IMMUNITÉ, biologie

Immunités locales

Le concept d'immunité locale

La réponse immunitaire d'un organisme à un antigène de l'environnement dépend de la voie d'introduction de la substance antigénique. Injectée par voie sous-cutanée, une molécule protéique pourra déclencher la production d'anticorps spécifiques. Introduite dans la peau par voie intradermique, cette même protéine induira une réaction d'hypersensibilité de type retardé. Enfin, administrée par voie orale, elle pourra au contraire entraîner la production d'anticorps au niveau des muqueuses, ou encore une tolérance immunitaire spécifique, définie par l'absence de réaction d'hypersensibilité et de production d'anticorps sériques.

C'est à Besredka, chercheur russe travaillant à l'Institut Pasteur de Paris sous la direction de Metchnikoff, que l'on doit le concept d'immunité locale, initialement décrit comme immunité tissulaire ou « immunité sans anticorps ». Besredka avait démontré l'effet protecteur de l'administration orale du bacille de Shiga, agent de la dysenterie, et la possibilité de protéger le cobaye par inoculation intradermique, mais non souscutanée, du bacille du charbon. Pour Besredka, « chaque virus a son organe et chaque organe a son immunité ». Ce concept fut ensuite étendu à l'immunité contre le cancer, lors d'expériences où Besredka montra que l'inoculation intradermique de cellules de sarcome chez la souris aboutissait à la guérison de la tumeur, tandis que l'injection sous-cutanée du même nombre de cellules tumorales induisait un cancer de forme extensive et rapidement mortelle.

C'est au cours des dernières années que le concept d'immunité locale, longtemps critiqué, a pris une place importante dans l'étude des mécanismes immunologiques de protection de l'organisme. Les expériences chez l'animal et l'étude de la pathologie humaine ont montré que les revêtements cutanés et muqueux ne fonctionnaient pas seulement comme des barrières empêchant la pénétration d'agents infectieux et de macromolécules. Ces revêtements sont aussi des sites de « présentation » de l'antigène, à l'origine de réactions immunitaires particulières qui mettent en jeu deux secteurs du système immunitaire. Le premier, désigné par le sigle M.A.L.T. (mucocae-associated lymphoid tissue), est propre aux muqueuses et le second, appelé S.A.L.T. (skin-associated lymphoid tissue), ou encore S.I.S. (skin immune system), correspond à la peau. Il conviendrait d'y ajouter certains territoires où les réactions immunologiques diffèrent de celles qui sont observées dans le reste de l'organisme, notamment le placenta et le système nerveux central.

L' initiation de la réponse immunitaire dans l'épiderme fait intervenir essentiellement des cellules ayant pour fonction de capter l'antigène et de le présenter aux lymphocytes T. Il s'agit des cellules de Langerhans, issues de la moelle hématopoïétique, localisées dans l'épiderme et susceptibles, après stimulation antigénique, de pénétrer dans le derme et de migrer vers le ganglion lymphatique régional où elles forment les cellules interdigitantes dans le cortex profond. En outre, les autres cellules épidermiques, les kératinocytes, peuvent produire un ensemble de médiateurs ou cytokines (analogues des interleukines 1 et 3), des interférons, des facteurs stimulant les colonies granulocytaires et monocytaires ainsi que des anticytokines. Les unes ont un rôle amplificateur, les autres un effet suppresseur de la réaction des lymphocytes T ou des cellules tueuses naturelles NK.

Le micro-environnement cutané, qui a souvent été comparé à celui du thymus, crée des conditions très favorables au développement d'une réponse immunitaire cellulaire, T-dépendante, sans production[...]

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Écrit par

  • Joseph ALOUF : membre titulaire de l'Académie nationale de pharmacie, professeur honoraire à l'Institut Pasteur, Paris, directeur de recherche honoraire au C.N.R.S., professeur à l'Institut Pasteur de Lille
  • Michel FOUGEREAU : professeur à la faculté des sciences de Luminy, université d'Aix-Marseille-II
  • Dominique KAISERLIAN-NICOLAS : docteur ès sciences, chargée de recherche à l'I.N.S.E.R.M. (U 80)
  • Jean-Pierre REVILLARD : professeur d'immunologie à l'université de Lyon-I-Claude-Bernard

Classification

Pour citer cet article

Joseph ALOUF, Michel FOUGEREAU, Dominique KAISERLIAN-NICOLAS, Jean-Pierre REVILLARD, « IMMUNITÉ, biologie », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

Média

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