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NOUVELLE-CALÉDONIE

Du statut de TOM à l’insurrection kanak

Après le sursaut démographique des années 1930, qui intervient grâce à la baisse rapide de la mortalité liée au développement des infrastructures médicales (hôpitaux, dispensaires…) et aux progrès en matière d’hygiène, la Seconde Guerre mondiale bouleverse la Nouvelle-Calédonie, choisie comme base arrière et tête de pont par les États-Unis pour reconquérir le Pacifique. À partir de 1942, elle est un lieu de transit majeur du dispositif allié. L’économie locale est dopée par le ravitaillement d’un contingent qui atteint à son apogée plus de 200 000 soldats étatsuniens, australiens et néo-zélandais pour un territoire de 55 000 habitants. En 1946, la Nouvelle-Calédonie devient un territoire d’outre-mer (TOM) et les restrictions à la liberté de résidence, de travail et de mobilité des Kanak sont levées. Ils accèdent à la nationalité française et obtiennent progressivement le droit de vote. La loi-cadre de 1956, dite « loi Defferre », met en place un statut largement décentralisé, mais une vigoureuse recentralisation s’opère au début de la Ve République.

Les Trente Glorieuses correspondent à une période de croissance économique et de forte immigration. De grands chantiers sont lancés, tels les barrages de la Dumbéa et de Yaté ou l’extension des réseaux routiers, électriques ou téléphoniques. Le « boom du nickel », de 1967 à 1971, dû à la guerre du Vietnam et au dynamisme économique des pays développés qui provoquent une envolée des cours, correspond à un quadruplement de la production locale. Le bâtiment, les travaux publics et le commerce connaissent une croissance exceptionnelle. Au cours de ces trois décennies, métropolitains, « pieds-noirs » après l’indépendance de l’Algérie (1962), Tahitiens, Wallisiens et Futuniens s’installent en Nouvelle-Calédonie, une vague migratoire qui fait suite à celles des bagnards et des colons venus de métropole au xixe siècle, auxquels s’ajoutent des Chinois, des Tonkinois, des Japonais ou des Javanais. Ces arrivées successives transforment la composition de la population, rendant les Kanak minoritaires à partir de 1963. Au recensement de 2014, 39 % de la population ont déclaré appartenir à cette communauté.

Accord sur la Nouvelle-Calédonie, 1988 - crédits : Georges Bendrihem/ AFP

Accord sur la Nouvelle-Calédonie, 1988

Ces bouleversements provoquent des mutations dans le monde kanak, qui commence à critiquer l’ordre établi à partir de 1969, avec le mouvement des Foulards rouges de Nidoish Naisseline, un des tout premiers Kanak bacheliers qui fait ses études à Paris et qui est très marqué par les événements de Mai-68. Le « krach du nickel » amplifie le malaise. En 1975, le premier festival des arts mélanésiens, Mélanésia 2000, organisé par Jean-Marie Tjibaou, militant associatif, marque le début de la reconnaissance culturelle kanak. Lors du congrès de l’Union calédonienne (UC) en 1977, premier parti politique néo-calédonien entre les années 1950 et le début des années 1970, centriste et autonomiste, une majorité de représentants vote une motion en faveur de l’indépendance. La même année, Jacques Lafleur, issu d’une grande famille néo-calédonienne propriétaire entre autres de nombreuses concessions minières, crée le Rassemblement pour la Calédonie (RPC), qui devient en 1978 le Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR), après son adhésion au Rassemblement pour la République (RPR), le parti gaulliste chiraquien. Ainsi débute la bipolarisation politique entre indépendantistes et loyalistes. Elle conduit à la création, en 1984, du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) qui rassemble plusieurs petits mouvements indépendantistes. La récupération des terres spoliées par la colonisation catalyse les énergies. Les revendications et les occupations de terre se multiplient et conduisent à une situation insurrectionnelle. Après le « boycott actif » des élections territoriales de 1984 (symbolisé par le bris de[...]

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Écrit par

  • : agrégé de géographie, professeur des Universités, université Côte d'Azur
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Universalis et Jean-Christophe GAY. NOUVELLE-CALÉDONIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Nouvelle-Calédonie [France] : carte physique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Nouvelle-Calédonie [France] : carte physique

Île des Pins, Nouvelle-Calédonie - crédits : De Agostini/ Getty Images

Île des Pins, Nouvelle-Calédonie

Récif barrière en Nouvelle-Calédonie - crédits : Karsten Wrobel/ Getty Images

Récif barrière en Nouvelle-Calédonie

Autres références

  • ART KANAK

    • Écrit par Emmanuel KASARHÉROU
    • 1 404 mots
    C’est au début des années 1980, à la demande du leader kanak Jean-Marie Tjibaou (1936-1989), qui s’inquiétait de savoir ce que les musées français avaient conservés de l’art ancien de son pays et s’il était montré au public, que l’ethnologue Roger Boulay a commencé ses premières recherches dans...
  • CÉRAMIQUE LAPITA - (repères chronologiques)

    • Écrit par Hélène GUIOT
    • 340 mots

    — 1500 Dans les îles du nord de la Mélanésie se développe, au sein de populations austronésiennes, la culture océanienne ancestrale caractérisée par la poterie Lapita, décorée au peigne.

    — 1200 Ces « Océaniens anciens » s'installent dans le sud-est des îles Salomon...

  • CINQUIÈME RÉPUBLIQUE - Les années Mitterrand (1981-1995)

    • Écrit par Pierre BRÉCHON
    • 7 342 mots
    • 7 médias
    ...gouvernement : faire des réformes après avoir pris le temps de discuter avec les différents acteurs et protagonistes. Cette méthode connaît un vrai succès sur le dossier calédonien et sur la création du revenu minimum d'insertion (R.M.I.), beaucoup moins par la suite. La situation était explosive en Nouvelle-Calédonie...
  • FRANCE (Arts et culture) - Les langues régionales

    • Écrit par Jean SIBILLE
    • 3 702 mots
    • 1 média
    – Nouvelle-Calédonie. Grande Terre : nyelâyu, nêlêmwa-nixumwak, caac, yuaga, jawe, nemi, fwâi, pije, pwaamei, pwaapwâ, langue de Voh-Koné, cèmuhî, paicî, ajië, arhâ, arhö, ôrôê, neku, sîchë, tîrî, xaracuu, xârâgùrè, drubéa, numèè-kwênyii. Îles Loyauté : nengone, drehu, iaai, fangauvea....
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Voir aussi