Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

DESCARTES RENÉ (1596-1650)

Portrait présumé de René Descartes, S. Bourbon - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Portrait présumé de René Descartes, S. Bourbon

René Descartes est à la fois le plus célèbre et le plus grand des philosophes français. En France, cependant, sa célébrité ne tient pas toujours à son génie, mais à une simplification désastreuse de sa doctrine, où l'on ne voit qu'un rationalisme étroit et à courte vue : chacun, alors, croit pouvoir invoquer à tout propos l'autorité de Descartes, et se dire cartésien. En réalité, la philosophie de Descartes est d'une extraordinaire complexité, et sa richesse telle qu'on y peut découvrir la source de toute la philosophie moderne. Les grands métaphysiciens du xviie siècle (Malebranche, Spinoza, Leibniz) ont construit leurs systèmes en réfléchissant sur celui de Descartes dont, bien entendu, ils s'éloignent souvent, mais par rapport auquel ils se situent toujours. Les analyses de Locke, de Berkeley, de Hume ont leur source dans le cartésianisme. La fameuse « révolution copernicienne » de Kant n'est, en un sens, qu'une reprise de la primauté, accordée par Descartes, au sujet pensant sur tout objet pensé. Hegel tient Descartes pour un héros. Et, plus récemment, Edmund Husserl a donné à ses conférences prononcées à Paris en 1929 le titre de Méditations cartésiennes.

Il est donc difficile de parler de cartésianisme. Le cartésianisme, c'est ce que, dans les esprits les plus divers, la philosophie de Descartes est devenue. Il y a un cartésianisme méthodologique, qui consiste à ne se fier qu'à l'évidence rationnelle, un cartésianisme scientifique, qui se confond avec le mécanisme, un cartésianisme métaphysique, qui tient l'existence de notre pensée pour notre première certitude. Aux yeux de Malebranche, Descartes est celui qui a permis d'édifier une philosophie véritablement chrétienne, aux yeux des femmes savantes de Molière, il est l'auteur de la théorie des tourbillons, aux yeux de Victor Cousin, il est le soutien du spiritualisme. Pour mettre tout cela en ordre, et pour apercevoir le lien entre des affirmations qui, souvent, peuvent paraître opposées, il faut donc revenir à Descartes lui-même.

La vocation intellectuelle

René Descartes naquit le 31 mars 1596 à La Haye, petite ville de Touraine qui a abandonné son nom pour prendre celui du philosophe. Son père est Joachim Descartes, conseiller au Parlement de Rennes, sa mère Jeanne Brochard. En 1606, à l'âge de dix ans, il est admis au collège royal de La Flèche, tenu par les jésuites. Il y reçoit un traitement de faveur, dû à ses dons et à sa fragile santé : il peut se lever tard, réfléchir longuement dans son lit, habitude qu'il conservera toute sa vie. La première partie du Discours de la méthode nous entretient de ces années d'études. Descartes remarque vite que les leçons qu'il reçoit ne lui donnent, dans la vie, aucune assurance. Il rêve d'une science proposant à l'homme des fins, et veut fournir à la morale une certitude qu'il ne rencontre alors que dans les mathématiques.

La « science admirable »

En 1614, Descartes quitte La Flèche. En 1616, il passe, à Poitiers, son baccalauréat et sa licence en droit. En 1618, il se rend en Hollande et s'engage dans l'armée de Maurice de Nassau. C'est au mois de novembre de cette même année qu'il fait la rencontre, capitale pour lui, de Beeckman. Plus âgé que Descartes, Beeckman venait de prendre, à l'Université de Caen, ses grades de licencié et de docteur en médecine. Très informé des progrès scientifiques du moment, il tenait journal de ses réflexions et du résultat de ses recherches. Il professait le mécanisme, et c'est pour le mécanisme que Descartes s'enthousiasme aussitôt. C'est pour Beeckman, avec lequel du reste il devait se fâcher plus tard, qu'il rédige ses premiers écrits, et un petit Traité de musique (1618).

