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COGNITION

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Réaction réfléchie et automatique

Sommes-nous toujours conscients des « raisons » qui nous conduisent à produire telle réponse à une situation ou, à l'inverse, notre système cognitif ne peut-il pas, à certains moments, décider à notre insu de répondre aux sollicitations extérieures sur la base du stock de connaissances acquis et des expériences antérieures ? La question qui concerne ici la nature consciente et inconsciente de notre cognition fut rapidement posée par les pionniers des sciences cognitives plus souvent sous la forme d'une opposition fonctionnelle entre deux types de processus : automatiques et contrôlés, permettant ainsi de mieux différencier la conception cognitive de la conception psychanalytique. Au sein des théories de la cognition, les processus automatiques sont définis comme des mécanismes intervenant très précocement lors du traitement de l'information ; ils sont peu exigeants sur le plan de l'énergie cognitive et s'établissent sans intention ni conscience de la part de l'individu qui ne peut pas les réprimer. À l'inverse, les processus contrôlés interviennent dans des délais plus longs, ils sont dispendieux en énergie cognitive et leur contenu accède généralement à la conscience du sujet. Cette dichotomie, bien que rudimentaire, dessine à grands traits le fonctionnement de la pensée. Les phénomènes de perception subliminale ou de mémoire implicite rendent bien compte du caractère non intentionnel, inconscient ou automatique de notre cognition. En effet, très tôt, des études ont mis en évidence que nous étions capables de percevoir ou d'utiliser notre mémoire sans avoir conscience de réaliser un acte mental de cette nature. Notre cognition, et notamment notre mémoire, est capable, à notre insu, d'utiliser des informations préalablement engrangées dans notre stock de connaissances et qui vont ultérieurement biaiser notre traitement de l'information sans que nous en prenions conscience. C'est ce qui a été démontré expérimentalement en 1985 par P. Graf et D. Schacter sur des patients amnésiques : ceux-ci ont, malgré la nature de leurs troubles, une forme de mémoire performante que l'on nomme « mémoire implicite ». En effet, de nombreuses études ont montré que ces patients augmentaient leurs performances mnésiques au cours de tests ne sollicitant pas explicitement l'utilisation de leur mémoire, durant lesquels les individus sains et amnésiques ont implicitement et automatiquement utilisé les informations que les expérimentateurs leur avaient préalablement présentées au cours de la période d'apprentissage. Si, au moment de cette phase d'étude ou d'apprentissage, on propose à l'individu les mots « myrtille » et « figue », la probabilité pour que, dans une seconde étape du test, ils produisent ces mêmes termes en réponse à l'indice « fruits » est très élevée alors que ces mots ne sont pourtant pas des exemplaires prototypiques de cette catégorie sémantique, contrairement aux vocables « pomme » ou « poire ». C'est le phénomène de mémoire implicite, dont on a montré la résistance aux pathologies neuropsychologiques et psychiatriques (amnésies, schizophrénies, troubles dépressifs), alors que la mémoire explicite, c'est-à-dire la mémoire consciente nécessitant la mise en place de stratégies de recherche active en mémoire et la survenue d'un souvenir, est altérée par ces mêmes troubles.

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Pour citer cet article

Chrystel BESCHE-RICHARD et Raymond CAMPAN. COGNITION [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

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