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MUSÉOLOGIE

Du musée à l'entreprise culturelle

Le débat politique sur la globalisation et la marchandisation des biens culturels ne peut pas ne pas accompagner les changements intervenus au niveau planétaire : augmentation du nombre des musées, diversification de leurs activités et accroissement de leurs publics. On observe la montée en puissance du geste architectural faisant du musée un enjeu touristique majeur, le développement de stratégies de communication et de « marketing » en relation avec le double objectif d'augmenter, sinon de démocratiser, le public et d'accroître les ressources propres du musée. Face à ces transformations deux logiques d'action partiellement incompatibles s'observent partout et notamment en France : d'une part, celle des conservateurs qui s'attachent à la préservation du patrimoine national et à l'importance du soutien public et, d'autre part, celle des gestionnaires qui font confiance au « doux commerce » loué par Montesquieu et à l'économie de l'immatériel pour assurer le développement des musées.

Les nouveaux contextes

On assiste, depuis les années 1970-1980, à la multiplication des musées et à la diversification de leurs objectifs et de leurs contenus. À côté des musées des sciences ou des arts, d'ethnologie ou d'archéologie ont proliféré les écomusées ruraux ou industriels, les musées de société (catégorie très éclectique et enracinée dans la réalité locale), les musées de site et de reconstitution. Nous nous proposons d'évoquer trois des nouveaux contextes de cette évolution : l'explosion patrimoniale, la mondialisation de la scène artistique et la politique de démocratisation culturelle.

La muséification généralisée n'est pas indépendante de l’ explosion patrimoniale des années 2000, nourrie du retour au passé, à la nature, au local et cristallisée dans les passions identitaires. Au cours des dernières décennies, la notion de patrimoine n'a pas cessé de se complexifier au fur et à mesure que la conception différentialiste des cultures se substituait à la conception universaliste de la culture héritée des Lumières et que la notion d'identité culturelle se superposait à celle d'identité nationale. Pierre Nora, évoquant la compulsion patrimoniale, a plus d'une fois insisté sur « la démultiplication à l'infini des objets patrimoniaux ». Tout objet en voie de disparition devient un candidat potentiel à la conservation.

La prolifération des musées dans le monde n'est pas indépendante de la mondialisation de la scène artistique, de la globalisation du marché de l'art et du développement du tourisme culturel de masse. On constate ainsi la création en Chine de musées et de biennales allant de pair avec le développement, sur sa façade pacifique, des nouvelles métropoles, qui visent à se donner tous les attributs de la puissance économique et culturelle. De leur côté, les grands musées occidentaux développent des antennes lointaines et organisent ou accueillent des expositions itinérantes.

Enfin, la transformation même des musées, de « musées temples » en « musées spectacles », est fortement liée à la mise en œuvre, dans les démocraties occidentales, d'une politique de démocratisation culturelle. Les services éducatifs, culturels, commerciaux et de communication se sont développés dans les musées de manière à augmenter leur fréquentation. En France, cette croissance a été considérable : on comptait plus de 8 millions de visiteurs au Louvre en 2006 (soit une hausse de 60 p. 100 par rapport à 2001), plus de 3 millions au musée d'Orsay et plus de 5 millions à Versailles. La composition sociologique évolue beaucoup plus lentement, et près de 70 p. 100 des visiteurs sont des touristes. La volonté de « réconciliation de l'art avec l'économie » exprimée en France dès 1981 par Jack Lang, puis par ses[...]

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Écrit par

  • : conservateur en chef au musée du Louvre, ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
  • : conservateur général, chargé de mission à la direction des musées de France
  • : directrice de recherche émérite au CNRS

Classification

Pour citer cet article

Germain BAZIN, André DESVALLÉES et Raymonde MOULIN. MUSÉOLOGIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Musée d'Orsay - crédits : Eduardo Fuster/ Universal Images Group/ Getty Images

Musée d'Orsay

Salle de <it>La</it> <it>Joconde </it>au musée du Louvre - crédits : M. Rosan/ Age Fotostock

Salle de La Joconde au musée du Louvre

Musée des Arts et Métiers - crédits : Christophe Lehenaff/ Photononstop

Musée des Arts et Métiers

Autres références

  • AGLAE (Accélérateur Grand Louvre d'analyse élémentaire)

    • Écrit par Jean-Pierre MOHEN
    • 328 mots

    A.G.L.A.E. (Accélérateur Grand Louvre d'analyse élémentaire), accélérateur électrostatique tandem de 2 millions de volts construit par National Electrostatics Corporation (États-Unis), a été installé en décembre 1987 au Laboratoire de recherche des Musées de France. L'accélération de certaines particules...

  • ANGIVILLER CHARLES CLAUDE DE LA BILLARDERIE comte d' (1730-1809)

    • Écrit par Marie-Geneviève de LA COSTE-MESSELIÈRE
    • 607 mots
    • 1 média

    La faveur de Louis XVI vaut à d'Angiviller de remplacer, en 1774, le marquis de Marigny comme surintendant des bâtiments du roi. Ses idées sont plus personnelles que celles de son prédécesseur, mais il reconnaît la valeur de l'œuvre accomplie par lui grâce aux sages conseils dont il a su s'entourer...

  • ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Peinture

    • Écrit par Jacques CARRÉ, Barthélémy JOBERT
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    ...favorable. Il a fallu, pour le faire fructifier au-delà des simples travaux de routine, l'impulsion représentée par l'ouverture de nouvelles galeries, l'arrivée d'une jeune génération de conservateurs et le renforcement des liens traditionnellement étroits dans les pays anglo-saxons entre l'Université,...
  • ANTHROPOLOGIE DE L'ART

    • Écrit par Brigitte DERLON, Monique JEUDY-BALLINI
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    À ses débuts, l’intérêt anthropologique pour l’art se focalisa sur les sociétés non occidentales par le biais des artefacts rapportés des grands voyages d’exploration du monde puis entrés dans les collections européennes (cabinets de curiosités, trésors princiers) qui devaient par la suite enrichir...
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Voir aussi