Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

BERLIOZ HECTOR (1803-1869)

Les Troyens

<em>Les Troyens</em> de Berlioz, mise en scène de D. Tcherniakov - crédits : Pascal Victor/ ArtComPress

Les Troyens de Berlioz, mise en scène de D. Tcherniakov

Liszt et sa compagne Carolyn von Sayn-Wittgenstein sont encore à l’origine de la composition d’une nouvelle œuvre, Les Troyens. Comme l’a montré Hugh Macdonald, l’idée de cet opéra fondé sur l’Énéide de Virgile et conçue « dans le système shakespearien » remonte sans doute à 1851. La princesse Sayn-Wittgenstein, à qui il rend visite en 1855 et 1856, le pousse à se mettre à cet opéra : sans doute veut-elle le faire sortir du silence où il se tient depuis trois ans, et peut-être aussi lui montrer son soutien face à la figure montante de Wagner. Berlioz commence par le livret qu’il écrit lui-même jusqu’à l’été de 1856 ; la partition est achevée à l’automne de 1859. Dans l’intention de pouvoir diffuser plus facilement son œuvre auprès des directeurs d’opéra et du public, Berlioz se met immédiatement à la rédaction de la partition pour chant et piano.

Berlioz avait conçu son opéra comme un ensemble de cinq actes. Mais le directeur du Théâtre-Lyrique, où une partie de l’œuvre fut finalement donnée, l’oblige à revoir sa partition jugée trop longue. Les Troyens est donc divisé en deux parties, La Prise de Troie et Les Troyens à Carthage ; seule cette dernière partie sera donnée au Théâtre-Lyrique le 4 novembre 1863, et Berlioz n’entendra jamais l’œuvre dans son entier. Entre la fin de la composition des Troyens, et la représentation, il a eu le temps de composer une dernière œuvre lyrique, Béatrice et Bénédicte, un opéra-comique en deux actes, d’après Beaucoup de bruit pour rien de Shakespeare, représenté à Baden-Baden en 1863. Il a aussi travaillé à l’édition du texte musical de l’Orphée de Gluck, l’un de ses modèles pour l’écriture musicale des Troyens, arrangeant la partie d’Orphée pour la voix de contralto de Pauline Viardot (représentations données entre 1859 et 1863).

Après ces deux derniers opéras, Berlioz ne compose plus, à l’exception de quelques feuilles d’album. Sa dernière apparition en France comme chef d’orchestre date du 1er mars 1866, mais de jeunes chefs parisiens – Hainl et Pasdeloup – font entendre régulièrement sa musique. Berlioz clôt la rédaction des Mémoires, inscrivant la date du 1er janvier 1865 à la fin du Voyage en Dauphiné qu’il a accompli pour retrouver son amour d’enfance, Estelle. La nouvelle de la mort de son fils Louis, capitaine dans la marine marchande, survenue à La Havane le 5 juin 1867, provoque un effondrement : Berlioz détruit dans une crise de désespoir une grande partie de la correspondance qu’il a reçue, et sa santé, qu’une maladie d’intestin fragilise depuis longtemps, s’altère encore. Le compositeur accepte pourtant, comme un défi, l’invitation à donner une série de six concerts à Saint-Pétersbourg. C’est l’occasion pour lui de retrouver un public qui l’aime et d’approcher la jeune génération des compositeurs russes (notamment César Cui et Nikolaï Rimski-Korsakov) qui l’admire. Un an à peine après son retour de Russie, Berlioz meurt le 8 mars 1869 dans son appartement de la rue de Calais. Les hommages qui lui sont rendus lors de ses funérailles, à l’église de la Trinité, témoignent de l’importance officielle qu’il avait prise dans la vie artistique française. Pourtant, son œuvre fut rapidement éclipsée par le succès de Wagner. Et, jusqu’au « Berlioz revival » suscité en Angleterre notamment par Colin Davis à partir de l’année du centenaire de la mort du compositeur (1969), puis en France par l’Orchestre de Paris et la Bibliothèque nationale de France autour de l’année du bicentenaire de sa naissance (2003), la musique de Berlioz restera principalement connue par des exécutions de la Symphonie fantastique et de La Damnation de Faust.

