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BARTÓK BÉLA (1881-1945)

Béla Bartók, Benny Goodman, Jospeh Szigeti - crédits : Archive Photos

Béla Bartók, Benny Goodman, Jospeh Szigeti

Au début du xxe siècle, le compositeur Béla Bartók fonda, avec Zoltán Kodály, la nouvelle école hongroise de la musique en faisant une large place à la culture populaire et à la musique folklorique. Depuis la formation de la nation hongroise, la musique a été une composante essentielle de sa civilisation. Que ce soit à cause de son contexte géographique ou de sa force assimilatrice, cette civilisation a su s'affirmer, à travers les vicissitudes de l'histoire, par sa tendance permanente à la synthèse. Durant un siècle et demi d'occupation turque, le pays fut divisé en trois parties et, une fois libéré des Turcs, il subit la domination autrichienne pendant une période aussi longue et sans avoir pu récupérer les territoires récemment libérés. Le Banat – partie méridionale de l'Alföld, la grande plaine du Danube –, libéré seulement en 1718, ne sera rattaché à la mère patrie que soixante ans plus tard. Des colonies étrangères, en majorité germanophones, furent installées au cours du xviiie siècle parmi la population hongroise décimée dans les guerres turques. Vers la fin de ce siècle commence, sous l'effet des idées nouvelles venues de France, une lente transformation de la société hongroise, évolution freinée, parfois brutalement, par Vienne. Le pays a cependant gardé son caractère agricole jusqu'au lendemain de la Première Guerre mondiale. Les conditions historiques n'ayant pas rendu possible la formation d'une classe moyenne unie et forte, la paysannerie, formant la grande majorité de la population et seule gardienne des vestiges d'une civilisation commune à toutes les couches, s'est trouvée de plus en plus isolée des classes supérieures.

Cette situation paradoxale n'a pas empêché les Hongrois de donner des musiciens éminents aux pays occidentaux dès le xvie siècle, alors que, chez eux, la pratique de la musique savante était réservée à des milieux restreints. À la fin du xviiie siècle apparaît une « manière », d'audience quasi nationale, le verbunkos, issu des danses de recrutement amalgamées à des éléments orientaux et viennois, manière qui eut un rayonnement international assez important à travers le style hongrois des compositeurs du xixe siècle (Franz Liszt, Ferenc Erkel, Stephen Heller, Mihály Mosonyi). Le verbunkos a symbolisé l'identité hongroise de la musique savante jusqu'en 1867, année du compromis austro-hongrois ; à partir de ce moment, il est relégué à l'arrière-plan. La Hongrie est dotée, dans le dernier quart du xixe siècle, d'institutions musicales d'autorité internationale, comme l'Académie de musique (École des hautes études, 1875), présidée par Liszt et dirigée par Erkel, où l'enseignement de la composition est confié à des maîtres allemands (Friedrich Robert Volkmann, Hans Koessler), et l'Opéra royal (1884), qui peut s'enorgueillir de la présence de chefs illustres (Arthur Nikisch, Gustav Mahler), également de langue allemande. Au Parlement hongrois, l'opposition est alors animée par le parti de Kossuth (1802-1894), chef spirituel de la guerre d'indépendance anti-autrichienne de 1848-1849, mort dans l'émigration. Son héritage reste très stimulant au début du siècle suivant, lorsque prodynastiques et antidynastiques s'affrontent violemment et lorsqu'apparaît la nouvelle école hongroise de la musique avec Bartók et Kodály.

Entre Orient et Occident

Enfance et adolescence

Béla Bartók naît le 25 mars 1881 à Nagyszentmiklós (aujourd'hui Sînnicolau Mare, en Roumanie), dans le Banat, où ses ascendants paternels, originaires de la Haute Hongrie et partisans fervents de Kossuth, étaient installés depuis trois générations. Son père, Béla, directeur d'une école d'agriculture et musicien amateur, fut l'animateur culturel de cette bourgade de 10 000 âmes environ, où se côtoyaient[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur honoraire à l'Institut national des langues et civilisations orientales, administrateur de l'Association pour le développement des études finno-ougriennes, président du comité français Béla Bartók, compositeur, musicologue, ethnologue

Classification

Pour citer cet article

Jean GERGELY. BARTÓK BÉLA (1881-1945) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Béla Bartók, Benny Goodman, Jospeh Szigeti - crédits : Archive Photos

Béla Bartók, Benny Goodman, Jospeh Szigeti

Béla Bartók - crédits : Gabriel Hackett/ Hulton Archive/ Getty Images

Béla Bartók

Autres références

  • ALLEGRO BARBARO. BÉLA BARTÓK ET LA MODERNITÉ HONGROISE 1905-1920 (exposition)

    • Écrit par Gérard DENIZEAU
    • 1 022 mots

    L’exposition Allegro barbaro. Béla Bartók et la modernité hongroise, 1905-1920, présentée au musée d’Orsay du 15 octobre 2013 au 5 janvier 2014, est centrée sur la personnalité et la production du compositeur hongrois, mais aussi sur le contexte dans lequel il a œuvré. Pionniers au sein d’une...

  • MUSIQUE POUR CORDES, PERCUSSION ET CÉLESTA (B. Bartok)

    • Écrit par Alain PÂRIS
    • 266 mots

    Commande du chef d'orchestre et mécène suisse Paul Sacher, la Musique pour cordes, percussion et célesta de Béla Bartók est créée le 21 janvier 1937 par Sacher à la tête de l'Orchestre de chambre de Bâle, ses dédicataires. Avec cette œuvre, Bartók cherche à renouer avec la tradition baroque...

  • ANDA GÉZA (1921-1976)

    • Écrit par Pierre BRETON
    • 705 mots

    Pianiste suisse d'origine hongroise, représentant de l'illustre école magyare qui a vu éclore Annie Fischer, György Cziffra, Andor Foldes, György Sebök ou Tamás Vásáry, Géza Anda naît à Budapest le 19 novembre 1921. Sa famille encourage très tôt ses dispositions pour la musique et il...

  • ARMA PAUL (1904-1987)

    • Écrit par Juliette GARRIGUES
    • 1 393 mots

    Né le 22 octobre 1904 à Budapest, mort le 28 novembre 1987 à Paris, le compositeur français d’origine hongroise Imre Weisshaus (qui adoptera le pseudonyme Paul Arma lors de son installation à Paris) apprend le piano dès l'âge de cinq ans et reçoit, de 1920 à 1924, un enseignement très complet,...

  • ETHNOLOGIE - Ethnomusicologie

    • Écrit par Jean-Jacques NATTIEZ
    • 6 989 mots
    • 2 médias
    ...et populaire de pays où il existe, par ailleurs, une musique dite savante, ces chercheurs sont identifiés comme des folkloristes. Deux noms dominent : Bartók et Kodaly. On aurait pu craindre que le travail ethnomusicologique du compositeur Bartók soit « intéressé » et qu'il lui fournisse un matériau...
  • FOLKLORIQUE HONGROISE ÉCOLE

    • Écrit par François VIEILLESCAZES
    • 1 038 mots
    • 2 médias

    En 1889, au moment de la fondation de la Société hongroise d'ethnologie (Magyar Néprajzi Társaság), qui commence en 1890 la publication de la revue Ethnographia, l'école folklorique hongroise est installée à Budapest. L'importance et la richesse du folklore hongrois en...

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Voir aussi