PAPIER

Des origines à la mécanisation

Depuis son apparition en Chine sans doute à la fin du iii^e siècle avant J.-C. (l'archéologie a prouvé qu'au siècle suivant sa fabrication était bien maîtrisée), le papier a toujours accompagné l'activité et le développement humains comme vecteur essentiel de la culture et de la technologie. Il faut cependant attendre quelques siècles pour que les principes de sa fabrication soient clairement établis afin d'assurer sa qualité et sa régularité. Cette première avancée technologique est due à Caï Lun, chef des ateliers impériaux sous les Han, qui en 105 après J.-C., codifie l'art de fabriquer le papier en préconisant d'utiliser des fibres issues du bambou, d'écorces de mûrier et surtout du lin et du chanvre. C'est le père du papier moderne et le rédacteur de la première certification pour la papeterie.

Cet art de fabriquer le papier reste chinois et japonais jusqu'au viii^e siècle avant de passer chez les Arabes musulmans après la bataille du Talas et la prise de Samarkand en 751. Ces derniers utilisent rapidement le papier pour propager l'Islam et en font leur vecteur de communication privilégié. Il devient ainsi le premier grand média de masse. Dès lors, à mesure que les Arabes musulmans progressent vers l'Occident, le papier y fait son apparition et supplante progressivement le parchemin et le papyrus. On le retrouve à Bagdad vers 795, au Caire vers 900, à Xàtiva (San Felipe, Espagne) vers 1050, en Sicile vers 1100, à Fabriano, près d'Ancône (Italie), vers 1260 et en France au début du xiv^e siècle. En 1184, Fès (Maroc) comptait plus de 400 moulins à papier.

Les papetiers de Fabriano perfectionnent et mécanisent à leur tour le procédé de fabrication du papier en utilisant des piles équipées de maillets actionnés par l'énergie hydraulique et munis de ferrures pour broyer la matière première végétale. Ils modifient la forme qui permet à l'ouvrier papetier de puiser la pâte dans la cuve et de former la feuille, en remplaçant par des fils métalliques les fils de coton ou les baguettes de bambou formant la matrice filtrante. Ils introduisent également le collage à la gélatine et créent les premiers filigranes pour authentifier leurs papiers, les meilleurs à l'époque, et qui vont désormais servir de modèle pour les autres papetiers européens.

Vers 1440, l'invention de la typographie par Gutenberg dope l'utilisation et donc la fabrication du papier, pour laquelle se généralisent les piles à maillets, technologie qui restera exclusive jusqu'à la fin du xviii^e siècle. Les adeptes de la nouvelle église réformée choisissent à leur tour le papier pour assurer leur propagande. Les artisans papetiers, majoritairement protestants, propulsent alors la France au premier rang parmi les nations papetières. La révocation de l'édit de Nantes en 1685, et l'exil de nombreux papetiers, sonneront à jamais le glas de la supériorité française dans ce secteur.

Vers la fin du xvii^e siècle, les Hollandais innovent à leur tour et apportent une contribution majeure pour la trituration de la pâte à papier en développant un dispositif nouveau, constitué d'un cylindre et d'une platine munis de lames (ancêtre de la pile hollandaise) pour défiler et raffiner les fibres de chiffons. Cette nouvelle technique offre des avantages considérables par rapport à celle des piles à maillets, qu'elle va progressivement remplacer tout au long du xviii^e siècle : augmentation de productivité, qualité supérieure des papiers, pertes en fibres limitées et gains substantiels en énergie et personnel à production égale.