LOGIQUE

La logique médiévale

La logique fait partie de l'enseignement dispensé dans les facultés des arts, comme troisième année du trivium. Elle est largement utilisée aussi comme moyen d'argumentation et de discussion dans les facultés supérieures, notamment celles de théologie. La longue querelle des universaux est partiellement commandée par cette division, la théologie officielle favorisant les « réaux », tandis que la doctrine des « nominaux », expressément condamnée par l'Église, visait surtout à débarrasser la logique de toute métaphysique.

Développement historique

Au début du xiie siècle, on ne connaît guère encore que les premiers livres de l'Organon. Le principal promoteur de la logique est Abélard. Inspirée de Boèce et de Priscien, sa Dialectica, qui servira longtemps de manuel, dégage le rôle de la « copule », annonce la future théorie des « conséquences », distingue expressément entre les deux façons d'entendre les propositions modales. À la fin du siècle commencera, avec une connaissance plus complète de l'œuvre d'Aristote, la période de l'ars nova, qu'on opposera alors à l'ars vetus.

Au xiiie siècle apparaissent les grands traités, dont les principaux sont les Introductiones in logicam de Guillaume de Shyreswood et les Summulae logicales de Pierre d'Espagne. Les intentions pédagogiques y sont manifestes : en témoignent l'introduction de diverses formules mnémotechniques comme barbara, celarent, darii, ferio, etc. et l'usage de procédés quasi mécaniques pour déterminer les syllogismes valables, par élimination de ceux qui violent l'une ou l'autre de quelques règles initialement posées. On introduit les modes subalternes, les syllogismes à termes singuliers (mais non la quatrième figure qui, d'origine inconnue, n'interviendra qu'à la fin du Moyen Âge) ; on cultive la logique modale, on s'intéresse aux sophismes.

Une scission s'accuse bientôt entre les antiqui et les moderni. Les premiers, attachés à la tradition, sont les grands docteurs qui intègrent la logique à ce système philosophico-théologique où Thomas d'Aquin accommode la philosophie d'Aristote à l'exposé des dogmes chrétiens. Plus hardis, les autres reprennent, sous l'impulsion de Guillaume d'Ockham, princeps nominalium, la conception d'une logique autonome, maintenue sur le plan formel de l'expression linguistique. À l'exception de Walter Burleigh, c'est à cette seconde tendance qu'appartiennent, après Ockham, les grands logiciens du xive siècle, Jean Buridan et Albert de Saxe.

Suppositions et conséquences

Les deux théories les plus originales de la logique médiévale sont celle des suppositions et celle des conséquences. La première, liée à la hiérarchie des « intentions », remplissait en partie l'office que nous demandons aujourd'hui à la distinction des niveaux du langage. La « supposition » d'un terme, c'est, au sens propre du mot, ce qui est mis sous ce terme. La principale distinction est celle de la supposition formelle (quand un terme renvoie normalement aux choses qu'il représente) et de la supposition matérielle (quand il est à lui-même son propre suppôt, comme dans « homme est un substantif »). D'autres distinctions, plus ou moins subtiles, et variant selon les auteurs, s'y ajoutaient.

Le mot de « conséquence » désigne d'abord, depuis Abélard, la proposition conditionnelle, mais bientôt aussi la validité d'un raisonnement, lequel peut s'énoncer sous la forme d'une proposition conditionnelle complexe, où la conjonction des prémisses forme l'antécédent, et la conclusion le conséquent. Pour analyser les différents sens du si ou du cum qui introduisent la condition, on est amené à distinguer[...]

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Écrit par

  • Robert BLANCHÉ : professeur honoraire à la faculté des lettres et des sciences humaines de Toulouse
  • Jan SEBESTIK : docteur ès lettres, chargé de recherche au C.N.R.S.

Classification

Pour citer cet article

Robert BLANCHÉ, Jan SEBESTIK, « LOGIQUE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

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