— Cécile REYNAUD

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : directrice d'études, École pratique des hautes études

Classification

Pour citer cet article

Cécile REYNAUD. BERLIOZ HECTOR (1803-1869) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<em>Les Troyens</em> de Berlioz, mise en scène de D. Tcherniakov - crédits : Pascal Victor/ ArtComPress

Les Troyens de Berlioz, mise en scène de D. Tcherniakov

<em>Un concert à mitraille et Berlioz</em>, d’après J. J. Grandville - crédits : Stefano Bianchetti/ Corbis/ Getty Images

Un concert à mitraille et Berlioz, d’après J. J. Grandville

<em>Faust cherchant à séduire Marguerite</em>, E. Delacroix - crédits : Heritage Arts/ Heritage Images/ Getty Images

Faust cherchant à séduire Marguerite, E. Delacroix

Autres références

  • CORRESPONDANCE GÉNÉRALE, HECTOR BERLIOZ

    • Écrit par Jean PAVANS
    • 1 016 mots

    Entreprise à l'occasion du centenaire de sa mort (survenue le 8 mars 1869), l'édition monumentale de la correspondance générale d'Hector Berlioz, établie sous la direction de Pierre Citron et publiée à partir de 1972 par Flammarion, à Paris, s'est achevée avec un huitième volume...

  • GRAND TRAITÉ D'INSTRUMENTATION ET D'ORCHESTRATION MODERNES, Hector Berlioz

    • Écrit par Juliette GARRIGUES
    • 1 758 mots

    L'influence de Berlioz sur l'évolution de l'orchestre est considérable : en traitant celui-ci comme un instrument à part entière, en opérant une véritable révolution dans l'art d'assembler les timbres, le compositeur français apparaît comme le véritable inventeur des grandes formations...

  • SYMPHONIE FANTASTIQUE (H. Berlioz)

    • Écrit par Alain PÂRIS
    • 264 mots
    • 1 média

    La création à Paris de la Symphonie fantastique d'Hector Berlioz, le 5 décembre 1830, sous la direction de François Antoine Habeneck, est considérée comme la première date importante du romantisme musical en France. Dans cette œuvre, Berlioz fait éclater le moule classique de la symphonie...

  • LES TROYENS (mise en scène Y. Kokkos)

    • Écrit par Jean PAVANS
    • 1 162 mots
    • 1 média

    Fasciné dès l'enfance par L'Énéide, Berlioz entreprit la composition des cinq actes des Troyens en 1856, livret et musique, à l'instigation amicale de la princesse Carolyne von Sayn-Wittgenstein, alors qu'il doutait amèrement du présent comme de l'avenir de sa carrière. Il acheva son...

  • ALTO, instrument

    • Écrit par Pierre-Paul LACAS
    • 619 mots

    Instrument à cordes de la famille des violons. L'alto est légèrement plus grand que le violon ; il mesure en moyenne 67 centimètres, dont 40 pour la caisse ; les éclisses ont 4 centimètres de hauteur vers le manche et 4,2 cm au bouton de cordier. L'alto est accordé une quinte au-dessous du ...

  • CLARINETTE

    • Écrit par Juliette GARRIGUES
    • 1 360 mots
    • 7 médias
    ...bémol majeur, J 118) ainsi que dans l'ouverture de son « opéra romantique » Le Freischütz (1821), en lui confiant des parties d'une audace inouïe. Hector Berlioz, dont la connaissance et la maîtrise de toutes les ressources des instruments est incomparable, compose pour la clarinette des pages fulgurantes,...
  • COLORATION, musique

    • Écrit par Antoine GARRIGUES
    • 1 059 mots
    ...fulgurants, des cordes et des piccolos fait frissonner l'auditeur, épouvanté par des chœurs fantomatiques et des sonorités sourdes et menaçantes. En 1824, Hector Berlioz découvrira cette magie instrumentale et vocale. Comme Delacroix en peinture, Berlioz a le goût du mouvement et de la couleur. En 1843,...
  • DER FREISCHÜTZ (C. M. von Weber)

    • Écrit par Timothée PICARD
    • 1 673 mots
    • 1 média

    « Opéra romantique » en trois actes composé entre 1817 et 1821 par Carl Maria von Weber, Der Freischütz (Le Freischütz) est créé le 18 juin 1821 au Königliches Schauspielhaus de Berlin sous la direction du compositeur, avec notamment le ténor Karl Stümer (Max), la soprano Karoline Seidler...

  • Afficher les 21 références

Voir aussi