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JEAN DAMASCÈNE (640 env.-env. 750)

On voit souvent dans saint Jean Damascène l'auteur de la première Somme théologique. Certes la Source de la connaissance a servi de manuel en Orient pendant le Moyen Âge byzantin, cependant que, trois fois traduite en latin du xie au xiiie siècle, elle facilitait, par son usage du vocabulaire aristotélicien et son ébauche de systématisation, la tâche des grands scolastiques. Toutefois, tandis qu'en Occident le Damascène était lu dans la perspective d'une théologie des concepts, en Orient son œuvre marquait le passage de l'investigation intellectuelle à l'expérience ecclésiale. Elle s'inscrit entre l'adoration du Dieu inconnaissable, aux premières pages de l'« Exposé de la foi », et la célébration du Dieu participable par la beauté de l'hymne et de l'icône et par une spiritualité de transfiguration.

Un Arabe chrétien

Le destin du Damascène incarne celui de l'orthodoxie arabe, humiliée par l'Islam, contrainte à s'intérioriser – par là même capable de défendre l'essentiel de la foi contre les prétentions césaro-papistes des empereurs byzantins iconoclastes. Né à Damas vers 650, Jean portait aussi le nom arabe de Mansour comme son grand-père qui, haut fonctionnaire impérial, avait signé en 635 la capitulation de la ville devant l'envahisseur musulman. Le calife ayant laissé en place l'appareil d'État byzantin, Jean devint responsable de l'administration locale des finances, et donc le protecteur de ses coreligionnaires dotés d'une véritable autonomie interne comme « nation chrétienne » (millet), mais soumis au tribut.

Cet administrateur est également un savant et un poète qui, bilingue, prend en grec la défense de l'art chrétien, menacé à la fois par l'exemple de l'Islam et le premier iconoclasme byzantin, et compose des hymnes liturgiques vigoureusement trinitaires, courageux témoignage face au strict monothéisme du conquérant.

Bientôt un nouveau calife, ‘Abd el-Malik, amorce l'islamisation du corps des fonctionnaires et Jean, peut-être discrédité aussi aux yeux du souverain, se retire au monastère de Saint-Sabbas, près de Jérusalem. Il reçoit à contrecœur l'ordination sacerdotale et se consacre désormais à la prière, à la prédication, à l'élaboration de ses œuvres théologiques. Il meurt centenaire à Saint-Sabbas, peu avant le concile iconoclaste de 754, qui l'anathématise. Réhabilité par le septième Concile œcuménique (787) qui rétablit et explicite le culte des images, Jean est honoré comme un saint par les orthodoxes et par les catholiques et bientôt surnommé Chrysorrhoas, « Fleuve d'or », « à cause des dons de l'intelligence, éclatants comme l'or, qui brillaient dans sa doctrine comme dans sa vie ». En 1890, Léon XIII le placera au rang des docteurs de l'Église.

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, professeur à l'Institut Saint-Serge de Paris

Classification

Pour citer cet article

Olivier CLÉMENT. JEAN DAMASCÈNE (640 env.-env. 750) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • JÉSUS ou JÉSUS-CHRIST

    • Écrit par Joseph DORÉ, Pierre GEOLTRAIN, Jean-Claude MARCADÉ
    • 21 165 mots
    • 26 médias
    ...subtiles, l'Église « orthodoxe » dut, à son tour, élaborer une théologie de l'icône où la représentation du Christ était rendue possible par son Incarnation. Saint Jean Damascène, au viie siècle, fut le premier grand théologien des images sacrées, qui justifie ainsi la possibilité de figurer le Dieu-Homme...

Voir aussi