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IMMUNITÉ, biologie

Immunoglobulines

Nous venons de voir que le système immunitaire produit des molécules capables d'identifier « soi » et « non-soi » : ce sont les anticorps ou immunoglobulines, Ig en abrégé. Ils peuvent être soit libres dans l'organisme et véhiculées par le courant circulatoire, soit attachées aux lymphocytes (de type B) qui les produisent.

La spécificité de la reconnaissance, posée en termes rigides (à chaque antigène son anticorps), conduit à une difficulté majeure : pour reconnaître spécifiquement tous les antigènes potentiels, cela implique que le système immunitaire puisse produire un nombre astronomique d'anticorps différents. Or les 1020 molécules d'immunoglobulines ne sont pas toutes différentes, et on estime qu'elles se regroupent en moins de 108 espèces moléculaires d'anticorps de spécificités distinctes. Le nombre potentiel d'antigènes étant considérablement plus élevé et chaque antigène renfermant, de plus, une mosaïque de déterminants antigéniques, on est amené à penser qu'une même molécule d'anticorps peut reconnaître plusieurs structures antigéniques différentes, mais présentant entre elles une certaine parenté conformationnelle. Cela revient à dire que le système de reconnaissance immunitaire est partiellement dégénéré.

Néanmoins, les 108 espèces moléculaires différentes d'anticorps sont produites par autant de catégories de lymphocytes B distincts. Il a été postulé, au cours des années 1950, par Burnet et Jerne que les lymphocytes étaient groupés en clones, un clone étant un ensemble de cellules identiques, descendantes d'une même cellule initiale et exprimant les mêmes potentialités génétiques. Chaque clone synthétisant une espèce d'immunoglobuline, et une seule, est sélectivement stimulé par l'antigène que reconnaît l'immunoglobuline qu'il exprime. Cette conception, largement vérifiée depuis lors par les faits, est connue sous le nom de théorie clonale.

La difficulté suivante rencontrée par le problème du répertoire est d'ordre génétique. Les immunoglobulines étant des protéines, elles sont nécessairement « codées » dans l'ADN des chromosomes. On voit immédiatement que les 108 molécules d'immunoglobulines différentes ne peuvent être codées chacune par un gène distinct, puisqu'on estime que le nombre total des gènes de structure chez l'homme est de l'ordre d'une trentaine de mille. C'est donc un mécanisme génétique particulier qui doit expliquer l'origine de la diversité des anticorps.

Enfin, outre les fonctions de reconnaissance, les immunoglobulines peuvent exprimer d'autres fonctions, dites effectrices (cf. infra, Immunocytes). Le nombre, extrêmement restreint, des fonctions (par exemple, la fixation du complément, la bactériolyse, etc.) contraste avec le nombre, très grand, des structures de reconnaissance. Cela implique que cette dualité opérationnelle (reconnaissance et fonctions effectrices) doit être sous-tendue par une dualité structurale des molécules d'immunoglobulines, elle-même dictée par une organisation particulière des gènes qui les codent pour l'ensemble du système selon le schéma : 1 gène → 1protéine → 1 fonction.

Rappelons que les protéines sont composées d'une ou de plusieurs chaînes polypeptidiques, chacune constituée par un enchaînement, ou séquence univoque d'acides aminés, définissant la structure primaire. L'organisation dans l'espace de cette ou de ces chaînes constitue la structure tridimensionnelle, forme sous laquelle s'exercent les fonctions des protéines. Les immunoglobulines, dont on connaît depuis longtemps la nature protéique, sont caractérisées par leur extrême hétérogénéité, ce qui rend leur analyse très difficile.

En règle, un antigène stimule toujours[...]

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Écrit par

  • : membre titulaire de l'Académie nationale de pharmacie, professeur honoraire à l'Institut Pasteur, Paris, directeur de recherche honoraire au C.N.R.S., professeur à l'Institut Pasteur de Lille
  • : professeur à la faculté des sciences de Luminy, université d'Aix-Marseille-II
  • : docteur ès sciences, chargée de recherche à l'I.N.S.E.R.M. (U 80)
  • : professeur d'immunologie à l'université de Lyon-I-Claude-Bernard

Classification

Pour citer cet article

Joseph ALOUF, Michel FOUGEREAU, Dominique KAISERLIAN-NICOLAS et Jean-Pierre REVILLARD. IMMUNITÉ, biologie [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Système immunitaire - crédits : Planeta Actimedia S.A.© Encyclopædia Universalis France pour la version française.

Système immunitaire

Immunoglobuline IgG1 humaine : modèle linéaire - crédits : Encyclopædia Universalis France

Immunoglobuline IgG1 humaine : modèle linéaire

Immunoglobuline IgG1 humaine : représentation tridimensionnelle - crédits : Encyclopædia Universalis France

Immunoglobuline IgG1 humaine : représentation tridimensionnelle

Autres références

  • SYSTÈME IMMUNITAIRE (ORIGINES DU)

    • Écrit par Gabriel GACHELIN
    • 2 008 mots

    Dans le monde animal, tous les organismes multicellulaires, y compris l'homme, possèdent la capacité de se défendre contre les bactéries et les virus pathogènes. Pour ce faire, l'animal doit reconnaître l'« étranger », sans le confondre avec les cellules de son propre corps, puis l'éliminer...

  • ALLERGIE & HYPERSENSIBILITÉ

    • Écrit par Bernard HALPERN, Georges HALPERN, Salah MECHERI, Jean-Pierre REVILLARD
    • 12 574 mots
    • 2 médias
    ...le B.C.G. ou à un convalescent d'infection tuberculeuse déterminera une lésion tissulaire inflammatoire intense pouvant aller jusqu'à la nécrose. Il apparaît ainsi qu'uneimmunité accrue contre l'infection tuberculeuse a, comme corollaire, une augmentation de la sensibilité à la tuberculoprotéine.
  • ANTICORPS ET IMMUNITÉ HUMORALE

    • Écrit par Gabriel GACHELIN
    • 202 mots

    En 1888, à Paris, Émile Roux et Alexandre Yersin démontraient que le pouvoir pathogène du bacille diphtérique était dû à une toxine plutôt qu'à la bactérie elle-même. Cette observation fut rapidement étendue au cas du tétanos. Il fallut deux ans à Emil Von Behring à Berlin...

  • ANTIGÈNES

    • Écrit par Joseph ALOUF
    • 7 382 mots
    • 5 médias

    Dans son acception la plus générale, le terme antigène désigne toute espèce moléculaire d'origine biologique ou synthétique qui, au contact de cellules appropriées du système immunitaire d'un organisme animal donné, appelé hôte ou receveur, est reconnue par ces cellules et provoque un processus...

  • CALENDRIER VACCINAL

    • Écrit par Gabriel GACHELIN
    • 2 597 mots
    • 1 média
    Le bloc vaccinal obligatoire a pour but d’assurer une immunité solide des enfants jusqu’à l’entrée à l’école primaire et sans doute bien au-delà, même si la durée de l’immunité acquise varie d’un sujet à un autre. La pratique des rappels, tout comme celle de la primovaccination chez des sujets adultes...
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Voir aussi