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ÉCONOMIE SOCIALE

Bien qu'on en trouve mention dès la fin du xviiie siècle, la notion d'économie sociale demeure encore largement méconnue, y compris par la plupart des économistes eux-mêmes comme est venu le rappeler le rapport Frémeaux (2013). Cette méconnaissance s'explique notamment par le fait que son contenu a sensiblement varié selon les auteurs et les époques, si bien que l'économie sociale n'a pas renvoyé à un objet consensuel ni produit un corpus théorique solide spécifique et largement reconnu comme tel. Aujourd'hui, l'expression sert à désigner un ensemble composé de différents types d'organisations économiques – les coopératives, mutuelles, associations, certaines fondations, les entreprises intervenant dans le domaine de l'insertion et du commerce équitable, etc. –, présentant des caractéristiques communes qui les distinguent à la fois des entreprises capitalistes et des administrations publiques.

Initialement mise en avant comme un concept rival de l'économie politique telle que Jean-Baptiste Say l'a popularisée au tout début du xixe siècle, l'économie sociale tend rapidement, sous l'influence des premiers socialistes et des réformistes sociaux, à incarner l'étude des solutions sociales contribuant à améliorer les conditions d'existence de la population. Dans les années 1860, Frédéric Le Play est un des premiers à mettre en valeur l'expression « économie sociale » pour désigner des expériences novatrices visant à répondre à des questions sociales, avant que Léon Walras, puis Charles Gide n'en fassent un des piliers d'une redéfinition de la science économique.

Au tout début du xxe siècle, lorsque Charles Gide rédige son rapport Économie sociale pour l'Exposition universelle de 1900, l'économie sociale acquiert une incontestable mais éphémère visibilité. Après une éclipse presque totale de plus d'un demi-siècle, il faut attendre les années 1970 pour que l'expression « économie sociale » resurgisse dans le paysage socio-économique, français d'abord, européen ensuite. Portées par de grandes mutuelles et coopératives qui trouvent un relais politique au sein du Parti socialiste avec Jacques Delors et Michel Rocard, la notion d'économie sociale met alors en avant une manière différente d'entreprendre, en phase avec des modèles alternatifs, comme celui de l’autogestion, et vise à promouvoir des formes d'entreprises différentes par leurs finalités, leur mode de fonctionnement et leurs parties prenantes.

Si on considère cette longue histoire brièvement évoquée du concept d’économie sociale, on peut y percevoir trois dimensions qui se complètent et expliquent la complexité de ce concept et l’incompréhension dont il pâtit parfois.

La première dimension est celle d'un mouvement social quand émerge en Europe, au tout début du xixe siècle, avec des auteurs tels que Sismondi, Owen ou Fourier, une réflexion critique dénonçant, bien avant Marx, les excès du capitalisme industriel et du modèle libéral. Apparaissent dans les décennies suivantes toutes sortes d'initiatives, plus ou moins éphémères, dont un point d'orgue intervient en 1848 avec ce qu'on appellera ensuite le « printemps des associations ». Ces initiatives très disparates ont en commun d'essayer d'apporter une solution originale aux problèmes sociaux de l'époque, tout particulièrement la paupérisation des classes paysanne et ouvrière qui accompagne l'industrialisation et la généralisation du salariat. Le mouvement social qui naît à cette époque est porté par l'idéal d'émancipation des classes populaires et repose souvent sur une forme d'utopie (dans la lignée des idées avancées par Thomas More au xve siècle avec Utopia).

La deuxième dimension est celle d'une réflexion[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences à l'université du Mans

Classification

Pour citer cet article

Éric BIDET. ÉCONOMIE SOCIALE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AGRICULTURE URBAINE

    • Écrit par Jean-Paul CHARVET, Xavier LAUREAU
    • 6 273 mots
    • 8 médias
    ...conventionnel ou de type start-up– faisantappelàducapital-risqueextérieuraumondeagricole.Localement, des apports de financement relevant de l’économie sociale ou solidaire jouent également un rôle majeur. Les pouvoirs publics peuvent aussi intervenir pour favoriser le développement de la fonction...
  • ASSOCIATION

    • Écrit par Jean-Marie GARRIGOU-LAGRANGE, Pierre Patrick KALTENBACH
    • 7 084 mots
    Plus important, c'est à l'initiative de Michel Rocard, à l'époque ministre du Plan, que l'union d'économie sociale (U.E.S.) est venue compléter le droit associatif français pour désigner : « Les coopératives, les mutuelles et celles des associations dont les activités de production...
  • COMMUNS

    • Écrit par Cécile EZVAN
    • 4 050 mots
    • 4 médias

    Les communs peuvent concerner des ressources fort diverses : jardins partagés, zones de pêche, logiciels libres, encyclopédies ouvertes, coopératives de travail, gestion collective de l’eau ou des déchets, protection d’une langue traditionnelle… Une telle diversité d’exemples et de perspectives...

  • ÉCONOMIE CIRCULAIRE

    • Écrit par Cécile EZVAN
    • 4 905 mots
    • 3 médias
    ...présence d’« îlots de circularité » à l’échelle d’un territoire, d’une filière, d’un collectif d’acteurs autour de la permaculture, de l’agroécologie ou de l’économie sociale et solidaire. Ces îlots prennent pour l’instant la forme de projets urbanistiques (comme la réhabilitation des anciennes friches du...
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Voir aussi