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AUTANT EN EMPORTE LE VENT, film de Victor Fleming

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Des personnages forts

Le film présente des personnages énergiques dans des situations dures, avec une héroïne féminine comme en avaient joué Bette Davis et Joan Crawford. Super-production, Autant en emporte le vent est paradoxalement l'un des films les moins lénifiants du cinéma américain classique : les gentils (Melanie, Ashley) sont au second plan, tandis qu'une garce et un trafiquant qui fréquente les mauvais lieux sont les héros. L'audace des situations (viol conjugal, adultère, prostitution) étonne si l'on considère que le film a été réalisé dans une période où régnait le sourcilleux Code Hayes, qui réglementait tous les cas. Selznick a même dû lutter pour faire admettre dans les dialogues les jurons les plus anodins, dont la dernière réplique de Rhett à Scarlett quand il la quitte : « Frankly, mydear, I don'tgive a damn » (« Franchement, ma chère, je m'en fous »).

Star masculine des débuts du parlant, et « sex symbol » depuis New York-Miami (It Happened One Night, 1934, de Frank Capra) Clark Gable avait déjà joué les mufles et les machistes séduisants, mais c'est en Rhett Butler, personnage taillé pour lui, qu'il trouva le rôle de sa vie. Pour Scarlett, après avoir envisagé un grand nombre de stars, Selznick engagea à la surprise générale une actrice de théâtre britannique, Vivien Leigh, qui remportera un des dix oscars attribués au film. Elle incarne avec flamme une femme frustrée et indomptée, tour à tour odieuse et pathétique, dont la taille mince fit rêver bien des générations. L'actrice ne retrouvera sur l'écran un rôle à sa mesure que dans la Blanche Dubois d'Un tramway nommé Désir(A Streetcar NamedDesire, 1951), d'Elia Kazan, autre rôle de femme insatisfaite.

Visuellement, le film se conforme à une grammaire académique et à une esthétique de carte postale historique assez impersonnelle, dont les couleurs chromo ont été choisies comme telles. De fait, cette esthétique ainsi que la direction d'acteurs du peu tendre Victor Fleming servirent le film, en mettant en valeur la rudesse des situations et des caractères.

Le film fut un titre de honte pour beaucoup de Noirs américains, non seulement par son approche sudiste de la guerre de Sécession, mais aussi pour avoir valu à Hattie McDaniel un oscar du meilleur second rôle dans le rôle de la nourrice de Scarlett. Une nounou forte en gueule, certes, mais esclave tout de même et contente de l'être, conforme à une image niaise des Afro-Américains. Ce n'était qu'un petit progrès par rapport à la vision raciste de l'autre film épique avec lequel Selznick avait voulu rivaliser, la Naissance d'une nation (The Birth of a Nation, 1915), de David Wark Griffith.

Si d'autres « gros films », comme le Titanic de James Cameron en 1997, dépassèrent le succès de Gone with the Wind, cette œuvre reste unique en son genre, par sa vision des rapports amoureux, et par son dénouement amer qui sépare des personnages marqués.

— Michel CHION

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Écrit par

  • : écrivain, compositeur, réalisateur, maître de conférences émérite à l'université de Paris-III

Classification

Pour citer cet article

Michel CHION. AUTANT EN EMPORTE LE VENT, film de Victor Fleming [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Média

Autant en emporte le vent, V. Fleming - crédits : MoviePix/ Silver Screen Collection/ Getty Images

Autant en emporte le vent, V. Fleming

Autres références

  • GABLE CLARK (1901-1960)

    • Écrit par
    • 1 731 mots
    • 1 média
    Lorsque le producteur David O. Selznick entreprit la réalisation d'Autant en emporte le vent (1939), la M.G.M. lança un sondage pour déterminer, qui pouvait être la meilleure interprète de Scarlett. En revanche, la question ne se posa à aucun moment pour le rôle de Rhett Butler, malgré l'importance...
  • LEIGH VIVIEN (1913-1967)

    • Écrit par
    • 748 mots
    • 1 média

    Vivien Leigh, de son vrai nom Vivian Mary Hartley, est née le 5 décembre 1913 à Darjeeling (Inde). Fille d'un agent de change du Yorkshire, elle reçoit une éducation religieuse en Angleterre et en Europe continentale. Suivant l'exemple de sa camarade de classe Maureen O'Sullivan...

  • STEINER MAX (1888-1971)

    • Écrit par
    • 1 236 mots

    Le compositeur américain d'origine autrichienne Max Steiner fut, dans les années 1930 et 1940, un des principaux compositeurs de musique de film d'Hollywood, aux côtés d'autres Européens émigrés – l'Autrichien Erich Wolfgang Korngold, le Hongrois Miklós Rózsa, l'Allemand...