Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

DIASPORA

La diaspora arménienne

La chute de la dynastie des Bagratides, les invasions répétées des tribus turques et de violents séismes comme celui qui en 1319 détruisit Ani, la capitale arménienne, poussèrent une multitude d'Arméniens à quitter leur berceau historique. L'immigration fut tellement forte dans certaines régions qu'un nouveau royaume, la Petite Arménie, fut établi en Cilicie (1078-1375) dans le golfe d'Alexandrette, sur la côte méditerranéenne. Bien plus tard, Shah Abbas Ier (1571-1629) obligea les Arméniens qu'il avait déportés du Nakhitchevan à s'installer dans sa capitale, Ispahan, élargissant ainsi les communautés arméniennes vivant au-delà du plateau d'Arménie.

Vivant en terres étrangères, dispersés dans les métropoles d'Europe et jusqu'en Asie, les communautés arméniennes surent à la fois préserver et enrichir leur identité grâce à la spécificité de leur religion, incarnée par l'Église apostolique arménienne, au maintien de leur langue et leur littérature, à une activité artisanale et commerciale propre, ainsi qu'à un réseau de soutien. Il jetaient ainsi à leur tour les bases d'une diaspora.

En l'absence de structure étatique, ces communautés jouèrent un rôle fondamental dans l'évolution et la perpétuation de l'identité arménienne. L'Église, unique institution nationale ayant survécu à l'effondrement du royaume, eut en ce sens un rôle central. Reconnue dans le cadre du système ottoman du millet (les groupes ethniques de l'Empire, définis selon l'appartenance confessionnelle), elle gérait les questions internes à la communauté. Les pères mekhitaristes, catholiques, jouèrent un rôle essentiel dans le renouveau de la culture arménienne depuis les monastères de Venise, sur l'île Saint-Lazare, et de Vienne. Des marchands et des artisans de Calcutta, d'Ispahan, de Tiflis et d'Istanbul apportèrent leur soutien à diverses institutions communautaires (journaux, écoles, hôpitaux).

Lorsque l'ère du nationalisme émergea au xixe siècle, les communautés arméniennes ne disposaient pas d'un État dans lequel un projet nationaliste puisse naître. Elles possédaient néanmoins des institutions collectives, étaient sensibles à la question nationale et, surtout, souffraient de discriminations, voire de mesures répressives, propres à faire naître un sentiment d'identité fort et à ouvrir la voie du nationalisme. La langue vulgaire moderne fut codifiée à la fin du xixe siècle et se divisa en deux langues distinctes : l'arménien oriental, essentiellement pratiqué dans l'Empire russe, et l'arménien occidental, utilisé dans l'Empire ottoman. Les étudiants arméniens qui étaient partis faire leurs études à Paris ou à Berlin retournèrent dans leur communauté influencés par les idées révolutionnaires. Ils créèrent alors des partis nationalistes et socialistes, comme le Parti social démocrate Hentchak et la Fédération révolutionnaire arménienne Dachnak, qui revendiquaient surtout une réforme de l'Empire ottoman permettant de garantir l'égalité entre tous ses citoyens. L'Union générale arménienne de bienfaisance (U.G.A.B.), fondée au Caire en 1906 dans le but de devenir la plus grande association arménienne à but non lucratif, soutint des projets culturels et éducatifs arméniens dans le monde entier.

Le génocide perpétré en 1915 par le gouvernement Jeune-Turc contre les Arméniens de Turquie mit un terme à la présence ininterrompue des Arméniens dans leur région historique. Les survivants vinrent grossir les rangs de la diaspora. D'importantes communautés arméniennes apparurent alors en Syrie, au Liban, ainsi qu'en Grèce et en France. Beyrouth, la capitale libanaise, devint l'un des foyers de la vie sociale et de la culture arméniennes jusqu'à ce[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Spyros ASDRACHAS, Vicken CHETERIAN, Kamel DORAÏ, Universalis, Thibaut JAULIN, Claudine LOMBARD-SALMON, Raoul VANEIGEM et Emmanuel ZAKHOS-PAPAZAKHARIOU. DIASPORA [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Intégration des immigrants aux États-Unis - crédits : MPI/ Getty Images

Intégration des immigrants aux États-Unis

Autres références

  • ANTHROPOLOGIE DES DIASPORAS

    • Écrit par Anne-Christine TRÉMON
    • 1 792 mots

    L’anthropologie des diasporas a connu un développement considérable depuis les années 1990. Cet essor a été favorisé par l’extension sémantique du terme « diaspora », qui bien au-delà des diasporas paradigmatiques juive et arménienne, s’est progressivement appliqué aux descendants de populations noires...

  • DIASPORAS URBAINES

    • Écrit par Anne-Christine TRÉMON
    • 1 588 mots
    • 1 média

    Ce qui caractérise la ville – coprésence d’étrangers, effervescence de la vie sociale, intensité des relations avec d’autres localités – tient, entre autres, à la présence de diasporas.

    Dès l’apparition des premières villes, des communautés de marchands forment des réseaux interconnectés...

  • ARMÉNIE

    • Écrit par Jean-Pierre ALEM, Françoise ARDILLIER-CARRAS, Christophe CHICLET, Sirarpie DER NERSESSIAN, Universalis, Kegham FENERDJIAN, Marguerite LEUWERS-HALADJIAN, Kegham TOROSSIAN
    • 23 765 mots
    • 13 médias
    Sur environ 7 millions d'Arméniens, près de la moitié vit en diaspora. Survivants des massacres de 1894 et 1915, rescapés des guerres de 1917-1921, ils se sont fixés essentiellement au Moyen-Orient et en France. C'est au Moyen-Orient qu'ils ont conservé leur cohésion grâce à leurs institutions calquées...
  • EXIL LITTÉRATURES DE L'

    • Écrit par Albert BENSOUSSAN
    • 3 314 mots
    • 6 médias
    La diaspora juive venue d'Orient situe son exil à une autre échelle, celle de l'identité : Albert Cohen, natif de Corfou, éduqué à Marseille, avocat à Genève, inventera pour le xxe siècle la métaphore absolue où les écrivains juifs de langue française se reconnaîtront, en installant...
  • HISTOIRE ATLANTIQUE

    • Écrit par Clément THIBAUD
    • 3 728 mots
    • 2 médias
    Parallèlement, l'histoire atlantique s'est emparée du concept de diaspora, très utilisé dans les sciences humaines. Les historiens anglophones, comme Paul Gilroy (L'Atlantique noir, modernité et double conscience, 2003), soulignent l'importance des diasporas africaines dans la formation...
  • IRAN - Géographie

    • Écrit par Bernard HOURCADE
    • 5 178 mots
    • 5 médias
    ...économique chronique, la capitale est en effet la seule région du pays à avoir un embryon de culture internationale et une dynamique industrielle moderne. La diaspora iranienne joue un rôle incontestable, mais limité à une élite urbaine, pour compenser la faiblesse des relations culturelles internationales...
  • Afficher les 11 références

Voir aussi