ISTANBUL
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Byzance, Constantinopolis, Konstantiniyye, Istanbul, les dénominations de la « Seconde Rome », principale agglomération de la Turquie actuelle (avec 12,9 millions d'habitants à la fin de 2009), ont changé au fil des siècles et varient encore selon les auteurs et les points de vue. Par-delà ces fluctuations onomastiques, une réalité demeure, celle d'un organisme urbain complexe remontant au moins au viie siècle avant J.-C. et bénéficiant d'un site et d'une situation remarquables, diversement investis et réaménagés à travers les siècles. Le site combine l'acropole de la péninsule historique – une des sept collines de la ville antique –, qui domine, à plus de 40 mètres, l'extraordinaire abri naturel qu'offre la Corne d'or, ria de 6 kilomètres de profondeur, et l'entrée du Bosphore (ou son débouché sur la mer de Marmara). Vaste déchirure structurale de près de 30 kilomètres de longueur, formée entre les ères secondaire et tertiaire, le Bosphore, qui relie la mer Noire à la mer de Marmara (petite mer intérieure de 11 000 kilomètres carrés, fermée à l'ouest par le détroit des Dardanelles), est une des composantes clés de la situation d'Istanbul, à un carrefour de voies terrestres et maritimes, entre Balkans et Moyen-Orient, monde pontique et monde méditerranéen. Ce site explique le caractère éclaté et pluriel de la structure urbaine où deux couples d'opposition sont repérables : de part et d'autre du Bosphore, ville européenne-ville asiatique (avec les quartiers d'Üsküdar et de Kadıköy) et, sur la rive européenne, de part et d'autre de la Corne d'or, Stamboul-Beyoğlu (en termes ottomans).
Turquie : carte administrative
Carte administrative de la Turquie.
Crédits : Encyclopædia Universalis France
Localisée entre 410 et 400 de latitude nord, la région d'Istanbul forme un vaste isthme au relief accidenté – entre mer Noire et mer de Marmara, à la croisée des influences pontiques, balkaniques, anatoliennes et égéennes. La couverture végétale, d'une grande richesse potentielle en espèces, a été malmenée et bouleversée au fil des siècles, reculant sous les coups de l'urbanisation à tel point que, désormais, les ressources en eau du nord-ouest (la partie européenne de la Turquie), exploitées depuis l'Antiquité, sont sérieusement menacées.
La « ville de Constantin »
Peu de souverains ont fait l'objet de discussions aussi passionnées que Constantin. La création de Constantinople n'a pas échappé à ces controverses : l'empereur a-t-il voulu remplacer Rome, ou la dédoubler, ou simplement laisser après lui une grande cité qui portât son nom ? La question n'est pas tranchée. Ce qui est certain, c'est que depuis le iiie siècle les empereurs résidaient de moins en moins à Rome, qui était trop loin des frontières, isolée dans une Italie en pleine décadence, à l'écart de l'axe commercial Rhin-Danube, qui avait supplanté l'axe méditerranéen. Sans doute, si Constantin, qui avait déjà plusieurs fois changé de résidence pour des raisons stratégiques, a finalement choisi en 324 la vieille cité grecque de Byzance fondée par des colons de Mégare en 658-657 avant J.-C., c'est que l'intérêt de sa position lui avait été démontré par la campagne de 322-323 contre Licinius : à condition d'être suffisamment fortifiée, elle pouvait constituer une excellente base pour les opérations militaires sur le bas Danube, qui était alors la frontière la plus vulnérable. D'autre part, si Constantin cherchait une ville apte à un grand développement économique, située au croisement de plusieurs grandes routes commerciales, plus facile à ravitailler que Rome en blé d'Égypte, en produits manufacturés d'Asie – voire en fonctionnaires (grâce à la proximité des centres intellectuels de l'Orient) –, il ne pouvait trouver mieux que Byzance, admirablement établie sur un promontoire facile à défendre et pourvue du port naturel très sûr qu'était l'estuaire ennoyé de la Corne d'Or. Si l'empereur avait simplement voulu créer en Orient une base stratégique inexpugnable, il n'aurait pas conçu pour elle un plan aussi colossal, il n'aurait pas cherché à y attirer en masse de nouveaux habitants – en particulier des membres du Sénat romain – en étendant à son sol les privilèges de l'ancienne Rome, tels que le ius italicum et l'annone, cette dernière attribuée à tout possesseur d'un immeuble nouvellement bâti.
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Écrit par :
- José GROSDIDIER DE MATONS : maître assistant à l'École pratique des hautes études
- Jean-François PÉROUSE : enseignant-chercheur, université de Toulouse Jean Jaurès
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Pour citer l’article
José GROSDIDIER DE MATONS, Jean-François PÉROUSE, « ISTANBUL », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 13 août 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/istanbul/