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BERNARD CLAUDE (1813-1878)

Claude Bernard - crédits : Apic/ Getty Images

Claude Bernard

Xavier Bichat (1771-1802) donnait encore la prédominance à l'anatomie sur la physiologie puisqu'il attribuait une fonction différente à chacun des tissus de l'organisme. Claude Bernard montra qu'une même fonction (la respiration, par exemple) peut se retrouver dans plusieurs tissus et qu'inversement une seule fonction (la digestion, par exemple) peut mettre en œuvre plusieurs tissus (les muqueuses gastrique et intestinale, les glandes salivaires, stomacales et pancréatiques, le foie, etc.). Désormais, la physiologie dominera l'anatomie ; mais, pour expliquer rationnellement le fonctionnement de l'organisme, la physiologie « générale » devra intégrer de nombreuses données anatomiques, histologiques, physico-chimiques et cellulaires. Claude Bernard fut ainsi le principal initiateur de la « révolution physiologique » qu'il décrivit lui-même très lucidement : « de tous les points de vue en biologie, la physiologie expérimentale constitue à elle seule la science vitale active, parce qu'en déterminant les conditions d'existence des phénomènes de la vie, elle arrivera à s'en rendre maître et à les régir par la connaissance des lois qui leur sont spéciales » (Introduction à l'étude de la médecine expérimentale, 1865).

Une vie consacrée à la physiologie

Claude Bernard naît le 12 juillet 1813 à Saint-Julien-en-Beaujolais, près de Villefranche-sur-Saône, dans une famille de vignerons aux ressources modestes. À dix-neuf ans, étant dans l'obligation de gagner sa vie, il entre comme employé d'officine, élève-apprenti en pharmacie, chez l'apothicaire Millet, à Lyon. Il y fait office de préparateur et constate que les médicaments proposés à l'époque sont le fruit de règles purement empiriques ou de traditions sans rationalité apparente. En dehors de ses heures de travail, il compose un vaudeville, Rose du Rhône, qui sera joué à Lyon, puis une tragédie, Arthur de Bretagne, qu'il se propose de faire jouer dans la capitale.

C'est pour cela qu'en 1834, manuscrit en poche, il « monte » à Paris. Mal accueilli par les critiques d'art dramatique, il se résout finalement à faire des études de médecine. Il doit donner des leçons pour subsister. Externe (en 1837) puis interne des Hôpitaux de Paris (en 1839), il entre dans le service du professeur Magendie, à l'Hôtel-Dieu.

François Magendie (1783-1855), professeur de médecine expérimentale au Collège de France, membre de l'Académie des sciences, eut une influence décisive sur la carrière de Claude Bernard qui devint en 1840 son préparateur au Collège de France. Dans ses Leçons sur le sang, publiées en 1837, Magendie témoignait d'un grand scepticisme devant les spéculations purement théoriques : « Éclairons, par toutes les lumières que nous fournit l'époque où nous vivons, la pathologie : au lieu de la simple et stérile annotation des signes, créons la médecine expérimentale qui nous révélera sans doute le mécanisme des altérations morbides, et dès lors il nous sera possible d'attaquer avec vigueur les causes de ces altérations, de les modifier et même de les prévenir. »

Claude Bernard, qui fut bien le disciple de Magendie et le continuateur de son œuvre, n'exerça jamais la médecine mais consacra sa vie à la recherche en physiologie. Il reprit l'enseignement de son maître au Collège de France en 1847, et sa chaire en 1855.

Il avait épousé en 1845 la fille d'un médecin parisien, Marie-Françoise Martin, qui lui donna quatre enfants (dont deux moururent en bas âge). Cette union ne fut pas heureuse. Son épouse, catholique intransigeante, tracassière, s'élevait avec vigueur contre les expériences de vivisection réalisées par son mari et lui intenta même un procès à ce sujet. Le couple se sépara en 1864.

