Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

HISTOIRE (Histoire et historiens) Sources et méthodes de l'histoire

  • Article mis en ligne le
  • Modifié le
  • Écrit par

Moyen Âge : l'autorité de l'Église face à la critique des sources

Hugues Capet - crédits : VISIOARS/ AKG-images

Hugues Capet

L'historiographie médiévale se cristallise dans des genres convenus, les annales, les chroniques universelles, les chroniques locales. Dans cette tradition, la foi semble être le premier critère d'acceptation des sources de l'histoire, et les récits chrétiens constituent un socle inattaquable du récit historique. Tout d'abord, l'Ancien et le Nouveau Testament, puis les textes de la tradition ecclésiale, et enfin les vies de saints constituent autant de sources irréfutables pour lesquelles la méthode existe en tant que commentaire marginal et non comme évaluation critique. L'historien américain Patrick Geary explique comment, peu avant l'an mille, dans les monastères, des clercs ont inventé un passé idéal qui touche au mythe en retrouvant, sélectionnant, interprétant les documents accessibles et en les complétant par des faux. Il s'agissait de réformer le passé en fonction des nécessités du présent, c'est-à-dire d'asseoir l'autorité et la légitimité du pouvoir. Mais Geary nuance aussi le tableau d'une historiographie médiévale dépourvue du moindre sens critique. Progressivement, les écrits deviennent le produit de véritables entreprises collectives au sein des scriptorium monastiques. Les moines de Reims, de Fleury (Saint-Benoît-sur-Loire), de Saint-Denis archivent, copient, classent. Cet effort documentaire a parfois laissé des traces telles que les notes de Guillaume de Malmesbury (De Gestis regum Anglorum) qui visite les monastères britanniques (1115-1135), ou le souvenir de la mission confiée à Nicolas de Senlis (1202-1203) pour rechercher dans toutes les « bonnes » abbayes de France les textes sur Charlemagne. Ainsi, les chroniques s'écrivent, pour une large part, à partir des documents et des archives gardées dans les grandes abbayes, qui sont alors les sources de la tradition historiographique. Il en va ainsi des chroniques de Saint-Denis, devenues Les Grandes Croniques de France (1274) au service de la monarchie capétienne : elles s'appuient largement sur les documents archivés au sein de l'abbaye.

Chroniques de Froissart - crédits : Rischgitz/ Hulton Archive/ Getty Images

Chroniques de Froissart

Lorsque l'écriture de l'histoire échappe au monopole ecclésiastique, à la fin du xiiie siècle, avec l'écriture de l'histoire par des laïcs au service des princes, commence à réapparaître le recours aux témoignages. L'œuvre du chroniqueur français Jean Froissart (1337 env.-apr. 1404) abonde en notations sur ce qu'il a vu et en véritables entretiens recueillis peu après les événements relatés au fil de la guerre de Cent Ans. Et si les différentes versions des Chroniques de France, d'Engleterre et des païs voisins (1370-1376 à 1383-après 1400) témoignent des variations des sympathies partisanes de l'auteur, la juxtaposition de plusieurs versions d'un même événement ne relève pas de la confusion mais de la recherche d'une méthode objective.

Avec la multiplication des mémoires et des histoires au xve siècle, le providentialisme de l'historiographie s'estompe, mais les procédures d'une méthode critique restent à établir. Certes, la plupart des historiens et des chroniqueurs médiévaux distinguent les textes apocryphes des authentiques, mais « ils ne critiquaient pas des témoignages ; ils pesaient des témoins », selon l'historien Bernard Guénée.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur des Universités en histoire contemporaine, Institut d'études politiques, université de Lille-II

Classification

Pour citer cet article

Olivier LÉVY-DUMOULIN. HISTOIRE (Histoire et historiens) - Sources et méthodes de l'histoire [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Médias

Hérodote - Halicarnasse (Asie Mineure) - crédits : G. Nimatallah/ De Agostini/ Getty Images

Hérodote - Halicarnasse (Asie Mineure)

Thucydide - Athènes - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Thucydide - Athènes

Hugues Capet - crédits : VISIOARS/ AKG-images

Hugues Capet

Autres références

  • HISTOIRE (notions de base)

    • Écrit par
    • 3 161 mots

    Tandis que la physique étudie le monde sensible ou la chimie la transformation de la matière, l’histoire (mot issu d’un vocable grec signifiant « enquête ») étudie... l’histoire. La plupart des langues européennes désignent également par un même mot l’étude et l’objet de l’étude. Est-ce là une imperfection...

  • LE RÔLE SOCIAL DE L'HISTORIEN (O. Dumoulin)

    • Écrit par
    • 995 mots

    Au cours de ces dernières décennies, les scènes d'intervention de l'historien se sont multipliées. Sans changer apparemment de costume, l'historien joue de nouveaux rôles : désormais requis comme témoin ou expert sur des scènes sociales – tribunaux, médias, commissions, etc. –, qui ne sont pas a priori...

  • À DISTANCE. NEUF ESSAIS SUR LE POINT DE VUE EN HISTOIRE (C. Ginzburg) - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 1 032 mots

    À distance. C'est sous ce titre que l'édition française de l'ouvrage de Carlo Ginzburg rassemble les neuf essais qui le composent (Gallimard, Paris, 2001). Le livre est traduit trois ans après sa publication en italien chez Giangiacomo Feltrinelli Edition sous le titre d'Occhiacci...

  • L'ÂGE DES EXTRÊMES. HISTOIRE DU COURT XXe SIÈCLE (E. Hobsbawm)

    • Écrit par
    • 805 mots

    L'Âge des extrêmes (Complexe-Le Monde diplomatique, 1999) constitue le quatrième et dernier tome d'un ensemble d'ouvrages qui ont analysé le destin des sociétés depuis la fin du xviiie siècle. Le premier tome, L'Ère des révolutions, traite de la transformation du monde...

  • AGERON CHARLES-ROBERT (1923-2008)

    • Écrit par
    • 776 mots

    Historien de l'Algérie contemporaine, Charles-Robert Ageron est né le 6 novembre 1923 à Lyon. Il était issu d'une famille de petits patrons d'atelier. Son père dirigeait une modeste entreprise de mécanique. Bachelier en 1941, il s'inscrit à la faculté des lettres de Lyon où l'un de ses professeurs...

  • AGNOTOLOGIE

    • Écrit par
    • 4 992 mots
    • 2 médias

    Le terme « agnotologie » a été introduit par l’historien des sciences Robert N. Proctor (université de Stanford) pour désigner l’étude de l’ignorance et, au-delà de ce sens général, la « production culturelle de l’ignorance ». Si son usage académique semble assez circonscrit à la ...

  • Afficher les 327 références