En avril 1619, Descartes quitte la Hollande, gagne le Danemark,[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur honoraire à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Institut (Académie des sciences morales et politiques)

Classification

Pour citer cet article

Ferdinand ALQUIÉ. DESCARTES RENÉ (1596-1650) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Portrait présumé de René Descartes, S. Bourbon - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Portrait présumé de René Descartes, S. Bourbon

Systèmes planétaires de Copernic, Brahe et Descartes - crédits : AKG-images

Systèmes planétaires de Copernic, Brahe et Descartes

Autres références

  • DESCARTES ET L'ARGUMENTATION PHILOSOPHIQUE (dir. F. Cossutta)

    • Écrit par Jean LEFRANC
    • 1 443 mots

    L'œuvre de Descartes, qui fonde le rationalisme des temps modernes, peut-elle résister aux analyses réductrices des sociologues, des linguistes, des théoriciens de l'argumentation ? La philosophie doit-elle se résigner à n'être qu'un phénomène social, un « reflet » selon les marxistes,...

  • LA DIOPTRIQUE (R. Descartes)

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 180 mots

    René Descartes (1596-1650) publie à Leyde (Hollande) La Dioptrique en appendice de son Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences. Il y montre que sa méthode est supérieure à la façon commune. Dans les deux premiers discours, intitulés « De la...

  • DISCOURS DE LA MÉTHODE, René Descartes - Fiche de lecture

    • Écrit par François TRÉMOLIÈRES
    • 1 003 mots

    Publié à Leyde en 1637, en français et anonymement, le Discours de la méthode servait d'introduction à un recueil d'études scientifiques. Le titre complet en explicite le contenu : Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences. Plus...

  • MÉDITATIONS MÉTAPHYSIQUES, René Descartes - Fiche de lecture

    • Écrit par François TRÉMOLIÈRES
    • 985 mots

    Les Méditations métaphysiques (Meditationes de prima philosophia, 1641) sont la première œuvre proprement philosophique de Descartes (1596-1650), et d'ailleurs le premier ouvrage publié sous son nom. Alors que le Discours de la méthode (1637) garde un caractère de circonstance, ne se voulant...

  • LES PASSIONS DE L'ÂME, René Descartes - Fiche de lecture

    • Écrit par François TRÉMOLIÈRES
    • 885 mots
    • 1 média

    Paru en novembre 1649 à Paris et Amsterdam, rédigé directement en français comme le Discours de la méthode(1637), Les Passions de l'âmeest le dernier grand ouvrage de René Descartes (1596-1650), installé depuis peu à Stockholm, et le dernier texte publié de son vivant. Il s'agit d'abord,...

  • AFFECTIVITÉ

    • Écrit par Marc RICHIR
    • 12 228 mots
    ...aller de soi. C'est particulièrement frappant, dans le champ politique, chez Machiavel et chez Hobbes, dans le champ plus proprement philosophique chez Descartes, pour qui, on le sait, le réamorçage de la philosophie ne peut se faire qu'à travers l'épreuve du doute, non seulement méthodique, mais hyperbolique....
  • ALQUIÉ FERDINAND (1906-1985)

    • Écrit par Jean BRUN
    • 1 586 mots

    Né à Carcassonne, Ferdinand Alquié avait gravi tous les échelons de la carrière universitaire ; ayant commencé comme maître d'internat, il devait devenir professeur à la Sorbonne puis membre de l'Institut. Son œuvre, très importante, relève à la fois de la philosophie et de l'histoire...

  • ARCHITECTURE (Thèmes généraux) - Architecture et philosophie

    • Écrit par Daniel CHARLES
    • 5 459 mots
    Le texte des Réponses aux septièmes objections est significatif : Descartes se compare à un architecte qui « creuse » jusqu'au « roc » (c'est-à-dire qui doute jusqu'au cogito) afin de construire enfin quelque chose de bien fondé. Cependant, le « fond » que découvre Descartes...
  • ASÉITÉ

    • Écrit par Marie-Odile MÉTRAL-STIKER
    • 829 mots

    Appartenant strictement à la langue philosophique, le terme « aséité », qui évoque inévitablement la causa sui de Spinoza, désigne la propriété de ce qui a sa propre raison d'être en soi-même et n'est pas relatif à un autre pour ce qui est de son existence. Sur ce sens général,...

  • Afficher les 124 références

Voir aussi