Si sa vie privée fut un échec, la[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire de biologie cellulaire, université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie

Classification

Pour citer cet article

Paul MAZLIAK. BERNARD CLAUDE (1813-1878) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Claude Bernard - crédits : Apic/ Getty Images

Claude Bernard

Autres références

  • CLAUDE BERNARD : CONCEPT DE MILIEU INTÉRIEUR

    • Écrit par François CHAST
    • 243 mots

    Claude Bernard (1813-1878) écrit en 1855 : « On s'est longtemps fait une très pauvre idée de ce qu'est un organe sécrétoire. L'histoire du foie et de sa fonction glycogénique établit [...] qu'il y a des sécrétions internes, dont le produit, au lieu d'être déversé à l'extérieur,...

  • CLAUDE BERNARD : ŒUVRES - (repères chronologiques)

    • Écrit par François CHAST
    • 267 mots

    1843 Du suc gastrique et de son rôle dans la nutrition.

    1848 « De l'origine du sucre dans l'économie animale », in Arch. Gén. Méd.

    1849 « Du suc pancréatique et de son rôle dans les phénomènes de digestion », in Mém. Soc. Biol.

    1850 « Recherches sur le curare », in ...

  • INTRODUCTION À L'ÉTUDE DE LA MÉDECINE EXPÉRIMENTALE (C. Bernard)

    • Écrit par Jean-Gaël BARBARA
    • 980 mots
    • 1 média

    L’Introduction à l’étude de la médecine expérimentale est une œuvre importante de méthodologie scientifique publiée en 1865 par Claude Bernard, professeur au Collège de France, considéré comme le fondateur de l’école de physiologie française. De manière assez paradoxale, l’Introduction...

  • MÉDECINE EXPÉRIMENTALE : CLAUDE BERNARD

    • Écrit par Pascal DURIS
    • 228 mots
    • 1 média

    Mise en œuvre dès le xviie siècle dans les sciences physiques puis dans les sciences chimiques à la fin du xviiie siècle, la méthode expérimentale fut appliquée à la médecine par le physiologiste français Claude Bernard (1813-1878). S'appuyant sur des exemples concrets puisés dans sa...

  • CHARCOT JEAN-MARTIN (1825-1893)

    • Écrit par Jean-Gaël BARBARA
    • 3 047 mots
    • 3 médias
    Cette conception de la maladie apparaît aujourd’hui correcte, mais elle rencontra les critiques de Claude Bernard. Ce dernier entendait que la physiologie soit non seulement la base essentielle de la médecine scientifique, mais qu’elle soit aussi à même de définir tôt ou tard chaque pathologie par...
  • CHIRURGIE

    • Écrit par Claude d' ALLAINES, Jean-Édouard CLOTTEAU, Didier LAVERGNE
    • 8 668 mots
    • 5 médias
    C'est Claude Bernard (1813-1878) qui introduisit la méthode expérimentale dans la recherche médicale. Claude Bernard n'était pas médecin, mais physiologiste ; il fit comprendre l'importance du raisonnement expérimental et de l'expérimentation sur l'animal. C'est grâce à cette expérimentation que les...
  • DÉTERMINISME

    • Écrit par Étienne BALIBAR, Pierre MACHEREY
    • 9 713 mots
    ...écrit, dans un article nécrologique où il tentait de mettre en valeur les points d'accord entre les philosophies biologiques de Comte et de Bernard : « Déterminisme, mot de l'ancienne métaphysique que Claude Bernard a introduit en physiologie. » Cette migration théorique va de la philosophie...
  • ENDOCRINIEN SYSTÈME

    • Écrit par René LAFONT
    • 5 266 mots
    • 7 médias

    La coordination des activités au sein d'un organisme pluricellulaire nécessite l'existence de « dialogues » entre les différentes cellules qui le constituent. Cette communication peut se réaliser selon trois grandes modalités : communication directe, grâce à l'existence de jonctions...

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Voir aussi