CALCUL INFINITÉSIMAL Histoire

Le Moyen Âge

Le relais arabe

Dans le monde grec, Archimède n'eut ni disciple ni successeur véritable ; seuls, quelques commentateurs, tel Eutocius au début du vi e siècle, ont contribué à maintenir le souvenir de son œuvre, sans toutefois pouvoir apprécier celle-ci dans l'intégralité de sa rigueur. En revanche, dès le ix e siècle, les mathématiciens arabes réussirent à dominer la méthode antique d'exhaustion et à obtenir, par son intermédiaire et avec l'aide de quelques procédés originaux, différents résultats, connus d'Archimède, et d'autres jusqu'alors inédits. Alors que la plupart des problèmes traités par Archimède équivalent à la quadrature de ax et de ax 2, on trouve chez Thābit ibn Qurra, dès le ix e siècle, un calcul équivalant à la détermination de l'intégrale :

et cela par un procédé qui revient à diviser l'intervalle d' intégration en éléments formant une progression arithmétique. Le calcul du volume du solide de révolution engendré par la rotation d'un segment de parabole autour de sa corde (calcul qui revient à la sommation de ax 4) amène Ibn al-Haytham, au début du xi e siècle, à réaliser la détermination préalable de la somme des puissances quatrièmes de la suite des entiers. Il faut encore mentionner que son contemporain, le célèbre physicien et géographe al-Bīrūnī, fut conduit par ses recherches sur le mouvement non uniforme à l'étude des propriétés des fonctions au voisinage de leurs maximums ou minimums et à la conception des notions de vitesse instantanée et d'accélération d'un mouvement ponctuel. De telles considérations innovent de façon remarquable sur l'Antiquité, qui ignorait pratiquement la cinématique ; elles ne réapparaîtront qu'à la fin du xvii e siècle, trop tardivement pour contribuer à la genèse de la notion de dérivée.

L'influence de la scolastique

Tandis qu'au cours de la période la plus brillante de la science arabe se manifeste ainsi, dans la tradition d'Archimède, un éclatant mais bref renouveau de l'étude des méthodes infinitésimales, certains philosophes, spécialement Avicenne et Averroès, continuent, sous l'influence d'Aristote et, indirectement, de Zénon d'Élée, à discuter des notions de continu, d'indivisible et de formes fluentes. Mais l'influence de ce courant ne semble pas avoir été très vivace. Dans l'Occident médiéval chrétien, c'est au contraire par l'intermédiaire de telles discussions philosophiques, et non dans une optique strictement mathématique que les préoccupations infinitésimales interviendront dans l'élaboration des nouveaux courants de pensée mathématique et physique. Si l'on trouve quelque vague pressentiment du calcul infinitésimal dans certaines études de dynamique entreprises, au cours de la première moitié du xiii e siècle, par Jordanus Nemorarius, c'est, en réalité, dans l'œuvre de son contemporain Robert Grosseteste et dans celles de ses successeurs des écoles d'Oxford et de Paris que la résurgence des discussions antiques inspirées de Zénon et d'Aristote conduira à un approfondissement des conceptions d' infini, d'infiniment petit et de grandeur continue et à un pressentiment des notions de fonction, de représentation graphique, de vitesse, voire de série infinie. Ainsi, réapparaissent, en vue d'être appliquées à la mécanique et à une sorte de physique mathématique (parfois étendue abusivement à des notions aussi aberrantes que celles de blancheur ou de charité et sans le solide support mathématique qui eût été indispensable), diverses idées qui avaient trouvé de fécondes applications soit dans l'œuvre d'Archimède, soit dans certains travaux de ses disciples arabes. Si Georg Cantor devait trouver chez les[...]

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René TATON, « CALCUL INFINITÉSIMAL - Histoire », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

Médias

Dérivées et intégrales

Dérivées et intégrales

Dérivées et intégrales

Image graphique des dérivées et des intégrales.


La dérivée d'une fonction f(x) est une autre fonction…

Figure 1

Figure 1

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Figure 1.

Figure 2

Figure 2

Figure 2

Figure 2.

Autres références

  • ABEL NIELS HENRIK (1802-1829)

    • Écrit par Jean-Luc VERLEY
    • 7 164 mots

    À une époque où la Norvège était d'une extrême pauvreté par suite des guerres qui l'avaient ruinée, Niels Henrik Abel, second fils d'une famille de sept enfants, naquit le 5 août 1802 dans l'île de Finnøy, près de Stavanger. Dès sa quinzième année, il lut et assimila les travaux les plus difficiles d'Euler[...]

  • ARCHIMÈDE (287-212 av. J.-C.)

    • Écrit par Jean ITARD
    • 14 581 mots
    • 2 médias
    [...]volumes par excès et défaut en remplaçant chaque couche par un cylindre circonscrit ou inscrit. Il utilisera, pour conclure, le raisonnement appelé, depuis le xvii e siècle,« par exhaustion », et qui remonte à Eudoxe. Apparaissent ainsi nos « sommes de Riemann » et nos intégrales définies.
  • BARROW ISAAC (1630-1677)

    • Écrit par E.U.
    • 1 674 mots

    Mathématicien et théologien anglais qui fut un des précurseurs du calcul infinitésimal. Ordonné ministre anglican en 1668, Isaac Barrow enseigna le grec à l'université de Cambridge (1660-1663) et fut nommé, en 1662, professeur de mathématiques au collège Gresham de Londres. En 1664, il devient[...]

  • BERNOULLI LES

    • Écrit par E.U.
    • 6 804 mots
    • 1 média
    – Systématisation du calcul infinitésimal. En 1687, Jacques écrit à Leibniz pour lui demander de lui préciser de nombreux points obscurs des premiers fondements du calcul infinitésimal parus dans les Acta eruditorum en 1684. Leibniz, absent de Hanovre, ne répondit qu'en 1690 et la tradition[...]
  • CANTOR GEORG (1845-1918)

    • Écrit par Hourya BENIS-SINACEUR
    • 15 869 mots
    • 1 média

    Georg Cantor est le mathématicien de génie qui a ouvert pour les mathématiques le paradis de l’infini. Il a développé la théorie des ensembles qui permet de traiter tout objet mathématique comme un ensemble d’éléments déterminé, fini ou infini, et a introduit le concept de transfini, qui[...]

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