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ÉCONOMIE (Définition et nature) Objets et méthodes

La science économique est difficile à définir. Cela tient, sans doute, à ce qu'elle est beaucoup plus jeune que les autres sciences. Elle fait partie de l'ensemble des sciences sociales qu'on pourrait appeler sociologie, science qui elle-même n'est pas aisée à circonscrire avec précision.

La science est savoir, c'est-à-dire connaissance. C'est une pénétration, une prise de possession par l'esprit de certains objets du monde. Mais une question se pose alors : l'objet de la connaissance ne détermine-t-il pas la forme de cette connaissance ?

Connaître un être inanimé n'est pas la même chose que connaître un être animé, et à plus forte raison un homme ou un ensemble d'hommes. Toute science doit-elle être construite sur le même modèle et, pour accéder au titre de science, faut-il adopter le style déjà mis en valeur par les disciplines de la matière préalablement constituées ? Des analogies sont possibles, mais un mimétisme total ne serait probablement pas une perfection.

Connaissance et action

Il n'est pas possible de dater avec exactitude la naissance de la science économique. Le premier Traité d'économie politiqueparaît en 1615 ; son auteur est un mercantiliste français, conseiller du pouvoir et non pas théoricien : Antoine de Montchrestien. L'intuition d'une science économique n'apparaît qu'à la fin du xviiie siècle ; sa constitution ne se fait qu'au xixe siècle. Est-ce à dire que l'on ne se soit pas préoccupé des problèmes économiques avant 1758, ou même avant 1615 ? Certes pas. Mais s'il advenait que ces problèmes fussent soulevés, ce n'était pas pour les résoudre, c'était pour les juger.

Il est vrai que les penseurs grecs s'occupaient bien d'économie : ils ont créé le mot (de oikos, maison, et nomos, ordre) ; mais pour eux l'activité économique était seconde, servile, suspecte. L'économie était subordonnée à la politique : l'art d'administrer la cité. Au Moyen Âge, dans l'atmosphère chrétienne, l'économie était soumise à la morale ; la richesse matérielle, l'argent, le désir du lucre risquaient d'empêcher l'homme de faire son salut. L'intérêt du capital, appelé usure, était condamné. Avec la Réforme et la Renaissance, et surtout avec la formation des États, la richesse devient une étape nécessaire, comme le mot (Reich) l'indique, à l'acquisition du pouvoir.

C'est la période mercantiliste où des premiers rudiments de connaissance se mêlent à la politique. Au xvie siècle, la hausse des prix, liée à l'augmentation des quantités d'or en circulation, fait problème. Pour enrayer cette hausse, il fallait savoir à quoi elle était due. Les premières ébauches de théorie monétaire voient alors le jour (Bodin, Malestroit).

À la fin du xviie siècle, Gregory King se demande quelle relation existe entre l'augmentation des quantités de blé récolté et la chute de son cours. Son interrogation préfigure une loi. Dans la seconde moitié du xviiie siècle, l'idée d'un ordre naturel apparaît avec ceux qui se dénomment précisément les physiocrates (physiocratie veut dire « gouvernement de la nature ») : Quesnay, Turgot. Avant de prendre une décision politique, avant de proclamer une loi positive, et peut-être même pour ne pas en proclamer (« laissez faire, laissez passer »), il faut découvrir les lois naturelles. Ici la connaissance supprime l'action. Mais c'est une vue simplifiée.

Aux précurseurs de la science économique succèdent les véritables créateurs : les premiers classiques anglais, Adam Smith (1776), Malthus (1798), Ricardo (1817). On ne peut pas dire, cependant, qu'ils aient fondé une véritable science. Ils avaient trop la hantise de la grandeur britannique pour se laisser guider aveuglément par[...]

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Écrit par

  • : membre de l'Académie des sciences morales et politiques, professeur émérite à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Henri GUITTON. ÉCONOMIE (Définition et nature) - Objets et méthodes [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AGHION PHILIPPE (1956- )

    • Écrit par Olivier MARTY
    • 1 173 mots
    • 1 média

    Philippe Aghion est un économiste et universitaire français de renommée internationale. Ses travaux sur la théorie de la croissance et, plus particulièrement, sur l’importance de l’innovation dans le processus de création de richesses, sont reconnus depuis les années 1990. Qualifié de « néo-schumpétérien...

  • AKERLOF GEORGE A. (1940- )

    • Écrit par Universalis
    • 414 mots

    Économiste américain, lauréat en 2001 du prix Nobel d'économie avec Michel Spence et Joseph Stiglitz pour leurs travaux sur les marchés à information asymétrique.

    Né le 17 juin 1940 à New Haven (Connecticut), George A. Akerlof obtient sa licence à Yale en 1962 et son doctorat à l'Institut...

  • ALLAIS MAURICE (1911-2010)

    • Écrit par Universalis, Françoise PICHON-MAMÈRE
    • 1 317 mots

    C'est un économiste français aussi brillant que peu consensuel qui s'est éteint le 9 octobre 2010 à Paris. Participant en 1947 à la première réunion de la très libérale Société du Mont-Pèlerin, partisan de l'Algérie française qui dénonçait le « génocide » commis à l'encontre...

  • ANTHROPOLOGIE ÉCONOMIQUE

    • Écrit par Maurice GODELIER
    • 5 153 mots
    ...humaine ? De nombreux anthropologues, tels Herskovitz, Firth, Leclair, Burling, Salisbury reprennent à leur compte la définition de Robbins et von Mises : l'économie politique est la « science qui étudie le comportement humain comme une relation entre des fins et des moyens rares qui ont des usages alternatifs...
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Voir aussi