Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

LOGIQUE

L'ère de la logique dite « classique »

Déclin de la logique

À partir de la Renaissance, la logique connaît une longue période de relative torpeur. L'humaniste naissant s'oppose à tout ce qui rappelle l'enseignement scolastique et l'autorité d'Aristote. L'intérêt se déplace de la logique vers l'art de la dialectique et la recherche d'une méthode. Ces deux traits se remarquent dans le premier ouvrage de logique écrit en français, la Dialectique (1555) de Pierre de la Ramée (Ramus), qui avait commencé sa carrière par de violentes attaques contre Aristote. Les modifications qu'il apporte à la syllogistique sont assez anodines, mais les modi ramistorum ont été célèbres et ont rivalisé pendant un temps avec ceux d'Aristote. Succédant à l'humanisme de la Renaissance, l'avènement de la physique moderne, qui demande son organon à la mathématique, et non plus à la logique, ajoute au discrédit où celle-ci est tombée. Ce que veulent maintenant les philosophes, c'est une méthode pour connaître la vérité des choses, et non pour assurer seulement la cohérence du discours. Cet esprit nouveau anime, assez paradoxalement, la plus célèbre des logiques de l'époque, celle dite de Port-Royal (1662) où, pendant deux siècles, les « honnêtes gens » prendront contact avec cette discipline. Elle y est réduite à ses éléments essentiels et traitée sur des exemples concrets ; son propos est d'apprendre à juger sainement plutôt qu'à raisonner correctement ; elle est couronnée, comme chez Pierre de la Ramée, par des conseils de méthode, directement inspirés de Descartes et de Pascal.

Leibniz

L'exception la plus considérable à cette désaffection générale pour la logique est celle de Leibniz. En logique comme ailleurs, ce philosophe de la continuité évite la rupture. Il accepte ce qui a été fait, il le reprend, mais pour l'approfondir. La logique traditionnelle n'est qu'un échantillon d'une logique générale, qui reste à établir. La syllogistique est une des plus belles inventions de l'esprit humain, car, dans la mesure où elle réussit à mettre en forme les raisonnements, un art d'infaillibilité y est contenu. Mais elle n'y parvient qu'imparfaitement, étant trop assujettie au langage naturel, avec ses irrégularités logiques, et à la forme orale de ce langage. Le modèle dont il faut s'inspirer, c'est celui de l' algèbre, dont le langage est constitué entièrement de symboles visuels, et dont les opérations consistent à manier ces symboles selon certaines règles précises qui en garantissent la correction. Seulement, le langage algébrique est limité à la quantité ; il s'agit, en s'inspirant de son exemple, de généraliser le procédé, de manière à pouvoir ramener tout raisonnement, quel qu'en soit l'objet, à un simple calcul sur des signes, par une suite d'opérations expressément réglées. D'où les deux projets étroitement associés pour parvenir à cette nouvelle logique, unissant la généralité de la logique traditionnelle à la rigueur de l'algèbre : construire une lingua characteristica universalis et, par son moyen, un calculus ratiocinator. Cette conception audacieuse marque le passage de la logique ancienne à la logique moderne, même si la première survit longtemps à Leibniz et si la seconde ne devait se développer que bien après lui. Avec l'introduction des variables, Aristote avait créé la logique formelle ; avec la réduction du raisonnement à un calcul, on accède à une logique formaliste.

En une multitude de brouillons, de notes, d'essais, Leibniz a, durant toute sa vie, travaillé à l'élaboration de cette algèbre générale ou mathématique universelle, en abordant de diverses manières son double problème.

— Robert BLANCHÉ

Partant[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur honoraire à la faculté des lettres et des sciences humaines de Toulouse
  • : docteur ès lettres, chargé de recherche au C.N.R.S.

Classification

Médias

Algèbre de Boole - crédits : Planeta Actimedia S.A.© Encyclopædia Universalis France pour la version française.

Algèbre de Boole

Tripartition signe-sens-référence - crédits : Encyclopædia Universalis France

Tripartition signe-sens-référence

Bertrand Russell - crédits : Kurt Hutton/ Picture Post/ Getty Images

Bertrand Russell

Autres références

  • ANALOGIE

    • Écrit par , et
    • 10 427 mots
    Dès les années 1200, et pour une large période, l'analyse du phénomène logico-sémantique de l'équivocité se voit lestée de thèmes directement empruntés à Avicenne. C'est sous son influence que l'équivocité « selon l'antérieur et le postérieur » est reconnue par les logiciens (...
  • ANALYTIQUE PROPOSITION

    • Écrit par
    • 459 mots

    Le mot « analytique » a au moins trois sens.

    1. Au sens large, une proposition est dite analytique si elle est vraie en vertu de la signification des termes qu'elle contient. La simple considération des significations suffit à donner l'assurance de sa vérité. À ce sens se rattachent le...

  • ANTINOMIE

    • Écrit par
    • 372 mots

    N'est pas antinomie n'importe quelle contradiction, mais seulement celle qui joue entre des lois — soit des lois juridiques ou théologiques, soit des lois de la raison (Kant), soit des thèses déduites de lois logiques (théorie des ensembles) —, ni n'importe quel paradoxe...

  • CATÉGORIES

    • Écrit par
    • 6 071 mots
    Körner énonce encore un quatrième fait, la logique sous-jacente aux cadres catégoriaux, selon qu'elle est plus ou moins rigide. En effet, de très nombreux travaux récents ont mis en relief le fonctionnement d'une pensée constructive et stratégique, proche de la logique intuitionniste, dont les exigences...
  • Afficher les 76 références