux termes dans sa Préface.
Quand il arrive, rarement, que le terme même de parodie apparaisse dans le titre d'une œuvre, c'est soit en référence à la conception négative qui la rapporte à un simulacre, ainsi pour la pièce d'Arthur Adamov La Parodie (1953), soit à cause de sa confusion avec le pastiche : Apollinaire donne à Casanova (1918, posthume), une pièce où il imite les opéras comiques du xviiie siècle, le sous-titre de comédie parodique, et Leonardo Sciascia fait suivre le titre de son récitLe Contexte (1971) de l'indication générique une parodie en spécifiant qu'il est le « travestissement burlesque d'une œuvre sérieuse[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Daniel SANGSUE : docteur ès lettres, professeur à l'université de Grenoble-III-Stendhal
Classification
Pour citer cet article
Daniel SANGSUE, « PARODIE, littérature », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :
Médias

Le Masque des orateurs, Jean de Soudier de Richesource.
BnF, X-18739
Le Masque des orateurs, Jean de Soudier de Richesource.
Terme aux contours des plus variables, le plagiat ne s'est pas toujours réduit à l'idée de copie…
BnF, X-18739
Autres références
-
PARODIE, art et littérature
- Écrit par Guy BELZANE
- 1 081 mots
Exercice de virtuosité en même temps que démonstration de liberté, condamnée à dépendre de l'original qu'elle détourne, et, comme la satire, prisonnière du contexte et victime du temps, la parodie constitue une approche instructive des œuvres, des styles et des genres qu'elle rabaisse...
-
AFRIQUE NOIRE (Culture et société) - Littératures
- Écrit par Jean DERIVE, Jean-Louis JOUBERT, Michel LABAN
- 14 579 mots
- 1 média
Les genres satiriques et parodiqu es. Ces derniers occupent une place marginale quantitativement et qualitativement. Ils méritent cependant d'être mentionnés car, plus que les précédents, il s'agit de créations d'auteurs improvisant leurs compositions, comme Lamadani (Centrafrique), le poète nzakara... -
BERNESQUE, genre littéraire
- Écrit par Véronique KLAUBER
- 306 mots
Le genre bernesque naquit dans l'atmosphère enjouée des fêtes que donnaient les Médicis, en particulier Laurent le Magnifique et Hippolyte. À Florence vécurent les poètes Ange Politien (1454-1494), Luigi Pulci (1432-1484) et celui qui sera considéré comme le fondateur de la...
-
BOULEVARD THÉÂTRE DE
- Écrit par Daniel ZERKI
- 5 270 mots
...entreprise, la concurrence est acharnée : il faut plaire avant tout. On change très souvent de spectacle ; on en joue plusieurs par jour ; on pille les sujets, les titres, les personnages à succès. Laparodie – très prisée – permet d'exploiter, en les ridiculisant, les réussites des autres. -
BURLESQUE, esthétique
- Écrit par Bernard CROQUETTE
- 709 mots
-
ECHENOZ JEAN (1947- )
- Écrit par Jean-Didier WAGNEUR
- 1 038 mots
Jean Echenoz est né le 26 décembre 1947 à Orange. C'est en 1979 qu'il fait son entrée dans le paysage littéraire avec Le Méridien de Greenwich. Publiée aux éditions de Minuit au moment où la littérature française est traversée par de nombreux débats sur la fin des avant-gardes et...
- Afficher les 26 références