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BYZANCE La littérature

Du monothéisme à la crise iconoclaste (610-843)

Entre Héraclius et Michel III, dans ce qu'on a appelé ses « siècles obscurs », se situe l'étiage intellectuel de Byzance. Dans l'Empire appauvri, diminué, ravagé par des guerres continuelles, amputé des deux grandes métropoles d'Antioche et d'Alexandrie, déchiré par deux crises religieuses qui opposent l'orthodoxie à l'autorité impériale, la culture est en décadence ; seule la science médicale est encore illustrée au viie siècle par Paul d'Égine, dont l'Abrégé de médecine servait encore à l'Université de Paris au xviiie siècle. Il n'y a pas d'historiens ; du moins, à défaut d'un Procope, les campagnes d'Héraclius ont-elles trouvé leur Homère en la personne de Georges Pisidès, dont les poèmes patriotiques, notamment l'Héracliade, d'une facture très traditionaliste, ont connu un succès durable. Vers la fin de cette période, donc à la veille de la renaissance macédonienne, paraît aussi une poétesse de valeur, Cassia.

La littérature de ce temps, essentiellement religieuse et surtout monastique, intéresse donc plutôt l'histoire de l'Église byzantine. L'orthodoxie est défendue contre le monothélisme par Sophronios de Jérusalem (mort en 638) et Maxime le Confesseur (582 env.-662). Celui-ci, influencé par le pseudo-Denys, expose dans son Livre ascétique une ascèse plus sereine que celle de Jean Climaque ; on peut rattacher à son école Anastase le Sinaïte. Au siècle suivant, Jean Damascène (675 env.-754 env.), dans sa monumentale Source de la connaissance, dresse en face de l'iconoclasme un exposé systématique de la foi orthodoxe qui paraîtra définitif aux chrétiens de Byzance et qui met comme un point final à la dogmatique grecque. C'est encore à un moine et à un adversaire de l'iconoclasme, Théophane de Sygriana (mort en 817), que l'on doit une Chronographie célèbre et très tôt traduite en Occident ; en l'absence d'autres sources historiques, elle nous est précieuse par l'ampleur de son information.

Mais l'influence monastique se fait sentir plus encore dans le domaine de l'hymnologie. Bien que le kontakion soit encore cultivé, notamment par Joseph l'Hymnographe et l'école sicilienne, il est progressivement évincé par un genre nouveau apparu au viie siècle, le canon, composition formée de plusieurs « odes » à strophes courtes, et dont le caractère n'est plus narratif ou dramatique comme dans le kontakion, mais purement lyrique. Chez le plus ancien maître connu du genre, André de Crète (660-720), Syrien d'origine, et auteur du Grand Canon de deux cent cinquante strophes, on sent encore l'influence de Romanos. Le canon reçoit sa forme définitive au siècle suivant, dans deux écoles d'hymnographes : celle de Syrie avec Jean Damascène et son frère Cosmas de Maïouma et celle du Stoudios, le grand couvent constantinopolitain, avec Théodore le Studite (759-826), connu aussi comme polémiste et écrivain ascétique, son frère Théodore et Théophane Graptoï (775-844 et 778-845). Leurs œuvres forment la base des livres liturgiques actuels. Ce bouleversement de l'hymnologie traditionnelle s'explique, non seulement parce que le canon permet de varier le rythme et par conséquent la mélodie, mais aussi par un souci de plus grande précision dogmatique dans le texte de l'office. Cette précision a pour rançon une certaine impersonnalité de style.

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Écrit par

  • : maître assistant à l'École pratique des hautes études
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Universalis et José GROSDIDIER DE MATONS. BYZANCE - La littérature [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BYZANCE, 330-1453 (exposition)

    • Écrit par Christian HECK
    • 1 037 mots

    Du marbre représentant le monstre marin rejetant Jonas sur la rive à la plaque d'orfèvrerie de l'éclatant saint Michel archange et à l'icône de l'Échelle sainte de Jean Climaque, plus de trois cents objets ont exprimé, lors de l'exposition Byzance, 330-1453 (Royal Academy...

  • BYZANCE MÉDIÉVALE 700-1204 (A. Cutler et J.-M. Spieser)

    • Écrit par Jean-Pierre SODINI
    • 1 250 mots

    La collaboration de deux grands spécialistes de Byzance a permis la mise au point d'un livre intelligent et vivant, qui renouvelle les vues routinières sur Byzance (coll. L'Univers des formes, Gallimard, Paris, 1996).

    Une brève introduction souligne quelques constantes de l'âme byzantine....

  • ALBANIE

    • Écrit par Anne-Marie AUTISSIER, Odile DANIEL, Universalis, Christian GUT
    • 22 072 mots
    • 9 médias
    ...que l'Illyrie, christianisée dès le ier siècle (avec saint Asti à Durrës et saint Donat à Vlora), fournit, au iiie siècle, plusieurs empereurs. Comprise, en 395, dans l'empire d'Orient, elle fut ravagée par les invasions barbares avant que le déferlement slave des vie et viie siècles...
  • ALP ARSLAN (1030 env.-1072) sultan seldjoukide (1063-1072)

    • Écrit par Robert MANTRAN
    • 328 mots

    Après avoir montré ses qualités militaires dans des campagnes victorieuses en Afghanistan et en Iran, Alp Arslan succède vers 1060 à son père Tchaghri Beg au Khorassan, puis en 1063 à son oncle Toghroul Beg en Iran et en Irak. Ayant réussi à éliminer ses oncles et cousins, reconnu comme ...

  • ANASTASE LE BIBLIOTHÉCAIRE (810 env.-env. 880)

    • Écrit par Universalis
    • 455 mots

    Linguiste distingué et cardinal de Rome né autour de 810, probablement à Rome (Italie), mort vers 880, Anastase le bibliothécaire est un conseiller politique influent des papes du ixe siècle.

    Apparenté à un évêque italien et reconnu pour sa parfaite connaissance du grec, Anastase est nommé cardinal-prêtre...

  • ANNE COMNÈNE (1083-1148)

    • Écrit par Pascal CULERRIER
    • 564 mots

    Fille aînée de l'empereur Alexis Ier (qui régna de 1081 à 1118), Anne Comnène, née en 1083, épousa le césar Nicéphore Bryennios et brigua en vain la couronne impériale. L'échec de ses ambitions politiques lui valut une retraite forcée qu'elle mit à profit pour reprendre un projet laissé...

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Voir aussi