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TJIBAOU JEAN-MARIE (1936-1989)

Né en 1936 à Tiendanite, petit village tribal de la vallée de Hienghène, Jean-Marie Tjibaou reçut une éducation catholique qui devait durablement le marquer. Il fréquenta l'école de la mission de Canala jusqu'en 1947, puis entra au petit séminaire de Païta. Il effectua son noviciat à l'île des Pins et fut ordonné prêtre en 1965 à Hienghène, mais exerça son ministère à la cathédrale de Nouméa.

Entre 1968 et 1970, il séjourna en France où il suivit les cours de l'Institut de sociologie de la faculté catholique de Lyon. En 1970, on le retrouve inscrit en ethnologie à l'École pratique des hautes études à Paris. Son projet de thèse sur les fondements et la portée de l'identité culturelle des Mélanésiens n'aboutira pas sur le plan académique. En revanche, la réflexion qui le sous-tend l'amène, à son retour en Nouvelle-Calédonie (1972), à abandonner la prêtrise pour jouer un rôle actif dans les affaires culturelles du Territoire. Fonctionnaire du Service de l'éducation de base, il fait la promotion de l'Association féminine pour un souriant village mélanésien. On lui doit la conception et, partiellement, l'organisation du festival Melanesia 2000 de septembre 1975 qui permit, pour la première fois, la manifestation du fait culturel mélanésien et la prise de conscience par la communauté autochtone de constituer l'élément central de la personnalité collective néo-calédonienne. Membre de l'Union des indigènes calédoniens amis de la liberté dans l'ordre (UICALO), Jean-Marie Tjibaou est élu coup sur coup maire de Hienghène et conseiller territorial de la côte est en 1977. Au sein de l'Union calédonienne, il est l'un des principaux artisans de l'abandon du concept d'« autonomie » pour celui d'« indépendance », d'abord « pluriethnique » (1977), puis très vite «  kanak » (1978). Aussi, aux élections territoriales de 1979 apparaît-il comme un des leaders du Front indépendantiste (FI, qui obtient 34,5 p. 100 des suffrages).

En 1982, il obtient, par l'entremise du haut-commissaire Christian Nucci, que les leaders modérés de la Fédération pour une nouvelle société calédonienne (FNSC) rompent leur alliance avec le Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR) du député Jacques Lafleur et lui accordent leur soutien pour promouvoir une nouvelle majorité. Devenu vice-président du Conseil de gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, Jean-Marie Tjibaou réussit à convaincre le gouvernement national de préparer une réforme profonde du statut du Territoire, pour mener celui-ci en cinq ans à l'indépendance. Mais, lorsqu'il se rend compte qu'il lui est impossible de rassembler autour de lui une majorité favorable à l'indépendance, il convainc les instances du FI, devenu Front de libération national kanak socialiste (FLNKS), de procéder au « boycott actif » de l'élection territoriale de novembre 1984.

Les affrontements entre indépendantistes et nationaux qui font suite au scrutin de novembre 1984 et à la nomination en décembre de la même année d'Edgard Pisani comme représentant du gouvernement en Nouvelle-Calédonie atteignent cruellement J.-M. Tjibaou : il y perd un de ses lieutenants, Éloi Machoro (abattu par le GIGN à La Foa), et plusieurs de ses frères (fusillade de Hienghène).

Il apparaît alors comme l'homme de la révolte de la « brousse agricole » contre les « gens de la ville et de la mine ». Au début de 1985, il se rend compte que la fragilité de ses troupes ne lui permettra pas d'atteindre rapidement l'indépendance ; aussi devient-il homme de négociation. Il accepte la réforme régionale dans la mesure où elle lui permet de contrôler les trois quarts de l'archipel (avec 35,4 p. 100 des suffrages si on cumule les voix du FLNKS et du LKS). Il refuse en revanche de participer au référendum[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche au C.N.R.S., directeur du Centre des hautes études sur l'Afrique et l'Asie modernes

Classification

Pour citer cet article

Jean-Pierre DOUMENGE. TJIBAOU JEAN-MARIE (1936-1989) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Accord sur la Nouvelle-Calédonie, 1988 - crédits : Georges Bendrihem/ AFP

Accord sur la Nouvelle-Calédonie, 1988

Autres références

  • ART KANAK

    • Écrit par Emmanuel KASARHÉROU
    • 1 404 mots
    C’est au début des années 1980, à la demande du leader kanak Jean-Marie Tjibaou (1936-1989), qui s’inquiétait de savoir ce que les musées français avaient conservés de l’art ancien de son pays et s’il était montré au public, que l’ethnologue Roger Boulay a commencé ses premières recherches dans...
  • NOUVELLE-CALÉDONIE

    • Écrit par Universalis, Jean-Christophe GAY
    • 5 096 mots
    • 7 médias
    ...aboutissant aux accords de Matignon (juin 1988) et d’Oudinot (août 1988) entre RPCR et FLNKS, symbolisés par la poignée de main entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou. Dix mois plus tard, ce dernier est assassiné à Ouvéa par un indépendantiste extrémiste, à l’occasion d’une cérémonie marquant le premier...

Voir aussi