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ANTHROPOLOGIE ÉCONOMIQUE

L'anthropologie économique en tant que branche spécialisée des recherches anthropologiques devint possible et nécessaire au début du xxe siècle avec la découverte par Boas et Malinowski du potlatch des Indiens Kwakiutl et du kula ring des Mélanésiens de l'île de Trobiand.

Pour comprendre la portée théorique de ces découvertes, il faut revenir au Traité de la richesse des nations d'Adam Smith (1776) : « Au contraire des nations sauvages, chez les nations civilisées et en progrès, quoiqu'il y ait un grand nombre de gens tout à fait oisifs et beaucoup d'entre eux qui consomment un produit du travail décuple et souvent centuple de ce que consomme la plus grande partie des travailleurs, la somme du produit du travail de la société est si grande que tout le monde est souvent pourvu avec abondance et que l'ouvrier, même de la classe la plus basse et la plus pauvre, s'il est sobre et laborieux, peut jouir, en choses propres aux besoins et aux aisances de la vie, d'une part bien plus grande que celle qu'aucun sauvage pourrait jamais se procurer. »

À lire ce texte on ne peut douter que, pour le fondateur de l'économie politique, l'économie des peuples primitifs ne valait pas de si longues heures d'étude. Pourquoi ?

Une naissance difficile

La vision libérale et la critique marxiste

À la fin du xviiie siècle, les sociétés primitives apparaissent généralement, du moins chez les adversaires de J.-J. Rousseau, comme les vestiges témoins de l'enfance de l'Humanité, d'un stade où l'outillage technique et intellectuel ne permettait « pas encore » aux individus de produire plus que pour leurs besoins. Sans surplus pas d'échanges, sans échanges pas de monnaie. Caractérisée négativement, l'« économie naturelle » se bornait à assurer à l'humanité primitive les moyens matériels de « subsister ». Au-delà commençait l'Histoire réelle, qui devait s'achever dans l'Harmonie réglée de l'économie capitaliste fondée sur l'échange universel des biens et du travail et guidée par une « main invisible » vers les emplois les mieux assortis à l'intérêt général de la société. Cette vision cohérente ne répétait donc pas seulement les « vides » d'une information ethnologique disparate et balbutiante. Elle étalait au grand jour le « plein idéologique » des concepts de l'Économie politique, le jugement de valeur que la société bourgeoise portait sur elle-même, se concevant et se vivant comme terme du Progrès de l'Humanité et de la Civilisation.

Cependant, dès le milieu du xixe siècle, les crises économiques périodiques, la misère ouvrière chronique allaient mettre en question cette vision apologétique de la société capitaliste. Marx devait la contester de façon radicale en affirmant que le secret du dynamisme du capitalisme, le profit, n'avait d'autre origine ni d'autre contenu que l'exploitation du travail de la classe ouvrière. Par contraste, les sociétés primitives offraient désormais l'image d'un monde disparu où l'exploitation de l'homme par l'homme n'existait pas encore et justifiaient l'espoir d'un monde meilleur où elle n'existerait plus. Mais, pour Marx, et en ceci il rejoignait les principes théoriques de la vision libérale, ce trait positif des sociétés primitives n'exprimait que le bas niveau de leurs forces productives, leur incapacité à produire plus que pour leur subsistance, à dégager un surplus. Il était donc considéré comme un fait acquis que l'autarcie économique et sociale était le mode d'existence normal des communautés « primitives », ce qui expliquait leur capacité de se reproduire identiques à elles-mêmes au long des millénaires.

À peine différentes d'elles, bien qu'intégrées dans des États[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études de classe exceptionnelle à l'École des hautes études en sciences sociales

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